Visas pour les Antilles

Question d’actualité au gouvernement n° 0753G de Mme Catherine Conconne(Martinique – SOCR) publiée dans le JO Sénat du 12/04/2019

Mme Catherine Conconne. Monsieur le secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur, je veux aujourd’hui vous parler de Luciano, artiste de reggae jamaïcain mondialement connu.

Comme moi, Luciano vient de cette belle et grande région, la Caraïbe, qui fit autrefois la richesse des puissantes métropoles. Une communauté de nations de plus de 40 millions d’habitants qui tente depuis quelques années de poser les bases d’une coopération solide.

Luciano et ses musiciens devaient venir en Martinique pour un concert très attendu, le 31 mars dernier. Mais ce jour-là, le concert n’a pas eu lieu : les musiciens n’ont pas obtenu leurs visas dans les temps. Pis, ils ont attendu plus d’un mois leurs passeports sans savoir quand ceux-ci leur seraient renvoyés, assignés à résidence par la force des choses, par la lenteur du traitement de leur dossier.

Depuis un peu plus d’un an, nos voisins jamaïcains et la plupart des ressortissants des grandes Antilles doivent passer par le consulat général de Washington pour venir chez nous.

Comme bien d’autres consulats, celui de Washington a confié le traitement des demandes de visas à un prestataire privé, tristement dénommé VFS.

Ce prestataire privé, qui coûte cher à ceux qui veulent venir chez nous, ne répond ni aux mails ni aux appels téléphoniques, et ne permet pas de suivre correctement les demandes. Il décourage les visiteurs et tue à petit feu toute tentative de coopération ou d’échanges économiques, culturels ou touristiques.

Faciliter la délivrance de visas pour des courts séjours dans notre territoire ne provoquera pas, je vous rassure, un afflux massif de Jamaïcains en Martinique ! Et notre territoire ne fait pas partie de l’espace Schengen.

Les postures coloniales ont tout fait pour nous faire tourner le dos à ce bassin légitime, cette « géographie cordiale » si bien nommée par le poète. Le chemin inverse est long et compliqué. Mon pays a tout mis en œuvre, parfois à marche forcée, pour intégrer les grandes instances caribéennes. Il est désormais membre de l’Association des États de la Caraïbe, l’AEC, et de l’Organisation des États de la Caraïbe orientale, l’OECO, mais tout cela est vain si nos voisins sont si contraints.

M. le président. Votre question !

Mme Catherine Conconne. Combien de Luciano faudra-t-il, monsieur le secrétaire d’État, pour que la France prenne conscience que la distance qu’elle maintient entre nos territoires et la grande Caraïbe pèse sur nous comme un lest qui nous freine sur le chemin de notre développement ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – Mme Sophie Primas applaudit également.)

Réponse du Secrétariat d’État auprès du ministre de l’intérieur publiée dans le JO Sénat du 12/04/2019

M. Laurent Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur. Madame la sénatrice Catherine Conconne, votre question porte, d’une manière générale, sur l’attractivité des départements et collectivités d’outre-mer au travers de la dispense de visas pour les ressortissants étrangers.

M. Jean-Pierre Sueur. Et sur les visas !

M. Laurent Nunez, secrétaire d’État. Vous posez également une question particulière sur la situation d’un musicien jamaïcain et de son groupe, à laquelle je vais répondre.

Sur le premier point, comme vous le savez, l’octroi de ces visas est régi par un arrêté de juillet 2011 qui s’applique à la fois à la Martinique, à La Réunion, à la Guyane et à Saint-Pierre-et-Miquelon. Cet arrêté prévoit d’ores et déjà un certain nombre de dispenses à la possession d’un visa de court séjour pour accéder à ces territoires, et il fera l’objet d’une nouvelle simplification pour ouvrir encore le champ de ces dispenses.

Vous avez raison de souligner que la Jamaïque n’est pas visée par ces simplifications. Celles-ci peuvent concerner des ressortissants d’autres États détenant des titres de séjour délivrés par les États-Unis ou le Canada, par exemple, ou des visas Schengen, et qui peuvent être dispensés de visa.

J’en viens au cas particulier que vous avez cité. Les sénatrices et les sénateurs doivent savoir que le musicien dont il est question et son groupe ont déposé leurs demandes de visa entre le 19 et le 25 mars pour un départ le 30 mars. Le délai a donc été extrêmement court pour les traiter.

Vous avez eu raison de dire que nous avons, comme 39 autres pays, des dispositifs mobiles. C’est le cas à Kingston, où un prestataire envoie les demandes à notre consulat général à Washington. Généralement, les demandes sont traitées très rapidement. Deux de ces musiciens ont ainsi obtenu leur visa dans les délais.

Je suis obligé de le rappeler, ces demandes de visas avaient sans doute été déposées tardivement.

Mme Catherine Conconne. C’est entièrement faux !

M. Laurent Nunez, secrétaire d’État. Croyez bien que tout est fait pour rendre attractifs nos départements et nos collectivités d’outre-mer. Tel sera le cas avec la simplification de l’arrêté de 2011, qui interviendra après l’avis du Comité interministériel de la mer. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

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