MDMH DANS LA PRESSE : « LA GENDARMERIE FAIT PREUVE DE DENI FACE AU HARCELEMENT MORAL » AEF INFO (Par Me Maumont)

MDMH AVOCATS, par l’une de ses associées, Maître Elodie MAUMONT a été interviewée par Madame Judith BLANES, journaliste, d’AEF info il y a quelques jours et a évoqué les difficultés rencontrés par les gendarmes victimes de harcèlement moral ou sexuel.

Avec l’aimable autorisation de l’Agence de Presse AEF, nous reproduisons ci-après quelques extraits de la dépêche N° 58541 à retrouver sur le site de l’agence,  https://www.aefinfo.fr/

«  (…)  AEF info : Comment la gendarmerie fait-elle face aux dénonciations de harcèlement sexuel ou moral en interne ?

Élodie Maumont : Les procédures pour activer la protection des gendarmes dans les affaires de harcèlement sexuel ou moral me paraissent défaillantes ou dysfonctionnent. Dans les dossiers que je défends, le mécanisme « Stop discri » mis en place par la gendarmerie (lire sur AEF info) se retourne le plus souvent contre les personnes qui dénoncent des faits de harcèlement, surtout dans les cas de harcèlement moral. La gendarmerie fait preuve de déni face au harcèlement moral au lieu de prendre le problème à bras le corps. Selon elle, en gendarmerie, le harcèlement n’existe pas. Elle met vraiment le couvercle sur la casserole tout en sachant que cela va exploser.

Il faut avoir en tête que, le droit pour un militaire de contester une sanction disciplinaire n’a qu’un peu plus de 20 ans, il s’inscrit donc dans un mouvement récent. La reconnaissance du harcèlement pour les militaires – seul corps professionnel à ne pas voir ces dispositions dans le code les régissant – ne date que de 2014. Cette inscription dans le code de la défense est importante et doit être enseignée dans les écoles de gendarmerie. La cellule de lutte contre le harcèlement, les discriminations et les violences sexuelles « Thémis », propre au ministère des Armées, fait des cours dans les écoles d’officiers et distribue des plaquettes sur le harcèlement avec les fiches de soldes. Mais la gendarmerie semble oublier que c’est la prévention qui permettra de diminuer le phénomène du harcèlement.

Actuellement, en gendarmerie la procédure est longue puisque le plaignant, s’il choisit la voie administrative, doit d’abord saisir son autorité pour une demande de mise en œuvre de la protection fonctionnelle, puis la commission de recours militaire et, lorsqu’il y a engagement d’un recours judiciaire, il faut compter entre trois et quatre ans avant qu’elle n’aboutisse.

AEF info : De quels outils dispose la gendarmerie pour protéger ses personnels victimes de harcèlement ?

Le 20 décembre 2018, le tribunal administratif de Bastia a reconnu pour la première fois que l’une de mes clientes gendarme, victime de harcèlement moral, était fondée à demander l’application d’une demande de protection fonctionnelle. Pendant longtemps, la gendarmerie m’a opposé une fin de non recevoir dans ce type de dossiers alors que ce mécanisme, inscrit dans le code de la défense, est prévu par la loi depuis 2016. Cette demande de protection fonctionnelle permet une prise en charge des frais d’avocats dans le cadre d’une procédure pénale, mais aussi administrative. Elle permet, comme le détaille une circulaire de 2014 signée par Marylise Lebranchu, alors ministre de la Fonction publique, que l’institution concernée mette en œuvre toute mesure interne destinée à protéger la personne qui s’estime victime de harcèlement par le biais d’enquêtes internes, de sanction vis-à-vis des auteurs, de réparation des conséquences dommageables, etc.

Cependant, les enquêtes internes sont faites par des personnes dont l’impartialité n’est pas totalement garantie. Tant que seulement quelques personnes d’un service, comme par hasard toutes défavorables à la victime et qui utilisent les mêmes éléments de langage, sont entendues dans une enquête interne, comme cela a été reconnu dans un jugement récent du tribunal administratif de Bastia ; tant qu’il n’y aura pas de confrontation entre la victime et son auteur ; qu’un gendarme adjoint volontaire se fera auditionner par un colonel, la procédure interne ne sera pas transparente et les dés seront pipés. Il faudrait confier ce type de procédure à un audit externe, une autorité indépendante de la voie hiérarchique ou à l’IGPN. L’IGGN serait en retour chargée des enquêtes internes de la police. (…)

AEF info : Existe-t-il une culture ou des mécanismes de traitement du harcèlement moral ou sexuel différents entre les militaires relevant du ministère des Armées et les militaires de la gendarmerie relevant du ministère de l’Intérieur ?

Élodie Maumont : Le ministère de la Défense a pris en main la situation du harcèlement et des violences sexuels après les révélations de scandale sur les violences sexuelles dans l’armée en 2012. Il y a répondu en mettant en place la cellule Thémis, dont la mission est interarmée et dépend directement du ministre. Cette cellule offre une garantie d’indépendance que je ne vois pas au sein de la gendarmerie. La gendarmerie a conçu son dispositif propre, « Stop discri », que chaque militaire peut saisir mais qui est entre les mains de l’inspection générale de la gendarmerie nationale. Cela alimente le sentiment de partialité. Sur le traitement du harcèlement sexuel, l’expérience de Thémis devrait être reprise par la gendarmerie. En revanche, concernant le harcèlement moral, les mécanismes sont équivalents.

Par ailleurs, selon les textes, la médiation de l’Igag peut être sollicitée. Mais celle-ci prend fin dès saisine de la commission des recours des militaires. Le gendarme plaignant dispose en effet de deux mois pour contester devant la CRM les « mesures corrélatives » au harcèlement c’est-à-dire les sanctions déguisées qu’il subit telle qu’une baisse de notation ou une mesure d’avancement défavorable, sinon elles deviennent définitives !

Autre différence de traitement du harcèlement sexuel ou moral entre les deux ministères, lorsque le ministère des Armées accorde la protection juridique fonctionnelle à mes clients, nous arrivons à signer  ensemble une convention fixant mes honoraires « au temps passé » dans le cadre d’une procédure pénale. En revanche, lorsqu’elle accorde cette protection, la gendarmerie me refuse le principe de convention « au temps passé » et propose à la place un forfait minime – de 500 puis 750 euros dans un dossier emblématique et complexe ayant donné lieu à la condamnation définitive d’un maréchal des logis et d’un adjudant en 2016. J’ai été contrainte d’initier diverses procédures y compris en référé devant le tribunal administratif pour obtenir la prise en charge des honoraires facturés à ma cliente. L’affaire n’est pas encore terminée… (…)

Source © MDMH – Publié le 8 février 2019

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