Pendant que les militaires de tout grade trouvent  l’addition salée,  les généraux  se sucrent. (Par Jacques BESSY, président de l’Adefdromil–Aide aux victimes)(Article actualisé)

En pleine discussion budgétaire à l’Assemblée Nationale, alors que le gouvernement demande de multiples efforts aux Français entre les taxes sur les carburants, la révision à la baisse de l’indemnisation du chômage, l’abandon de 95 millions d’euros  qui solde les pertes provoquées par le calculateur fou Louvois, la lecture du Journal officiel du 10 novembre nous laisse sans voix.

61 généraux de haut rang vont bénéficier d’une prime de haute responsabilité instituée par le décret n° 2018-965 du 8 novembre 2018.

Nous renvoyons aux textes publiés qui sont parfaitement explicites :

Arrêté du 8 novembre 2018 pris pour l’application du décret n° 2018-965 du 8 novembre 2018 portant création d’une indemnité spécifique de haute responsabilité

Arrêté du 8 novembre 2018 fixant par groupes la liste des emplois ouvrant droit à l’attribution de l’indemnité spécifique de haute responsabilité 

Généralement, les cadeaux interviennent en fin d’année. Y avait-il une urgence comme la menace de démission d’un très haut gradé après les tours de passe-passe budgétaires, à publier ce décret le 10 novembre, veille des cérémonies de commémoration de l’armistice de 1918 ?

On peut raisonnablement le penser. Il est donc probable qu’Edouard Philippe, Premier ministre n’a pas laissé le choix dans la date à la ministre des armées, Florence Parly.

Il est vrai que le militaire est toujours récompensé dans la personne de ses chefs CQFD !

Ces primes annuelles oscillent entre 50 000 euros pour le CEMA (chef d’état-major des armées) à 31 000 euros pour ceux dont les responsabilités  sont moindres, avec –il est vrai- une part variable fixée par un comité ministériel de rémunération…

Sur quels critères objectifs sera attribuée cette part variable ? Vaste programme !

On peut remarquer que certains postes de directeur central ne sont pas mentionnés, comme celui de directeur central du service de santé des armées, qui bénéficie déjà de la prime réservée aux directeurs d’administration centrale.

En termes de gestionnaire, cela se nomme une prime de fidélisation et en termes politiques, cela ressemble à de la soumission par l’argent. Tout s’achète  en ce bas monde, donc, pourquoi pas la loyauté des généraux !

Il est vrai que personne – et sans doute, le Chef des armées moins que quiconque- n’a oublié le coup de gueule du général de Villiers. Ah, s’il avait été bénéficiaire de cette prime, peut-être se serait-il abstenu de s’épancher dans les médias et de mettre fin ainsi à sa carrière un an avant l’échéance?

Souvenons-nous aussi que le Président de la République avait écarté d’une formule lapidaire l’application aux armées de la directive européenne sur le temps de travail : « Ma détermination est complète pour que aussi bien la gendarmerie que le ministère des Armées ne soient pas concernés par la directive bien connue. Les choses sont claires, notifiées à qui de droit, et seront portées jusqu’à leur terme ».   Il s’agissait certes d’éviter une coûteuse inflation des effectifs, mais encore plus de complaire aux généraux après l’affaire de Villiers. 

Acheter la paix avec les Généraux contre le refus de transposer la directive européenne sur le temps de travail aux militaires hors opérations, est-ce un « good deal », Mister Président ?.

La distribution de primes relève donc de la même politique : pas d’ennuis avec l’armée et ses généraux..Il y a suffisamment de chantiers en cours. Il est donc inutile d’en ouvrir un nouveau qui ferait découvrir au pays la gestion de gribouille  concernant les femmes et les hommes sous l’uniforme, tels que les refus systématiques de demandes de résiliation de contrat qui conduisent soit à payer des congés de longue durée, puis à réformer et à payer des pensions de retraite ; soit à des désertions préjudiciables aux intéressés, à l’armée, à la justice.

Il faudrait aussi aborder les risques psycho-sociaux qui débouchent sur des suicides – près de trente chez les gendarmes en 2018-.

On ne pourrait manquer également de mettre sur la table les modes de commandement inadaptés appris dans les écoles d’officiers, le mépris des droits individuels sacrifiés sur l’autel du prétendu « intérêt général » ou « intérêt du service ou intérêt de l’institution », etc…

Tout cela conduit à un dévoiement de l’éthique de l’officier, à un refus de l’application du droit et in fine, au désespoir de nombreux militaires qui ont cru, en s’engageant, défendre les valeurs de la France.

Les armées tentent annuellement d’effacer cette mauvaise image par des campagnes de recrutement qui cherchent à vendre du rêve, qui se poursuivent par une sélection peu scrupuleuse des candidats et qui se terminent au bout par l’échec, la lassitude, le désespoir, la dépression ou le stress post-traumatique, dommages collatéraux humainement et financièrement coûteux, provoqués par des gestionnaires à la petite semaine.

Au final, il vaut donc mieux laisser la poussière sous le tapis en offrant du su-sucre aux généraux quitte à ce que les autres trouvent l’addition salée.

Le point d’orgue de la manœuvre est l’intervention de Jupiter la foudre depuis le porte-avion Charles de Gaulle, le 14 novembre au soir. Les médias auront du grain à moudre. Cela leur évitera de s’intéresser de trop près aux primes des généraux.

Fermez le ban !

14 novembre 2018

Cet article a 2 commentaires

  1. Le colombophile

    C’est tout à l’honneur de M. Edouard Philippe de ne pas avoir laissé le choix dans la date à Mme Florence Parly.

    J’ajoute en tant qu’officier des transmissions que je n’ai jamais rêvé que Branly me parlait

  2. Anonyme

    … et la mise en œuvre de la mesure dite du « transfert primes/points » pour les militaires quant à elle est reportée d’une année.

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