Centre de transmissions des armées : mise en examen du commandant

Le Quotidien – samedi 12 juillet :

Un officier accusé de harcèlement

Le commandant du détachement avancé des transmissions de la Réunion, les radars espions installés à la grande Montée, a été mis en examen pour « harcèlement moral ». L’un des ses subordonnés avait déposé plainte devant un juge d’instruction.

Un officier supérieur mis en examen pour « harcèlement moral » d’un subordonné. C’est une affaire rarissime qui secoue depuis plus d’un an le détachement avancé des transmissions de la Réunion. Et plus généralement l’armée qui n’aime pas que la justice civile franchisse les murs de ses casernes. Dans la grande muette, le sens de la hiérarchie et le poids de l’autorité viennent la plupart du temps régler les conflits internes.

Il y a une semaine, le lieutenant-colonel jean-luc Lauret, le commandant du DAT dont on peut voir les énormes paraboles blanches installées à la Grande Montée, s’est vu notifier sa mise en examen par le juge d’instruction Yann Boucharé. Cette décision intervient à la suite d’une plainte avec constitution de partie civile de l’adjudant Jean-Luc Lebigre déposée le 30 septembre 2002, par le biais de son avocat, M e Iqbal Akhoun.

Agressions verbales, brimades et vexations en tous genres, contrôles permanents, punitions, ou encore notations désastreuses pour l’année 2002 sans rapport avec les appréciations figurant dans son dossier, le sous-officier estime avoir fait l’objet d’un traitement de choc injustifié de la part de son chef de service. Au point d’avoir saisi la justice pénale après la justice administrative tout en sachant que les plus hauts gradés ne lui pardonneraient pas. Surtout, quand on sait que les militaires du DAT travaillent pour la direction du renseignement militaire (DRM). En clair, les services secrets de l’armée.

D’après l’association de défense des droits des militaires (ADEFDROMIL), qui soutient l’adjudant Lebigre, le lieutenant-colonel n’aurait jamais supporté les liens du sous-officier avec une interprète en  langue farsi, venue travailler dans ce centre d’écoute pratiquant des interceptions dans l’Océan Indien. Un site devenu stratégique après les attentats du 11 septembre.

« Anxio dépression réactionnelle »

Devenu la tête de turc de l’officier, l’adjudant a craqué. Un arrêt de travail de 15 jours, prolongé d’une semaine, lui a été délivré en juin 2002, en raison de sa « fatigue physique et morale » Plusieurs certificats médicaux signés par un psychiatre viennent étayer les accusations de harcèlement moral. Le praticien parle notamment d’ « anxio dépression réactionnelle à une situation professionnelle très stressante qui l’épuise moralement ».

L’adjudant déplore aussi la procédure visant à son évacuation sanitaire déclenchée par son supérieur après qu’il eut formé un recours sur sa notation. Le sous-officier a été enjoint de se présenter, le 1er août 2002, à l’aéroport de Gillot pour être ramené en métropole et soigné dans un hôpital parisien. Une procédure qui constitue « la mesure ultime de ce harcèlement » relève le psychiatre qui suit l’adjudant Lebigre.

Saisi en référé, le tribunal administratif a suspendu, le 1er août, la décision de la hiérarchie militaire pour le rapatriement. « Le commandant du détachement avancé des transmissions de Saint-Denis a, dans l’exercice de ses pouvoirs, porté une atteinte grave et manifestement illégale, à sa liberté d’aller et venir », motive le juge dans sa décision.

De son côté, la hiérarchie militaire n’a pas vraiment soutenu le sous-officier. Le 25 septembre 2002, ce dernier a reçu un ordre de mutation sur Mayotte, exécutoire dans les quatre jours, qui sera finalement annulé après un nouveau recours devant le tribunal administratif. Par ailleurs, les deux enquêtes de commandement déclenchées par l’état-major de l’armée de terre n’ont débouché sur aucune décision.

Suite à la plainte du sous-officier, tous les militaires en poste au DAT au moment des faits ont été entendus par les gendarmes chargés de l’enquête. Selon nos informations, beaucoup ont insisté sur l’ambiance délétère régnant dans le centre d’écoute et de renseignement où un climat de sérénité devrait pourtant être de mise.

En raison de sa mise en examen, le lieutenant-colonel Lauret a été mis en permission par sa hiérarchie et devrait être prochainement remplacé. De fait, l’officier ne peut plus commander le DAT. Car le contrôle judiciaire décidé par le juge lui interdit de rencontrer l’adjudant Lebigre et tous les témoins entendus.

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