La DRHAT est nominée aux Césars du pire gestionnaire de ressources humaines militaires. Par Jacques BESSY, président de l’Adefdromil-Aide aux victimes

Le 26 mai dernier, nous avions relaté comment, sans état d’âme, de hauts responsables de la DRHAT violent la loi pour empêcher des militaires de liquider leur pension de retraite après 17 ans de services.

La ministre vient de rendre  une décision dans la première affaire soumise à la Commission des Recours des Militaires sur les conseils de l’Adefdromil :

«  Considérant que le major « Cansado » est entré au service au sein de la Légion étrangère le 13 décembre 1988 ; qu’il a demandé à faire valoir ses droits à pension de retraite à partir du 2 février 2018, date à laquelle il cumulait plus de 17 ans de service, que remplissant ainsi les conditions lui permettant de demander la liquidation de sa pension militaire dans les conditions fixées au II de l’article L24 du code des pensions civiles et militaires de retraite, en application des dispositions précitées de l’article L4139-13 du code de la défense, la résiliation de son contrat aurait dû être effective, sous réserve d’en avoir avisé l’autorité militaire deux mois avant la date souhaitée de cessation de l’état militaire ; qu’en l’espèce, il ressort des pièces du dossier, et notamment d’un courrier en date du 15 novembre 2017 adressé à la direction des ressources humaines de l’armée de terre, que le major « Cansado » a avisé l’autorité compétente de son souhait de quitter l’état militaire à partir du 2 février 2018 en application des dispositions précitées de l’article R4139-46 du code de la défense ; que dans ces conditions l’intéressé est fondé à soutenir que la résiliation de son contrat aurait dû intervenir le 2 février 2018 ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu d’agréer le recours du major « Cansado » et d’annuler la décision contestée qui est entachée d’une erreur de droit »

Le directeur des ressources humaines de l’armée de terre est chargé de l’exécution de la présente décision…C’est ce qui s’appelle : « consommer sa propre médecine ! ».

Cette histoire est exemplaire de la manière dont fonctionne un Etat dit de droit.

Le major a d’abord été déclaré déserteur par cette bonne Légion. Son contrat a effectivement été résilié à ce titre. La honte pour un soldat exemplaire ! Dans les faits, il a été privé de tout revenu depuis février 2018, car personne ne s’est pressé pour faire avancer son dossier de pension.

Il a bien saisi le juge des référés du Tribunal administratif pour faire suspendre le refus de résilier son contrat, mais il a été débouté, car le juge courageux, a estimé qu’il s’était mis lui-même dans cette situation fâcheuse.

Même analyse chez le Défenseur des droits – qu’on devrait renommer le défonceur des droits. A quoi sert-il ?

Le ministère des armées, pourtant saisi par l’Adefdromil, a tardé à réagir. Il devra sans doute indemniser le major de son préjudice financier et de son préjudice moral…

Nous attendons désormais avec impatience et sérénité, la décision  qui devrait être rendue en faveur d’un autre sous-officier de la Légion étrangère ayant demandé la résiliation de son contrat dans des conditions similaires.

Simultanément un brigadier-chef  – 18 ans de services- nous a informé récemment qu’on vient de lui refuser la résiliation de son contrat « en raison de l’intérêt du service »..On croit rêver !

Nous attendons le dossier.

Décidément, les gestionnaires de la DRHAT sont fâchés avec le droit. Et, comme disait Napoléon : « la plus grande infamie est de faire un métier qu’on ne sait pas ».

Mais ces abus de pouvoir ne suffiraient pas à décerner le « césar » du pire gestionnaire militaire. D’autres gracieusetés s’ajoutent au dossier.

Rappelons d’abord, que le scandale Louvois en marche depuis 2011, ne concerne essentiellement que l’armée de terre qui porte une large part de responsabilité dans le fiasco en ayant sous-estimé les erreurs de saisie ayant alimenté le logiciel. Comment expliquer que Louvois a généré un nombre de bugs très limité chez les Marins et les personnels du Service de Santé ?

On continue de harceler les militaires en activité en saisissant des sommes hypothétiques sur leur solde et en poursuivant ceux qui viennent de quitter le service. Récemment, un jugement du Tribunal administratif de Marseille du 6 août 2018 a condamné l’Etat à reverser au militaire les sommes prélevées sur sa solde et ses primes et indemnités accessoires pour la période de juin 2014 à mars 2016, à lui verser la somme de 2 000 euros, plus 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. On doute que la facture soit adressée à la DRHAT et au CERHS de Nancy..Pour éviter les contentieux, les demandes de reversement de trop-versés porteraient désormais sur des sommes le plus souvent inférieures à mille euros.

Rappelons également que l’armée de terre est l’armée qui produit, proportionnellement aux effectifs, le plus de déserteurs, le plus de militaires en congé de longue durée pour maladie – pour l’essentiel, en raison de troubles psychiques -, et enfin le plus de réformé(e)s.

La désertion a un coût : celui du recrutement, celui de la formation initiale, enfin celui du traitement judiciaire. Le coût humain n’est évidemment pas chiffrable.

Les congés de longue durée pour maladie durent de trois ans pour les engagés à cinq ans pour les militaires de carrière. Ils peuvent durer huit ans si les troubles  psychiques sont en lien avec le service. Mais le Service de santé a sans doute des consignes : il n’y a jamais de lien avec le service pour les troubles psychiques résultant de conflits hiérarchiques. Le militaire doit saisir les Tribunaux administratifs pour tenter de faire valoir ses droits. La solde est payée pendant les 6 mois des congés maladie, puis elle continue d’être payée en totalité puis à 50% pendant la durée du congé qui s’achève par la réforme, le plus souvent.

Les réformes, quant à elles, ouvrent le droit à des pensions de retraite à jouissance immédiate au prorata des années de service et des bonifications.

Citons pour illustrer notre propos, le cas de ce jeune capitaine placardisé pour tenir à jour des tableaux de bord, alors qu’il venait de réussir une formation spécialisée. Il était prêt à rembourser sa formation au prix fort. Mais, sa demande de démission a été rejetée. Tournant en rond, devenu dépressif, il a été placé en CLDM, puis réformé.. sans avoir à régler les frais de sa formation et en percevant une retraite…

Tout cela a un coût exorbitant pour les finances publiques sur le long terme. Est-ce le prix que la Nation doit payer pour être bien défendue ?

In fine, ce n’est sans doute pas un hasard si les généraux de l’armée de terre freinent des 4 fers pour empêcher l’établissement et le développement d’une association professionnelle digne de ce nom.

Dans l’armée de terre, le dialogue social au sens large fonctionne à l’ancienne : « Ferme ta gueule et marche ou crève ! » Trois ans d’études à Saint-Cyr pour en arriver là : une dichotomie complète entre le fruit des longues études des cyrards et les réflexes primaires de l’armée des « longues capotes ».

Il y a probablement du ménage à faire parmi les hommes qui dirigent à différents niveaux. Il y a surtout la nécessité de revoir les méthodes de management et de donner des leçons de droit aux officiers. Tout cela est de la compétence de la ministre et certainement pas de la nôtre. Nous ne citerons donc pas de noms.

Mais si on veut progresser, aller de l’avant..en marche, nous pensons que la gestion des ressources humaines jusqu’à l’échelon régimentaire ou équivalent devrait être l’apanage de professionnels formés et non plus d’officiers et de sous-officiers, apparatchiks militaires, pour qui les RH sont un simple tremplin pour leurs objectifs de carrière, y compris au détriment des droits des personnes.

Le cœur de métier des officiers, c’est la préparation au combat et les missions opérationnelles, et non l’administration et la gestion des ressources humaines, domaines dans lesquels ils causent des dégâts incommensurables. Ce faisant, ils  servent mal la République !

10 septembre 2018

Cet article a 3 commentaires

  1. Anonyme

    « Une mission », des questions…, de nos parlementaires sur ces problématiques semblent nécessaires !

  2. Anonyme

    De la nécessité de participer au débat démocratique…

    A toutes fins utiles, pour les citoyens militaires, un nouveau document intitulé : « Certificat de Travail Militaire » ou tout simplement « Certificat de Travail » ; (harmonisation… avec le « Certificat de Travail » délivré dans le secteur privé – cf. code du travail) viendra-t-il en complément, remplacement : de l’imprimé administratif similaire dénommé « Etat signalétique des services » (attestation des services accomplis) etc.

    « Si le progrès est la loi, la liberté est l’instrument du progrès. » Maurice Schumann (1911-1998)
    Un retraité.

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