Procédure. Régularité du jugement – Conséquences de l’omission de la date de lecture

L’article R. 741-2 du code de justice administrative prévoit que : « La décision fait apparaître la date de l’audience et la date à laquelle elle a été prononcée. ».

Toutefois l’absence d’indication, dans une décision juridictionnelle, de l’une des dates mentionnées par les dispositions précitées est sans incidence sur la régularité de cette décision lorsque cette information a été portée à la connaissance des parties, en l’espèce par l’application SAGACE et par la lettre de notification du jugement.

Arrêt 13BX03456 – 1ère chambre – 11 juin 2015- M. S==

Vu la requête, enregistrée le 21 décembre 2013, présentée pour M. Stéphane S-P==, par Me Saint-Cyr ;

M. S-P== demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement n° 1200595 du 26 septembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Fort-de-France a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune du Lamentin à lui verser une somme globale de 103 580 euros en réparation des préjudices subis résultant des travaux entrepris par cette dernière dans le centre-ville du Lamentin, au niveau de la place Aliker ;

2°) de condamner la commune de Lamentin à lui verser les sommes de : – 11 320 euros en réparation de la perte de chiffre d’affaires subie en 2009 ; – 98 400 euros en réparation de son manque à gagner en termes de recettes locatives du fait de l’impossibilité dans laquelle il s’est trouvé d’occuper les locaux de son cabinet de kinésithérapie et de son occupation prolongée d’une villa vouée normalement à la location en habitation ; – 1 600 euros en remboursement de ses frais de déménagement et 27 750 euros en remboursement de ses frais d’installation dans les nouveaux locaux ;

3°) de mettre à la charge de la commune du Lamentin une somme de 3 500 euros au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative ;


1. Considérant que M. S-P== exerçait la profession de kinésithérapeute dans un cabinet situé 3 rue Ernest Maugée (44 rue Ernest André) dans la commune du Lamentin ; que lorsque les travaux ont commencé sur la place André Aliker, dans le cadre de la rénovation du centre-ville de la commune, il a déplacé son cabinet professionnel en décembre 2009 dans le quartier Acajou au Lamentin ; que le 16 janvier 2012 il a demandé à la commune du Lamentin de l’indemniser de préjudices consécutifs à la réalisation de ces travaux en invoquant une perte de chiffre d’affaires de l’ordre de 20 % et l’absence de perception de revenus locatifs ; qu’il relève appel du jugement n° 1200595 du 26 septembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Fort de-France a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune du Lamentin à lui verser la somme globale de 103 580 euros en réparation de ses préjudices ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant qu’aux termes du dernier alinéa de l’article R.741-2 du code de justice administrative : « La décision fait apparaître la date de l’audience et la date à laquelle elle a été prononcée. » ;

3. Considérant que l’absence d’indication, dans une décision juridictionnelle, des dates mentionnées par les dispositions précitées est sans incidence sur la régularité de cette décision lorsque ces informations ont été portées à la connaissance des parties ;

4. Considérant que si le jugement attaqué du tribunal administratif de Fort-de-France mentionne la date de l’audience publique à laquelle l’affaire a été appelée, soit le 26 septembre 2013, il n’indique pas la date à laquelle il a été lu ; que cependant, il ressort des mentions portées sur l’application Sagace, que M. S-P== pouvait consulter, et de la lettre de notification du jugement aux parties, que celui-ci a été lu le 10 octobre 2013 ; que dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait entaché d’irrégularité au regard des dispositions précitées de l’article 741-2 du code de justice administrative doit être écarté ;

Sur les conclusions indemnitaires de M. S-P== :

En ce qui concerne le régime de responsabilité :

5. Considérant que même en l’absence de faute, la commune du Lamentin, maître de l’ouvrage, est responsable vis-à-vis des tiers des dommages causés à ceux-ci par l’exécution d’un travail public et présentant un caractère anormal et spécial, à moins que ces dommages ne soient imputables à un cas de force majeure ou à une faute de la victime ;

6. Considérant qu’il est constant que M. S-P==, qui exerce la profession de masseur kinésithérapeute au Lamentin, dans l’une des rues impactées par les travaux de réhabilitation du centre-ville de cette commune, a la qualité de tiers par rapport à ces travaux publics ; que la responsabilité de la commune, qui n’allègue pas l’existence d’une faute imputable à M. S-P==, ni un cas de force majeure, est dès lors susceptible d’être engagée à l’égard de ce dernier pour les préjudices en lien direct avec ces travaux, à condition qu’ils présentent un caractère anormal et spécial ;

En ce qui concerne les préjudices :

S’agissant des frais exposés pour le déménagement de son cabinet professionnel et la création d’un nouveau local :

7. Considérant que M. S-P== fait valoir qu’il a été contraint de déménager son cabinet professionnel dès le mois de décembre 2009 dans la mesure où les travaux exécutés sur la place Aliker avaient rendu périlleux l’accès à son cabinet et engendré des nuisances sonores et des émissions de poussières qui ne lui permettaient plus d’exercer son activité dans des conditions de sécurité et d’hygiène satisfaisantes ; qu’il soutient avoir supporté des frais de déménagement à hauteur de 1 600 euros et avoir exposé une somme de 27 750 euros pour créer un nouveau cabinet professionnel dans un autre secteur ; 8. Considérant en premier lieu, que dans le cadre du programme de rénovation du centre-ville du Lamentin, les travaux de réhabilitation de la place André Aliker ont commencé le 5 octobre 2009 avec le moulage du bas-relief de Khokho René-Corail ; que cette place a ainsi, par arrêté du 18 septembre 2009, été fermée au public entre le 1er octobre et le 11 décembre 2009 ; que durant les mois d’octobre à décembre 2009, il ne résulte cependant pas de l’instruction, ni en particulier des arrêtés municipaux réglementant la circulation et le stationnement dans ce secteur, que la rue Ernest Maugée, voie à partir de laquelle la patientèle de M. S-P== accédait à son cabinet, et la rue Ernest André, à l’angle de laquelle se trouve l’immeuble, aient été fermées à la circulation ; que d’ailleurs, si les attestations émanant de quatre chauffeurs de taxi et du gérant d’une société d’ambulances insistent sur la dangerosité de l’accès au cabinet de l’intéressé et l’intolérance des policiers municipaux les verbalisant de manière systématique, elles ne précisent pas la date exacte à compter de laquelle ils se seraient trouvés dans l’impossibilité d’accéder à ce cabinet professionnel ; que de même, si trois des patients de M. S-P== ont déclaré n’avoir pu se rendre, fin 2009, à leur consultation, compte tenu de l’impossibilité de circuler rue Ernest Maugée, il ne ressort pas des arrêtés municipaux joints au présent dossier que le stationnement et la circulation sur cette voie aient été impactés avant le 19 janvier 2010 ; qu’en outre, six parcs de stationnement étaient à la disposition du public dans un périmètre de 200 mètres de ce cabinet de kinésithérapie ; que les témoignages des patients invoquent d’ailleurs majoritairement des difficultés d’accès et non une impossibilité totale d’accéder à ce cabinet ; qu’une résidente de l’immeuble a d’ailleurs attesté avoir toujours pu accéder à son domicile durant l’exécution des travaux ; qu’ainsi, entre le 5 octobre 2009, date à laquelle ont commencé les travaux sur la place André Aliker et le mois de décembre 2009, date à laquelle M. S-P== a déménagé son cabinet professionnel, il ne résulte pas de l’instruction que l’accès à son cabinet aurait été impossible ou rendu excessivement difficile en raison des travaux ;

9. Considérant en second lieu, que M. S-P== invoque également, pour justifier son déménagement intervenu dès le mois de décembre 2009, l’importance des nuisances sonores et des poussières engendrées par ces travaux ; qu’il produit à ce titre des lettres datées des 7 et 23 décembre 2009, qu’il a rédigées lui-même en relevant l’existence de nuisances sonores l’empêchant d’exercer son activité professionnelle dans des conditions correctes, puis a fait signer par certains patients ; qu’il verse également une attestation de sa secrétaire du 7 juin 2012 indiquant que les « travaux place André Aliker sont devenus insupportables pour la clientèle qui se plaignait de poussière, nuisances sonores, accès impossible, difficultés de parking et procès verbaux de la police municipale », en précisant qu’il avait été contraint de « réagir rapidement en transférant son cabinet en janvier 2010 » ; que cependant, ces documents ne sont pas de nature à établir que ces nuisances ne lui permettaient plus de poursuivre son activité professionnelle dans des conditions de sécurité et de salubrité satisfaisantes ; que ces deux attestations n’établissent pas l’importance de la gêne occasionnée, ni sa durée, alors qu’un chirurgien-dentiste exerçant dans le même secteur a déclaré avoir remédié à ces gênes par la pose d’une climatisation et avoir ainsi pu, durant l’exécution des travaux, poursuivre son activité ; que dans ces conditions, il ne résulte pas de l’instruction que ces nuisances auraient excédé celles que peuvent être appelés à supporter, dans l’intérêt général, les riverains de la voie publique ;

10. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le transfert du cabinet professionnel de M. S-P== dans le quartier Acajou dès le mois de décembre 2009, lequel lui a permis de quitter un immeuble dépourvu d’ascenseur dont l’escalier était peu adapté à une patientèle à mobilité difficile, ne saurait être regardé comme résultant directement des nuisances causées par l’exécution des travaux de réhabilitation du centre-ville du Lamentin ; qu’en tout état de cause, les factures produites par M. S-P== et émises entre les mois de juin et novembre 2010, ne comportent pas de mention permettant d’établir que les sommes indiquées auraient effectivement été engagées par l’intéressé pour créer son nouveau cabinet dans le quartier Acajou, à proximité de sa résidence, alors au demeurant qu’elles sont toutes postérieures à son déménagement dans ce secteur ;

S’agissant du préjudice professionnel :

11. Considérant que M. S-P== soutient qu’il a perdu 20% de son chiffre d’affaires, ce qui représenterait une somme de 11 230 euros en 2009, en raison de l’impossibilité dans laquelle se serait trouvée une partie de sa patientèle d’accéder à son cabinet professionnel ;

12. Considérant qu’afin de justifier cette baisse de revenus, M. S-P== produit ses déclarations de revenus dont il ressort qu’il a réalisé un bénéfice de 33 032 euros en 2007, 14 670 euros en 2009 et 14 871 euros en 2010 ; que cependant, à défaut d’avoir produit sa déclaration de revenus pour l’année 2008, il n’établit pas que la diminution de son chiffre d’affaire en 2009, année au cours de laquelle il a par ailleurs atteint l’âge de soixante-cinq ans, serait imputable aux travaux de la place Aliker, lesquels n’ont d’ailleurs débuté qu’à compter du 5 octobre 2009 ;

S’agissant des préjudices liés aux pertes de revenus locatifs :

13. Considérant en premier lieu, qu’afin d’établir qu’il n’a pas pu louer le local professionnel qu’il occupait précédemment au 3 rue Ernest Maugée, M. S-P== produit l’attestation d’un confrère indiquant qu’il aurait refusé de louer ce local, alors qu’il recherchait un cabinet médical en avril 2013, uniquement « pour des raisons d’accès » ; que cependant, le requérant, qui produit des constats d’huissier indiquant que la rue Ernest Maugée était fermée à la circulation en 2011 et 2012, et des attestations indiquant que des travaux ont perduré en 2013, n’établit pas que ceux-ci se seraient poursuivis au-delà du mois d’avril 2013 et ne fournit aucun document de nature à justifier qu’avant cette date, il aurait manqué des occasions de louer son local professionnel en raison des difficultés d’accès à ce cabinet ;

14. Considérant en deuxième lieu, que s’agissant du local professionnel situé dans le quartier Acajou, qu’il avait effectivement loué en décembre 2005, il est constant qu’il l’occupe désormais pour y exercer sa propre profession de kinésithérapeute ; que par suite, il n’est pas fondé à soutenir qu’il subirait une perte de loyers à ce titre ;

15. Considérant en troisième lieu, que s’agissant de l’appartement qu’occupait son fils à la même adresse, et où ce dernier exerçait la profession de podologue, il ne produit aucun document de nature à établir qu’il lui louait effectivement cet appartement ; qu’il ne produit pas davantage d’attestations de personnes qui auraient été intéressées par la location de ce bien et n’y auraient finalement renoncé qu’en raison de la gêne consécutive à la réalisation des travaux ; qu’à supposer même que les difficultés d’accès au quartier l’aient empêché de donner en location le local professionnel dont il disposait rue Ernest Maugée pendant la durée des travaux, les aménagements apportés à la place André Aliker sont susceptibles d’apporter à l’avenir une plus-value à l’immeuble dont il est propriétaire ; que dans ces conditions, ces préjudices n’ont pas excédé les inconvénients normaux que les riverains sont tenus de supporter dans l’intérêt de la voirie ;

16. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. S-P== n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté ses demandes indemnitaires ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L.761-1 du code de justice administrative :

17. Considérant qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions présentées par les parties en application de ces dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. S-P== est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune du Lamentin au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Source: http://jurissite-caa-bordeaux.fr

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