Cette année, la mythique bataille de la Légion étrangère a été célébrée au Mexique en présence de ses hommes et du ministre de la Défense. Au programme : Festivités hautes en couleurs, symbole militaire et laïus sur… l’identité nationale. Reportage.
Vendredi 30 avril, 10 heures. La fièvre monte à Camerone, à 70 km de Veracruz, au Mexique. Dans cette petite bourgade rurale « muy tipico », les hommes au teint buriné portent l’élégant chapeau de paille, des « rangeros » (ou fermiers) descendent la grand’ rue juchés sur des chevaux pour une « cavalgada », tandis que les femmes se protègent du soleil sous des ombrelles.
A un jet de pierre, deux groupes d’hommes en armes se font face, impassibles par 35° à l’ombre. Et il n’y a pas d’ombre. Deux pelotons du 2e Régiment d’infanterie de la Légion étrangère semblent défier le 83e Régiment d’infanterie mexicain. Mais qu’on se rassure, les effusions seront celles des grands sentiments. Français et Mexicains sont réunis pour célébrer le 147e anniversaire d’une bataille entrée dans l’histoire de la Légion et dans la légende militaire. Fait sans précédent, des légionnaires d’active et le ministre de la Défense, Hervé Morin, ont fait le déplacement.
A la baïonnette
Chaque 30 avril, les hommes de la Légion étrangère, où qu’ils se trouvent sur les cinq continents, se souviennent de Camerone. Aujourd’hui, devant le mausolée édifié sur les lieux, se tiennent « el excellentissimo Hervé Morin » et le ministre mexicain de la Marine. La foule s’est massée très tôt. C’est au capitaine Bernard Van Savel que revient l’honneur de raconter ce jour de 1863, où une soixantaine de ses glorieux prédécesseurs ont tenu tête durant 11 heures à 2.000 soldats mexicains. A bout de forces, les 6 derniers militaires encore en état de combattre tirèrent leurs dernières cartouches et… chargèrent l’ennemi à la baïonnette.
Mais que diable l’armée tricolore était-elle venue faire sous le soleil de Mexico ? Un peu d’histoire. A l’époque, l’Empereur Napoléon III se fait convaincre par des Mexicains exilés en Europe, conservateurs et catholiques, de l’opportunité de lancer une campagne militaire. Le désordre règne dans le pays et les Américains sont trop accaparés par la guerre de sécession. Bref, l’Empire français aurait tout à y gagner. Bilan : cinq ans de guerre, 6.000 morts Français et une humiliante débâcle.
Durant l’expédition, l’armée française assiège Puebla. Le 29 avril 1863, un convoi chargé de vivres, de munitions et de 3 millions de francs doit gagner la ville. Pour protéger son passage, 65 légionnaires prennent la route. Le capitaine Jean Danjou et les sous-lieutenants Jean Vilain et Clément Maudet se portent volontaires pour assurer le commandement.
Après une nuit de marche, ils sont pris à partie par une colonne de Mexicains. Danjou décide de se replier sur le petit village de Camerone où ses hommes investissent une hacienda. C’est là qu’il vont soutenir un siège d’une journée entière, sous la mitraille, accablés par la chaleur, la faim et la fatigue. Danjou et Vilain seront tués. On connaît la suite, la charge héroïque et désespérée. Les survivants acceptent de se rendre à la condition de conserver leurs armes et de pouvoir soigner leurs blessés. Le colonel mexicain Cambas répond : « On ne refuse rien à des hommes comme vous ». Et c’est même un médecin militaire mexicain qui prendra soin des soldats meurtris.
« Pèlerinage en terre sacrée »
Le convoi, lui, était passé. « Camerone est devenu le symbole de la parole donnée et du culte de la mission », décrypte le chef de bataillon Joseph-Henri Cardona, 23 ans d’armée dont 13 à la Légion. « Nous sommes rentrés d’Afghanistan et des camarades y ont pris notre suite. L’expression « Faire Camerone », c’est cela : remplir la mission dans les tâches du quotidien comme lors d’opérations d’envergure ».
Camerone est aussi le ciment de la Légion étrangère. Pour preuve, cette année, 35 anciens légionnaires de Marseille et trois autres de Polynésie ont spécialement fait le déplacement au Mexique. « Nous faisons un pèlerinage en terre sacrée !, s’enthousiasme le commandant Constantin Lianos, 35 ans de Légion et toujours en réserve opérationnelle. Je suis venu célébrer une fête nationale. Pour moi, c’est plus important que mon propre anniversaire ». A ses camarades qui n’ont pas pu venir, Constantin rapportera un peu de terre de Camerone.
« Identité nationale »
Hervé Morin, lui, n’a pas fait le voyage pour rien. Il tenait beaucoup à son discours, magnifiant l’honneur, le courage, la solidarité et dans lequel il a glissé quelques développements sur… l’identité nationale. Après tout, la Légion est en effet composée le plus largement d’étrangers qui mettent leur vie en jeu en portant les armes de la France et pour défendre ses valeurs. « La Légion n’a d’étrangère que le nom, elle est la France ouverte et généreuse », a martelé le ministre. « C’est parce que nous avons été ouverts au monde que nous sommes un grand peuple ! »
Ou encore, « Les identités ne sont pas destinées à s’opposer ». Un discours qui avait parfois des accents de pré-campagne pour l’élection présidentielle de 2012 ce qui, sous le soleil de Camerone, avait le mérite de l’originalité. Quant au gouverneur de Veracruz, Fidel Herrera Beltran, il a réussi à caser un vibrant éloge au président mexicain, Felipe Calderon. Il est vrai que de très importantes élections régionales se dérouleront dans le pays le 4 juillet prochain. Comme quoi, des deux côtés de l’Atlantique, une bataille mythique vieille de 147 ans peut avoir des vertus politiques très contemporaines.
Mais l’amour est plus fort que tout. Nous avons ainsi rencontré une Française qui, voilà trois ans, a rencontré lors des commémorations de Camerone du 30 avril, un beau « rangero » à cheval. Depuis, elle a tout plaqué et file un parfait bonheur à ses côtés. Ils ne manquent jamais une célébration de la bataille. Merci la Légion !
La Légion : une grande famille polyglotte
Joseph-Henri Cardona, 44 ans, est chef de bataillon au 2e Régiment étranger d’infanterie. Signe particulier, il est un de 20 % de Français légionnaires. Peut-être, comme il l’explique à Camerone, parce qu’il est « fils d’un pied noir d’origine espagnole et d’une mère Allemande, originaire de Pruse orientale ». Lui est né à Oran et sa seconde famille est bien la Légion étrangère, par choix.
Aujourd’hui, la Légion comptent 7650 hommes « et plus de 140 nationalités sont représentées », précise le chef d’escadrons Frédéric d’Aguillon depuis Aubagne, la place-forte de la Légion. Un tiers proviennent d’Europe occidentale et d’Amérique du nord, un tiers d’Europe centrale et balkanique, un tiers du reste du monde. On compte même 3 % de Chinois.
Nombre de recrues viennent aujourd’hui des Balkans. « La Légion est un peu le miroir du monde, on y retrouve ses soubresauts économiques, politiques et militaires », dit joliment le chef Cardona. 80 % des nouveaux entrant…
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