Bientôt des syndicats en Gendarmerie ? (Par Jacques BESSY, président de l’Adefdromil- Aide aux victimes)

Beaucoup  de citoyens et donc de militaires ignorent qu’à côté de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (CESDH) souvent appelée : Convention européenne des droits de l’homme, il existe une Charte sociale européenne prise sur la base de la CESDH qui vise à « assurer à leurs populations les droits sociaux…afin d’améliorer leur niveau de vie et de promouvoir leur bien être ». La Charte initiale date de  1961. Elle a été amendée par des protocoles ; La version en vigueur date de 1996. La France y a naturellement adhéré.

La Charte sociale institue dans sa partie IV – article 25, un Comité européen des droits sociaux, organe du Conseil de l’Europe, qui examine et statue sur les réclamations collectives formées par les organisations européennes d’employeurs et de travailleurs.

C’est ainsi que le Conseil Européen des Syndicats de Police a saisi le Comité des Droits Sociaux le 10 juin 2013 – donc avant les arrêts de la CEDH du 2 octobre 2014- d’une réclamation arguant que les militaires de la gendarmerie qui accomplissent à près de 90% de leur temps des missions civiles de police et de sécurité publique ne jouissent ni du droit syndical, ni du droit de négociation collective.

La procédure devant ce Comité est comparable à celle se déroulant devant la Cour. Des mémoires sont échangés et le Gouvernement mis en cause doit fournir des explications.

Bien évidemment, la France n’a pas manqué de faire valoir que la situation des militaires a changé depuis les arrêts du 2 octobre 2014 (Adefdromil contre France) et la loi n°2015-917 entrée en vigueur le 30 juillet 2015, qui a créé les APNM (Associations Professionnelles Nationales de Militaires).

Néanmoins, s’agissant du cas particulier de la Gendarmerie Nationale, le Comité n’a pas été convaincu par les arguments du Gouvernement.

C’est ainsi que par une décision  du 27 janvier 2016, notifiée aux parties le 3 mars 2016, et enfin, rendue publique le 4 juillet 2016, le Comité estime que la législation française viole :

1° l’article 5 de la Charte (droit syndical) « lorsque la Gendarmerie nationale, est d’un point de vue fonctionnel, équivalente à une force de police » ;

2° l’article 6§2 de la Charte qui prône « l’institution de procédures de négociation volontaire entre les employeurs ou les organisations d’employeurs, d’une part, et les organisations de travailleurs, d’autre part en vue de régler les conditions d’emploi par des conventions collectives ; »

Les conséquences de cette décision.

Le Comité des ministres du Conseil de l’Europe va être saisi par le Comité des droits sociaux et un vote aura lieu sur une résolution, qui n’a pas vraiment de force contraignante, mais obligera la France à s’expliquer.

Cette décision risque toutefois de mettre en cause la légalité du décret d’application relatif au fonctionnement et à la représentativité des APNM, et notamment de celles qui interviennent au profit des gendarmes. Ce décret est censé être prochainement publié. Les APNM intervenant au profit des gendarmes doivent dès à présent être prêtes à contester la légalité de ce décret.

Par ailleurs, cette décision ouvre la porte à la création de syndicats en gendarmerie. On peut supposer qu’une telle démarche serait le départ d’un contentieux entre l’Etat et les dits syndicats, qui ne trouverait sa solution que dans un contentieux à Strasbourg.

Cette décision parfaitement logique eu égard aux missions de la gendarmerie et à son positionnement au ministère de l’Intérieur éloigne un peu  l’Institution des armées.

L’Etat devra forcément en tirer un jour les conclusions qui s’imposent sur le statut des gendarmes et de la Gendarmerie, force moitié civile, moitié militaire selon le mot célèbre de Napoléon.

5 juillet 2016

La décision du 27 janvier 2016 au format pdf: https://www.adefdromil.org/wp-content/uploads/2015/06/article_4620-1-1.pdf

 

Cet article a 5 commentaires

  1. Anonyme

    Remarquable décision qui désavoue une nouvelle fois nos élites politiques et et nos juridictions administratives dont le Conseil d’Etat qui manquent de courage! Il faut se préparer à une guerre juridique sans merci et créer des syndicats indépendants comme dans la police, la magistrature etc..

    Il n’y a rien à attendre de ces gouvernements de gauche comme de droite c’est pourquoi il faut aller faire dire le droit par les instances européennes!

    VIVE L’EUROPE!!!

  2. Anonyme

    Donc ,plus besoin de Gendarmerie! Tout le monde dans la police!

  3. jacques

    La crainte ou le risque de fusion est souvent brandi par ceux qui ne veulent pas de progrès.

    L’existence de syndicats de militaires de la gendarmerie ne conduit pas forcément à une fusion des deux corps.

    Il est certain que pour la hiérarchie être obligée de dialoguer (pas seulement écouter comme cela se pratique actuellement), c’est un vrai changement de culture et de mentalité.

    Ce n’est ni à Saint Cyr, ni à l’EOGN que les futurs cadres de la gendarmerie vont être préparés à ce dialogue social.

    En France, on voudrait que rien ne bouge.

  4. Totoche

    Bientôt le syndicat des généraux en 2ème section!

  5. chibat

    Les chefs n’ont pas pour vocation d’être désavoué par un sous-chef. Vous vous rendez compte, en pleine séance plénière, un Général désavoué par un soldat, c’est le peloton d’exécution. Un syndicat dans les armées, OUI, cela fonctionne très bien dans les armées européennes, alors pourquoi pas en France, pays de St Saint-Exupéry, de P.M.F, du Général De Gaulle, etc… Pourquoi rallier les syndicats de police qui ne fond que de la politique et ne fonctionnent pas tous en osmose (guerre interne). Nous demandons qu’un dialogue social soit engagé en interne sur la condition militaire, ce n’est pas encore la guerre !!!

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