Paris, le 10 février 2010.
Le Premier ministre à Madame et Monsieur les ministres d’Etat, Mesdames et Messieurs les ministres
Conformément aux orientations fixées par le Président de la République, un travail en profondeur visant à professionnaliser la gestion des ressources humaines au sein de la fonction publique a été engagé. L’un de ses objectifs principaux est d’aboutir à une gestion plus personnalisée, mettant l’accent sur le management des agents publics.
Dans cet esprit, plusieurs chantiers ont été ouverts, portant notamment sur les conditions de recrutement, d’évaluation, de rémunération et de mobilité des fonctionnaires. Les mesures qui en résultent, telles qu’elles ont été notamment présentées en conseil des ministres le 11 mars 2009, concernent l’ensemble des agents publics, quel que soit leur niveau dans la hiérarchie administrative.
Je suis néanmoins convaincu que, dans un souci d’efficacité et d’exemplarité, l’encadrement supérieur de l’Etat doit être tout particulièrement concerné par cette nouvelle gestion des ressources humaines. C’est d’autant plus nécessaire dans un contexte où les cadres sont fortement sollicités pour assurer la mise en œuvre de la réforme de l’Etat et de la révision générale des politiques publiques.
Il s’agit de promouvoir une gestion plus professionnelle et plus ambitieuse des cadres dirigeants de l’Etat, permettant également de diversifier les recrutements.
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Sans que la notion de cadre dirigeant ait une portée normative précise, sont ici visés les postes les plus élevés dans la hiérarchie administrative de l’Etat et de ses établissements publics, dont les titulaires sont nommés en conseil des ministres.
La présente circulaire définit les nouvelles règles à appliquer à la définition des profils, à la recherche des candidats, à l’évaluation et à la rémunération de ces cadres, ainsi qu’au suivi et à l’accompagnement de leur carrière. La mise en œuvre de ces règles, qui respectera les modalités de gestion propres à certains corps (préfets, ambassadeurs, militaires), sera dorénavant coordonnée par le secrétaire général du Gouvernement qui dispose d’un adjoint directement en charge de cette mission. Il incombe à ce responsable interministériel d’établir et de tenir à jour, en liaison avec les secrétaires généraux des ministères, la liste des postes entrant dans la catégorie des cadres dirigeants de l’Etat. Il lui appartient également de veiller à l’harmonisation des pratiques dans les différents ministères et au respect des règles et objectifs fixés par la présente circulaire. Cette nouvelle organisation administrative se substitue à celle qui était régie par le décret n° 2006-458 du 21 avril 2006 portant création d’un secrétariat général de l’administration qui sera abrogé.
I. – Constitution et gestion des viviers des futurs cadres dirigeants
1. Objectifs
L’Etat, qui consent de grands efforts pour le recrutement et la formation initiale de ses cadres supérieurs, ne se préoccupe pas suffisamment du développement de leur carrière et de la préparation de ceux qui ont le plus de potentiel pour accéder à des fonctions de direction.
Il est essentiel de mettre en place, dans chaque ministère comme au sein des corps d’encadrement supérieur, des mécanismes de détection des hauts potentiels et de formation en cours de carrière permettant de constituer des viviers dans lesquels les administrations publiques pourront choisir les titulaires des postes les plus stratégiques.
Ces mécanismes doivent également permettre de faciliter le décloisonnement des carrières des cadres supérieurs ainsi que l’accès de profils diversifiés au plus haut niveau des responsabilités administratives.
La cellule chargée des cadres dirigeants au sein du secrétariat général du Gouvernement a pour mission de vous assister dans la mise en œuvre des procédures permettant d’atteindre ces objectifs.
2. Identification et suivi des cadres à haut potentiel
Il convient d’identifier le plus tôt possible, dans chaque administration, les cadres à haut potentiel, susceptibles de devenir cadres dirigeants à plus ou moins brève échéance. Les secrétaires généraux des ministères devront veiller, en lien avec les chefs des corps d’encadrement supérieur, à organiser le processus de détection de ces « hauts potentiels » et le suivi des viviers qu’ils constituent.
a. Le processus d’identification des cadres à haut potentiel, lorsqu’il n’est pas encore organisé au sein de vos services, portera en priorité sur les cadres occupant des postes de niveau – 1 ou – 2 par rapport aux postes de cadres dirigeants définis ci-dessus. Il devra être progressivement étendu à l’ensemble des personnels d’encadrement. Un travail très en amont permettra progressivement de faire émerger des profils diversifiés. L’évaluation des potentiels devra être effectuée par la direction des ressources humaines du ministère à partir d’avis croisés, selon les critères d’une grille d’évaluation commune élaborée sous la coordination du secrétaire général du Gouvernement.
Le processus d’identification des cadres à haut potentiel ne devra pas négliger les viviers que constituent les cabinets ministériels, nonobstant la spécificité du rôle et du statut des cadres qui y sont nommés.
b. Chaque vivier ministériel bénéficiera de programmes de formation adaptés, destinés à consolider et développer le potentiel des collaborateurs identifiés. La cellule chargée des cadres dirigeants au sein du secrétariat général du Gouvernement coordonnera l’élaboration de ces programmes, en lien avec la direction générale de l’administration et de la fonction publique, l’Ecole nationale d’administration et les autres partenaires spécialisés susceptibles de concourir au renforcement des qualités managériales. Une labellisation de ces formations devra aboutir à un programme interministériel qui me sera soumis.
c. Les cadres à haut potentiel bénéficieront d’un suivi personnalisé de leur carrière et d’une réévaluation de leur potentiel à intervalles réguliers. Une revue des carrières, destinée à assurer la bonne connaissance des viviers, sera organisée une ou deux fois par an par le directeur de cabinet ou le secrétaire général de chaque ministère sur la base des entretiens d’évaluation de ces cadres. Pour les cadres occupant des postes de niveau n – 1, l’évaluation portera, de façon déterminante, sur les qualités managériales afin de faciliter le décloisonnement des viviers ministériels. Les modalités de cette évaluation seront harmonisées par le comité des secrétaires généraux. La synthèse annuelle des revues de carrière effectuées dans chaque ministère pour les cadres occupant des postes de niveau n – 1 sera adressée, pour information, au secrétaire général du Gouvernement.
II. – Définition et identification des profils recherchés à l’occasion des nominations
1. Fiches de postes
Vous vous assurerez, en vous appuyant sur les secrétaires généraux, de l’élaboration, pour tous les emplois de cadres dirigeants susceptibles de devenir vacants, de fiches de postes. Chaque fiche décrira de façon synthétique le périmètre des responsabilités du cadre, le contenu du poste et le profil attendu du futur responsable.
Après nomination des cadres concernés, ces fiches permettront également de contribuer à l’élaboration des parcours individuels de formation complémentaire et de développement personnel des intéressés.
2. Processus de nomination
Chaque vacance de poste, à l’exception de ceux de préfets, d’ambassadeurs et d’officiers qui font l’objet de procédures spéciales, donnera lieu au processus suivant :
a. Le directeur de cabinet ou le secrétaire général transmettra au secrétaire général du Gouvernement le nom du candidat à vos yeux le plus apte à être proposé parmi les cadres de vos administrations. A défaut, l’absence de candidat apte à exercer les fonctions sera signalée.
b. Dans les deux hypothèses, le secrétaire général du Gouvernement organisera de façon confidentielle la diffusion de la fiche de poste et recueillera des candidatures correspondant au profil recherché qu’il transmettra à votre directeur de cabinet ou à votre secrétaire général, en veillant à assurer une diversité aussi grande que possible des parcours. Il conviendra notamment d’apprécier s’il est opportun de susciter des candidatures à l’extérieur de l’administration. Les candidats seront reçus par un de vos proches collaborateurs qui devra pouvoir les apprécier par comparaison, le cas échéant, avec le candidat sélectionné parmi vos cadres.
c. C’est au vu de l’ensemble de ces candidatures que vous m’adresserez votre proposition de nomination.
Ce processus ne vise en aucune façon à restreindre votre liberté d’appréciation et il tend au contraire à élargir votre choix en décloisonnant les viviers des compétences. Pour son bon fonctionnement, il est indispensable qu’il soit engagé, sauf urgence, deux mois au moins avant l’échéance.
Le secrétaire général du Gouvernement pourra, à votre demande, contribuer de façon plus active à votre travail de sélection des candidatures et à toute recherche complémentaire, y compris hors du périmètre des administrations publiques. Il mettra à votre disposition, à cet effet, sa cellule chargée des cadres dirigeants.
Un bilan de cette procédure sera effectué au terme d’une année.
III. – Suivi et accompagnement des carrières
Une gestion professionnalisée des cadres dirigeants suppose également :
– une évaluation systématique de leurs performances et de leurs compétences managériales ;
– la traduction de cette évaluation en termes de rémunération ;
– la mise en place d’actions de développement personnel et de formation adaptées.
1. Evaluation de la performance et du développement
Dans l’esprit des orientations déjà adoptées, notamment en matière d’entretiens professionnels, l’évaluation des cadres dirigeants doit être rénovée pour devenir plus objective, assurer une meilleure comparaison entre pairs et constituer un véritable outil de management.
a. Préparation de l’évaluation
Vous êtes responsables de l’évaluation des cadres dirigeants relevant de votre autorité. Vous demanderez au secrétaire général de votre ministère de la préparer en établissant annuellement un document de synthèse concernant chacun d’eux.
Ce document comportera l’évaluation du niveau de réalisation des objectifs collectifs et individuels fixés en fin d’année n – 1 pour l’année n ainsi que des compétences managériales du cadre concerné, à partir d’une grille commune proposée par le secrétaire général du Gouvernement et validée par le comité des secrétaires généraux.
Il s’appuiera, en tant que de besoin, sur des entretiens avec le directeur de cabinet ou son adjoint et, le cas échéant, avec le ou les chefs de service et sous-directeurs placés sous la responsabilité du cadre dirigeant.
b. Entretien d’évaluation
Un entretien personnalisé doit être conduit chaque année par vous ou, à défaut, votre directeur de cabinet, le secrétaire général ou le directeur général dont le cadre dirigeant serait l’adjoint. L’échange s’appuiera sur le document de synthèse préparé avant l’entretien.
L’entretien doit évaluer les performances de l’année passée et fixer les objectifs de l’année à venir en termes opérationnels et de développement des compétences managériales. Il doit porter également sur la formation ou les dispositifs d’accompagnement personnalisé qui seraient nécessaires.
Le secrétaire général du Gouvernement mettra sa cellule spécialisée à votre disposition pour vous assister dans ce travail d’évaluation et fixer le programme de formation ou d’accompagnement.
c. Comité d’évaluation
Les évaluations seront transmises au comité de rémunération prévu par le décret du 11 août 2006 portant attribution d’une indemnité de performance en faveur des directeurs d’administrations centrales ainsi qu’à l’adjoint au secrétaire général du Gouvernement en charge des cadres dirigeants s’il n’est pas désigné au sein du comité en qualité de personnalité qualifiée. Le comité peut proposer que certains cadres dirigeants bénéficient d’un entretien de carrière, hors la ligne hiérarchique, permettant d’envisager les évolutions à moyen ou long terme de leur parcours professionnel.
De façon générale, l’adjoint au secrétaire général du Gouvernement en charge des cadres dirigeants est à la disposition de tout cadre dirigeant désireux d’évoquer avec lui, de façon confidentielle, le déroulement de sa carrière.
d. Restitution
Les évaluations doivent donner lieu à une restitution aux cadres dirigeants concernés.
2. Rémunération
Je vous demande de veiller personnellement à l’application des dispositions du décret n° 2006-1019 du 11 août 2006 portant attribution d’une indemnité de performance en faveur des directeurs d’administration centrale qui ont été modifiées en mars 2009.
Les décisions relatives à l’attribution des indemnités de performance doivent s’appuyer sur l’évaluation du niveau de réalisation des objectifs fixés et sur celle des compétences managériales, conformément aux prescriptions de ce décret.
Une attention toute particulière sera donnée aux modalités selon lesquelles les décisions de rémunération sont portées à la connaissance des cadres dirigeants concernés, par vous-même, votre directeur de cabinet ou le secrétaire général.
Au plan interministériel, une analyse comparative des indemnités de performance entre ministères sera menée tous les deux ans sous l’égide du secrétariat général du Gouvernement et, pour la première fois, avant la fin de l’année 2010.
3. Programmes d’accompagnement
Afin d’accroître les compétences des cadres dirigeants dans la réalisation de missions de plus en plus complexes, il est nécessaire de mettre en œuvre plusieurs programmes complémentaires.
a. Des séminaires de haut niveau, en sus de ceux que l’ENA organise actuellement pour les directeurs nouvellement nommés, devront être organisés à l’attention des cadres dirigeants afin de leur permettre de renforcer leurs compétences, tant en matière d’expertise professionnelle qu’en matière managériale.
b. Un cercle des cadres dirigeants sera mis en place pour permettre à ces derniers, au-delà des réseaux de métiers qui existent déjà, de confronter régulièrement leurs pratiques avec des personnalités extérieures. Ce cercle sera animé par le secrétaire général du Gouvernement, avec l’appui de la direction générale de l’administration et de la fonction publique. Il vous permettra aussi de rencontrer, lorsque vous le souhaiterez, l’ensemble de l’encadrement dirigeant de l’Etat.
c. Les outils de développement personnalisé au bénéfice des cadres dirigeants, tels que l’assistance d’un conseil en développement, seront progressivement renforcés, avec l’objectif d’approfondir les compétences managériales de chacun. Le secrétaire général du Gouvernement soumettra au comité des secrétaires généraux un plan de mise en œuvre de ces outils.
d. Le secrétaire général du Gouvernement veillera également, en lien avec les secrétaires généraux des ministères, à l’élaboration d’outils adaptés permettant de faciliter les démarches des cadres dirigeants désireux de poursuivre leur carrière hors de l’administration.
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Les orientations développées par la présente instruction relèvent, comme vous le constatez, d’une démarche managériale qui ne requiert pas l’édiction d’un cadre réglementaire particulier ; il n’y a donc pas de préalable juridique à leur mise en œuvre. Les modalités peuvent en être simplement et rapidement définies sous votre autorité.
Je vous demande de prendre sans délai toutes les dispositions permettant que la nouvelle démarche relative à la sélection des cadres dirigeants soit applicable aux nominations intervenant à compter du 1er mars 2010.
Les secrétaires généraux de vos ministères et les chefs des corps concernés seront associés, sous l’égide du secrétariat général du Gouvernement, à l’élaboration de l’ensemble des outils permettant le plein succès de cette réforme stratégique.
François Fillon
Source: JORF n°0039 du 16 février 2010 texte n° 2