Opération SANGARIS et syndrome de stress post-traumatique

Question écrite n° 15668 de M. Jean-Paul Fournier (Gard – UMP) publiée dans le JO Sénat du 09/04/2015 – page 800

M. Jean-Paul Fournier attire l’attention de M. le ministre de la défense sur un récent rapport faisant état d’un chiffre très important de 12 % de soldats atteints de syndrome post-traumatique au sein des contingents déployés en République Centrafricaine dans le cadre de l’opération SANGARIS. À titre de comparaison, le nombre de blessés de l’opération PAMIR souffrant de troubles psychologiques s’élève à 8 % des effectifs engagés sur une période de 10 ans.
Il souhaite savoir pourquoi ce taux est aussi important, s’il est le fruit d’une meilleure identification des cas, la conséquence d’un contexte opérationnel particulier ou encore le résultat d’une défaillance dans la gestion de la prévention. Il souhaite d’autre part que le Gouvernement lui indique les mesures qui ont été prises pour assurer le suivi de ces blessés, faciliter leur réinsertion au sein des armées et, plus largement, dans la société.

 

Réponse du Ministère de la défense  publiée dans le JO Sénat du 06/08/2015 – page 1880

Dans le cadre de leurs missions à l’étranger, mais aussi sur le territoire national, les militaires français font régulièrement face à des situations de stress opérationnel qui peuvent avoir un fort retentissement traumatique sur le plan psychique.

Ces situations sont susceptibles d’occasionner des blessures spécifiques dont le risque évolutif majeur est la survenue de syndromes de stress post-traumatiques (post traumatic stress disorder disease ou PTSD en anglais). C’est pourquoi, dès 2002, le service de santé des armées (SSA) a mis en place une surveillance des PTSD chez les militaires en activité.

En 2010, cette surveillance a été étendue aux troubles psychiques reliés à un événement traumatisant, afin de prendre en compte des manifestations moins spécifiques, de gravité et de pronostic variables, tels que les addictions ou les troubles du sommeil.

S’agissant du rapport enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale, le 16 décembre 2014, en conclusion des travaux de la mission d’information sur la prise en charge des blessés, celui-ci mentionne effectivement que « 12 % des militaires de retour de République centrafricaine présentaient des déséquilibres psychologiques se traduisant par un contact altéré avec la réalité contre 8 % pour l’opération Pamir ».

À cet égard, il convient d’observer que ces pourcentages sont issus d’une enquête réalisée avec l’échelle anglo-saxonne de dissociation péri-traumatique, dite de Marmar, par les psychologues de la cellule d’intervention et de soutien de l’armée de terre. Ces données corroborent celles du SSA qui mettent en évidence une augmentation des troubles psychiques déclarés dans les armées depuis 2010, avec une évolution notable entre 2013 et 2014.

Cette augmentation tendancielle résulte de la difficulté accrue et de la répétition des missions auxquelles ont participé les militaires français en République Centrafricaine, au Sahel ou en Afghanistan, mais aussi d’un meilleur repérage des militaires en souffrance psychologique.

Prenant pleinement en compte cette situation et souhaitant y apporter une réponse tangible, le SSA a mis en œuvre, à partir de 2011, un premier plan d’actions intitulé « Troubles psychiques post-traumatiques dans les armées 2011-2013 » en collaboration avec le commandement, les psychologues des armées et le monde associatif.

Au cours de cette même année, le poste de coordonnateur national du service médico-psychologique des armées a été créé au sein de la direction centrale du SSA. Ce médecin est chargé du pilotage des actions décidées en la matière et de la coordination des différents acteurs intervenant dans la prise en charge médicale des blessés psychiques.

Depuis cette date, les médecins des forces armées sont sensibilisés, dès leur formation initiale, au dépistage des troubles psychiques post-traumatiques et à la prise en charge des militaires présentant de telles blessures. Ils bénéficient d’une formation pratique continue, ouverte également aux infirmiers, sous forme de stages, et d’une formation spécifique au repérage de cette pathologie dans les services de psychiatrie des hôpitaux d’instruction des armées (HIA).

Les cadres des armées sont également sensibilisés au dépistage des PTSD afin de pouvoir orienter les militaires blessés vers un praticien.

Enfin, une vaste campagne d’information médiatique a été lancée auprès des militaires et de leurs familles pour lever, au moins en partie, le tabou de la blessure psychique et faciliter ainsi la prise en charge des militaires concernés.

S’inscrivant dans la continuité du plan 2011-2013, le plan d’action « Troubles psychiques post-traumatiques dans les armées, lutte contre le stress opérationnel et le stress post-traumatique » fixe, pour la période 2013 à 2015, les grandes orientations d’une politique de prévention en santé des militaires voulue par le ministre de la défense. Ce plan constitue la seconde étape d’une véritable politique de santé thématique, adaptée aux spécificités de la défense. Fort de 6 objectifs, 11 axes stratégiques et 49 actions, il prolonge le plan précédent en poursuivant sur le long terme les actions mises en place et apporte les améliorations jugées nécessaires.

Les objectifs fixés par le plan 2013-2015 tendent à améliorer l’information, la prévention, le repérage et le diagnostic des troubles liés au stress opérationnel et aux traumatismes psychiques ; à mieux répondre aux besoins psychosociaux spécifiques du militaire et de sa famille, avant, pendant et après les missions, mais aussi tout au long de sa carrière et au-delà, après son retour à la vie civile ; à améliorer la prise en charge des conséquences immédiates, à court et à long terme, d’une rencontre avec un évènement traumatique sur le plan psychique ; à garantir une juste réparation des états de stress post-traumatiques ; à mieux appréhender l’ampleur et l’impact des troubles psychiques résultant du stress opérationnel et du stress post-traumatique liés aux missions des armées et à mieux informer les militaires et leurs familles sur le stress opérationnel, les troubles psychiques post-traumatiques et le dispositif de soutien.

En outre, le plan d’action 2013-2015, tout en consolidant les actions déjà réalisées, crée 3 nouveaux axes portant sur le soutien psychologique des forces spéciales, la coordination du soutien des familles et des proches et les actions de synthèse et de communication. Dans ce contexte, il peut être précisé qu’en matière de communication, un dispositif téléphonique intitulé « Ecoute Défense » a été mis en place dès 2013 pour répondre à un besoin de soutien et d’information des militaires en souffrance psychologique. Ce dispositif s’appuie sur un numéro d’appel gratuit. Il est armé par les psychologues des HIA et des centres médicaux des armées (CMA) qui assurent une permanence téléphonique continue. De janvier 2013 à décembre 2014, il a permis d’accueillir 521 personnes dont 277 atteintes d’un syndrome de stress post-traumatique.

Par ailleurs, les troubles psychiques post-traumatiques ont une incidence délétère sur la vie professionnelle, personnelle, familiale et sociale de ceux qui en souffrent. C’est pourquoi ce dispositif téléphonique, jusqu’ici destiné aux seuls militaires, a été étendu à leurs familles depuis le 15 mai 2015. Celles-ci peuvent désormais avoir accès à l’offre de soins du SSA puis être orientées éventuellement vers le réseau mis en place par le SSA, constitué de psychiatres et psychologues militaires, mais aussi civils. Dans cette dernière éventualité, la sous-direction de l’action sociale de la direction des ressources humaines du ministère de la défense et la caisse nationale militaire de sécurité sociale prennent en charge le coût de leurs psychothérapies, à raison de six séances, éventuellement renouvelables, d’un montant de 60 euros chacune, sous réserve d’une prescription par un médecin militaire.

Concernant le suivi sanitaire des blessés, il convient d’ajouter que le nouveau modèle « SSA 2020 » vise à recentrer les activités du SSA sur la prise en charge complète du militaire ayant subi une blessure ou contracté une maladie dans le cadre d’un engagement opérationnel. L’application de ce principe de recentrage fait du médecin des forces armées la pierre angulaire du dispositif du parcours de soins du blessé psychique. Dans ce contexte, le militaire est replacé au cœur du parcours de santé. Ainsi, depuis février 2015, le dossier médical d’un militaire placé en position de non-activité pour raison de santé est systématiquement adressé au CMA situé à proximité du lieu de vie du militaire, et non plus à un organisme central de gestion du personnel. Le militaire blessé a désormais comme interlocuteur direct un médecin militaire.

S’agissant du processus d’indemnisation des blessés, il est utile de rappeler que le syndrome post-traumatique (SPT) est considéré comme une blessure. Il est indemnisé comme tel au titre du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre (CPMIVG), dès lors que son imputabilité au service a été reconnue. Dans ces conditions, le régime de la preuve d’imputabilité, prévu à l’article L. 2 du CPMIVG, oblige le demandeur à justifier d’un fait de service ou d’un fait survenu à l’occasion du service et de l’existence d’un lien de causalité direct et certain entre ce fait et l’origine de l’infirmité. Cependant, la preuve peut être apportée par tous les moyens et il est admis que l’expertise médicale peut constituer un élément décisif de preuve. Le droit à pension est donc reconnu après un examen au cas par cas des dossiers, en tenant compte de tous les éléments d’appréciation, des circonstances de fait et de l’état des connaissances scientifiques.

Sur le plan de la reconversion professionnelle, il convient de préciser que les militaires blessés peuvent bénéficier des actions de l’agence de reconversion de la défense (ARD), dénommée « Défense Mobilité ». Ce service à compétence nationale, rattaché au directeur des ressources humaines du ministère de la défense, organise ses actions autour de 4 axes principaux : l’élaboration d’un projet professionnel, l’accompagnement, l’offre de formations et la mise en relation avec des professionnels. Si le militaire souhaite s’orienter vers le secteur privé, il continue, au moment de sa recherche d’emploi, à bénéficier de l’appui de « Défense Mobilité », notamment grâce à des prospections ciblées ou la mise en relation avec des employeurs. Aussi, l’ARD s’attache à nouer des partenariats avec les grandes entreprises et développe des relations de proximité avec les PME et les PMI. En outre, plusieurs initiatives ont été prises afin de favoriser encore davantage les chances de réinsertion sociale et professionnelle des personnels militaires dans le secteur privé. Trois expériences de reconversion sont ainsi menées actuellement au profit des blessés psychiques avec les entreprises Nexter, Renault Trucks Défense et Areva. Ces expériences sont conduites en lien avec des partenaires associatifs du ministère, comme Terre Fraternité ou Solidarité Défense, illustrant la complémentarité de l’action institutionnelle et de l’action associative en faveur des militaires blessés.

D’une manière plus générale, les militaires blessés de retour d’OPEX ne sont soumis à aucune limite de temps pour bénéficier des prestations de l’ARD dans le cadre de leur accompagnement, contrairement aux anciens militaires qui n’ont cette possibilité que jusqu’à trois ans après leur radiation des contrôles.

L’Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONAC-VG) constitue également un acteur majeur de la politique de reconversion des militaires au sein du ministère de la défense. L’établissement public développe, à ce titre, une politique d’accompagnement social et d’insertion professionnelle des militaires de la nouvelle génération du feu. Il s’appuie pour cela sur le réseau de ses services départementaux et sur une coopération renforcée avec les armées. C’est dans ce cadre qu’une convention a été signée le 3 mars 2015 entre l’état-major de l’armée de terre et l’ONAC-VG concernant l’accompagnement des blessés de l’armée de terre et de leurs familles. Cette convention établit un lien direct entre les référents de la cellule d’aide aux blessés de l’armée de terre (CABAT) et ceux de l’ONAC-VG, l’objectif étant que l’Office relaye et prolonge l’action des cellules d’aide aux blessés une fois que les militaires ont quitté l’institution. De telles conventions ont également été signées avec l’armée de l’air et la marine les 20 juin et 7 novembre 2014 sous l’impulsion directe du ministre de la défense.

Plusieurs autres actions sont en cours en faveur des personnels ayant subi un préjudice. Parmi ces actions, il peut être noté la création d’un congé spécifique au profit des militaires blessés ou ayant contracté une maladie en OPEX, dénommé le congé du blessé. D’une durée maximale de 18 mois, il permet à ses bénéficiaires de rester affectés dans leur formation d’origine avec bénéfice de la solde intégrale et des accessoires de soldes, de se maintenir, le cas échéant, dans le logement concédé par nécessité absolue du service et d’accéder au centre médical des armées de la formation d’affectation. Au nombre de ces actions figurent également l’élaboration du passeport du blessé qui est en cours de finalisation et dont l’objectif est de relier les différents acteurs du parcours médico-administratif du blessé, ainsi que la création de la maison des blessés et des familles, récemment inaugurée par le ministre de la défense à l’HIA Percy, qui constitue un projet novateur permettant d’accueillir les familles qui viennent au chevet des militaires hospitalisés ainsi que certains militaires en soins de suite.

Par ailleurs, il convient de souligner l’apport incontestable du sport dans le processus de reconstruction et de réinsertion sociale des blessés psychiques. C’est dans ce cadre que les communes de Bourges et Aubigny-sur-Nère (Cher), ont accueilli, du 1er au 27 juin 2015, la 4e édition des « Rencontres militaires blessures et sports » (RMBS). Organisées depuis 2012 par la CABAT, sous l’autorité du général gouverneur militaire de Paris, ces rencontres rassemblent tous les acteurs de l’accompagnement : médecins, psychologues, encadrants sportifs au profit des blessés des trois armées et de la gendarmerie. La 4e édition des RMBS a vu la participation de 62 militaires blessés, physiques et psychiques.

Par ailleurs, le stage au centre de ressources des blessés de l’armée de terre (CReBAT), qui s’est déroulé en septembre 2014 dans le sud de la France, est destiné spécifiquement aux blessés psychiques. Ce type de stage poursuit plusieurs objectifs dont la valorisation des ressources individuelles, l’engagement dans des activités de groupe et le retour à la capacité de prise de décision. Le stage au CReBAT, véritable succès, a été reconduit en 2015 avec 4 sessions d’une semaine.

De même, la reconnaissance, dont les décorations constituent un élément hautement symbolique, participe indéniablement du processus de reconstruction du blessé. À cet égard, il peut être observé que l’article 6.1 du rapport annexé à la loi de programmation militaire pour les années 2014 à 2019 dispose notamment qu’un effort particulier de reconnaissance doit être entrepris à l’égard des militaires blessés au service de notre pays. Les modalités de la généralisation du droit, actuellement régi par la loi n° 52-1224 du 8 novembre 1952 réglementant le port de l’insigne des blessés de guerre, au port de l’insigne des blessés de guerre à l’ensemble des militaires ayant subi, en situation de guerre comme en opération extérieure, une blessure physique et psychique reconnue par le service de santé des armées seront déterminées par un décret pris après avis du Conseil d’État. Ce texte réglementaire est actuellement soumis à l’examen de la grande chancellerie de la Légion d’honneur qui, aux termes de l’article R 117 du code de la Légion d’honneur et de la médaille militaire est obligatoirement consulté sur les questions de principe concernant les décorations françaises.

L’ensemble de ce dispositif en constante amélioration témoigne de toute l’attention que porte le ministère de la défense à l’égard des militaires ayant subi une blessure psychique, et de leurs familles.

Source: JO Sénat du 06/08/2015 – page 1880

Cette publication a un commentaire

  1. Anonyme

    Ces souffrances sont en partie liées au contexte opérationnel c’est évident , mais elles auraient pu être apaisées si l’indigence des moyens de soutien de l’armée française sur ce théâtre n’avait pas contribué à réduire le moral des hommes .

    Il aura fallu attendre plus d’un an pour que l’économat des armées se voit confier une partie du soutien sur le camp de Bangui Mpoko (internet etc…) ainsi que le fonctionnement de l’unique ordinaire de la base .

    Les grands chefs se sont gargarisés de la rusticité de leurs hommes dont certains ont dormi à la belle étoile , sans moustiquaire , dans un hamac filet tendu entre deux blindés , tout en se nourrissant exclusivement de ration de combat pendant des mois , cependant , la force des armées réside bien dans sa logistique et il serait bon , que celles et ceux qui doivent veiller à maintenir les forces au plus haut niveau opérationnel analysent les failles qui existent dans leur organisation .

    L’histoire se rappellera que le Président de la République qui a su faire un chèque de plus d’un milliard d’euros aux russes n’aura jamais été capable durant son quinquennat de soutenir décemment ses propres soldats sur les théâtres d’opérations extérieures .

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