Quelques curés pédophiles trouvent refuge à l’aumônerie des armées.

Conséquence inattendue du scandale des prêtres pédophiles irlandais couvés par la hiérarchie catholique, les langues commencent  à se délier. En France, plusieurs familles de victimes se sont concertées pour demander des comptes. Selon ces briseurs d’omerta, l’Eglise de France avait mis en place, depuis plusieurs années, une étrange filière pour laver certaines soutanes souillées : le diocèse aux Armées. Lorsqu’un prêtre était convaincu ou fortement soupçonné de pédophilie, cette honorable institution lui tendait les bras. Il y rejoignait 115 prêtres, et autant de diacres ou de laïcs, qui y officient sous l’autorité d’un évêque. Lequel dépend lui-même (cela ne s’invente pas) du service de santé des armées.

Blanchiments bien goupillés

Premier exemple : au milieu des années 90, un abbé fait l’objet d’une enquête. Les témoignages recueillis par la police sont troublants, mais insuffisants pour la justice. L’ecclésiastique échappe à une condamnation et devient aumônier militaire.

Deuxième exemple : un prêtre pédophile trouve refuge au sein du diocèse aux Armées…avant d’en être expulsé. Son histoire commence en 2002. Les gendarmes l’arrêtent dans le Loiret. Ils perquisitionnent  à son domicile, à la recherche de cassettes, puis le relâchent. Son casier judiciaire reste miraculeusement immaculé, mais l’alerte a été chaude. Assez pour qu’il soit recueilli par l’aumônerie militaire. Direction : les Balkans, puis la Côte d’Ivoire.

Nommé au 54ème régiment d’artillerie d’Hyères, le saint homme a replongé et a été condamné, en 2005, à 6 ans de prison par le tribunal correctionnel de Toulon pour avoir tripoté une quinzaine de mineurs. Il s’était bêtement fait pincer : invité à dormir chez un militaire, l’aumônier-artilleur en avait profité pour administrer, à sa manière, le saint sacrement au fils de la maison. Du coup, même l’aumônerie où il avait trouvé refuge l’a viré. Tout en le repêchant, par charité chrétienne.

Le diocèse aux armées continue en effet de lui confier quelques missions. Celles d’enseigner le catéchisme aux enfants de militaires. Voilà une compétence bien employée, en attendant une plus lointaine « exfiltration » :la hiérarchie lui cherche un poste outre-mer.

Solidarité à toute épreuve

Troisième exemple :à en croire quelques cathos bavards, un parcours de ce genre attend le vicaire général du diocèse d’Angoulême, qui, depuis juillet dernier, prie en prison après sa mise en examen pour le viol de trois mineures. Son évêque, Claude Dagens, n’a pas semblé vraiment condamner son bras droit après cette incarcération. Dans un communiqué, publié le 2 juillet dernier, il a appelé à mesurer « l’épreuve que constitue cette mise en cause pour toutes les personnes concernées, pour le père Braud lui-même, pour ceux et celles qui le connaissent et l’estiment ». Et l’évêque d’enchaîner : « Dans une épreuve comme celle-là, une réelle solidarité est nécessaire entre nous, à l’intérieur de l’Eglise d’abord. »

Le père Poinard, vicaire général du diocèse aux Armées, ne cherche pas à nier ces accommodements, qui, jure-t-il, appartiennent à l’histoire : « il a pu arriver, dans le passé, que des affaires soient étouffées en province, à la suite de l’intervention de notables ou même que les familles soient arrangeantes, moyennant des dédommagements financiers. »

Une façon de donner un coup de main au culte. Et tout finit par des cantiques.

Alain Guédé

Source : Le Canard enchaîné du mercredi 30 décembre 2009

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