Après la mise en place des associations professionnelles de militaires, les associations de retraités auront-elles encore leur place au Conseil Supérieur de la Fonction Militaire ? (Par Renaud Marie de Brassac)

Comme toujours, poser une question, c’est déjà en partie y répondre.

Le statut général des militaires de 1972 disposait que la retraite était la position statutaire définitive du militaire ayant quitté le service en faisant valoir ses droits à pension de retraite.

Dans une certaine mesure la situation des retraités était liée d’une part à la progression de la valeur du point d’indice de la fonction publique et d’autre part à certaines modifications statutaires.

Ce n’est plus le cas depuis l’adoption du statut général des militaires de 2005 lors de laquelle la situation des retraités a été complètement déconnectée du sort des militaires en activité.

L’Adefdromil, groupement professionnel à caractère syndical, reconnu par le Conseil d’Etat, a toujours indiqué que les associations de retraités n’avaient rien à faire au sein du CSFM, d’autant plus qu’elles peuvent s’exprimer au sein du CPRM, le Conseil Permanent des Retraités Militaires.

Mais, virer les retraités du CSFM en 2005 aurait pu présenter des risques électoraux, car la camarilla des associations de retraités n’aurait pas manqué de fustiger cette éviction. Les maintenir au sein du CSFM ne pouvait en revanche que les flatter. Et leur présence ne risquait pas de polluer la concertation, car, déconnectées d’une grande partie de la réalité du terrain, elles n’apportent guère de valeur ajoutée aux débats.

Le problème resurgit de manière prégnante avec la future loi sur les associations professionnelles qui va probablement exiger que les dirigeants et les membres de ces organisations soient exclusivement ou en grande majorité des militaires en activité de service, ce qui va  exclure de facto les associations de retraités.

L’UNPRG (Union des Personnels Retraités de la Gendarmerie) a bien senti le danger de la création des futures associations professionnelles composées de militaires d’active. C’est sans doute une des raisons pour lesquelles, elle n’y a jamais été favorable, d’autant plus qu’elle a toujours prétendu faire fonction d’association représentative des sous-officiers de gendarmerie en activité de service.

A la suite du colloque organisé par le mensuel L’Essor de la Gendarmerie nationale, le 16 décembre 2014 à l’Assemblée nationale, l’association a publié sur son site plusieurs textes dans lesquels certains de ses dirigeants critiquent avec une certaine ignorance les arrêts de la CEDH et s’insurgent contre leur éviction prévisible du CSFM, selon le rapport Pêcheur (page 71). Au passage, le représentant de l’UNPRG, vice président chargé de la commission de l’active, présent à la table ronde organisée par L’Essor, déverse, dans un compte-rendu caricatural et d’une particulière mauvaise foi, son animosité viscérale anti-Adefdromil. C’en est pitoyable !

Une certaine ignorance et une prétendue représentativité.

La méconnaissance du sujet apparaît dans un article publié sur le site de l’UNPRG : « Les nouvelles mesures annoncées dans le cadre de la concertation dans les armées sont contestables. » Son auteur en est  M. Jean Pierre Virollet, premier vice-président national :

« Si l’on analyse ces deux arrêts, la première question qui vient à l’esprit est celle de la légalité et de la licéité de l’application dans notre corpus législatif français. Si la réponse  est positive pour le versement aux présumées « victimes » de dommages et intérêts ; elle est négative dans son application sur le fond, car la cour n’a aucune compétence en matière de défense. Cette position  signalée par des juristes compétents en la matière, n’a même pas été évoquée dans les débats, elle a même été complètement occultée dans la presse. »

Le sens de ce paragraphe est abscons : « elle (la réponse de la CEDH) serait négative dans son application au fond » ! Qu’on nous explique ce que cela veut dire ! La Cour de Strasbourg est compétente pour juger si les actes d’un pays membre sont conformes à la Convention et à ses principes. Aucune réserve générale n’a été émise par la France lors de son adhésion. Il est donc faux d’affirmer que la matière de la défense serait exclue de la compétence de la CEDH.

« En voulant imposer, dans un avant-projet de loi, la création d’Associations Professionnelles Militaires (APM), au détriment d’associations représentatives, dont l’UNPRG,  est certainement une faute d’appréciation. » « C’est pourquoi l’UNPRG, et d’autres associations sœurs, représentées au CSFM depuis de nombreuses années, s’étonnent de leur éviction de cette instance alors qu’elles ont dans leurs rangs des personnels d’active et de la réserve opérationnelle. »

La représentativité de l’UNPRG concernant les militaires de la gendarmerie en activité de service est  une aimable plaisanterie, faute d’être justifiée par un nombre public d’adhérents actifs. Et de toute façon, une association de retraités ne peut être une association professionnelle militaire. Il faut, il faudra donc choisir ou se démultiplier.

« L’UNPRG, par l’intermédiaire de ses présidents départementaux, a décidé d’aviser par courrier tous les parlementaires de leurs circonscriptions sur cette situation préjudiciable à une concertation libre et totalement indépendante. »

Que M. Virollet se rassure, l’adhésion des retraités aux associations professionnelles sera probablement autorisée. Une telle concession sera symbolique. Car, les retraités ne compteront pas dans la détermination de la représentativité des APM et ne pourront sans doute pas tenir des postes de dirigeants. Et, on ne voit pas en quoi un dialogue avec des associations professionnelles plutôt qu’avec des associations de retraités porterait un « préjudice à une concertation libre et totalement indépendante ». Tout cela relève d’une argutie peu convaincante.

Des problèmes d’audition ou de compréhension, à l’origine d’une particulière mauvaise foi ?

Gérard Sullet, vice-président national, chargé de la commission « active » de l’UNPRG cumule, quant à lui, des problèmes de vue, d’audition et de compréhension qui ressortent de son compte-rendu.

« Après une présentation des parlementaires au nombre de cinq, dont Mr Daniel BOISSERIE, rapporteur du budget de la gendarmerie, les débats ont commencé par la présentation des arrêts de la CEDH par le Lt- Colonel MATELLY et le président d’Adefdromil, Jacques BESSY. »

C’est le président de l’Adefdromil, qui est intervenu en premier. Pourquoi inverser l’ordre de passage ?

S’agissant du nombre de parlementaires, les personnes présentes dans la salle en ont compté seulement trois . M. Sullet, lui, en a vu cinq ! Par ailleurs, il est notoire qu’il  ignorait le nom du rapporteur du budget de la gendarmerie : M. Daniel Boisserie. Ce nom lui a été soufflé par des personnes charitables. Et, on en déduit qu’il n’a  pas dû lui écrire souvent depuis 2012…Etonnant pour quelqu’un qui s’occupe des problèmes de l’active !

« Il (le président de l’Adefdromil) ne souhaite pas s’engager dans la défense de l’institution militaire qu’il considère en quelque sorte comme un adversaire pour les associations militaires. Ses critiques vont aussi vers les instances de concertation (CFM et CSFM) qu’il dit trop proches de la hiérarchie et non représentatives dans leur mode de désignation. Particulièrement critique aussi vis-à-vis des associations de retraités comme la nôtre, il conteste leur bilan. Il prend pour exemple les résultats obtenus depuis leur création (cf. : site internet de la FNRG, qu’il confond manifestement avec le nôtre) en n’en reconnaissant pas la paternité, même relative, aux associations de retraités. Pour résumer, l’Adefdromil est, selon lui, en pointe et elle le fait savoir de manière quelque peu présomptueuse. L’avocate de l’Adefromil fera le même plaidoyer, mettant en cause l’institution militaire qu’elle juge peu participative dans les affaires qu’elle a pu traiter. Elle considère que le droit d’ester en justice est le plus important à obtenir pour les futures  APM, ce qui confirme leur objectif d’affrontement avec les armées. »

Il suffit de lire le texte de l’intervention de Jacques BESSY, président de l’Adefdromil pour constater la mauvaise foi de M. Sullet, qui déforme les propos ou les sort de leur contexte. Il y a bien un bilan des acquis sur le site de l’UNPRG, ce que semble ignorer M. Sullet. Ce bilan,  à ce qui nous été dit, n’a pas été contesté, notamment si on s’en tient à la lecture de l’intervention du président de l’Adefdromil. Les termes « d’adversaire », s’agissant de l’institution militaire et « d’objectif d’affrontement » sortent de la seule bouche de M. Sullet.

« Ont suivis des exposés juridiques par trois juristes confirmés qui ont tous analysé les arrêts comme s’imposant à la France avec même la remarque d’un constitutionaliste que la France aurait du, depuis longtemps, adapter le droit des militaires à la chartre (SIC!) européenne (article 11). »

Les libertés prises avec l’orthographe font écho aux faiblesses et aux approximations du compte-rendu.

« J’ai pu développer l’idée que nous sommes une vieille association qui, au départ, a été créée par des actifs et qui a toujours œuvré à la défense de l’arme et de ses personnels avec son journal l’ESSOR. » « J’ai rappelé que ce dernier avait d’ailleurs été créé par nos anciens.

Le raccourci qui fait de L’Essor le journal de l’UNPRG est saisissant, lorsqu’on connait l’histoire de ce mensuel indépendant, si bien racontée par M. Jacques Revise, qui a racheté le journal en 1972 pour le céder en 2003.

Prenant acte des avis déjà émis sur les schémas futurs des APM, tel que GENDXXI et le CSFM les ont élaborés, j’ai émis des réserves sur le fait d’intégrer les APM aux instances de concertations actuelles. Nous considérons que cette architecture va mélanger les genres et servir la hiérarchie. L’UNPRG veut se positionner dans la future législation, considérant qu’elle a l’antériorité et l’expérience nécessaires. Cette position ne convient pas à MATELLY qui juge que les droits des actifs ne peuvent être défendus que par les actifs. Au total, l’UNPRG revendique le droit de continuer à défendre les personnels mais aussi l’institution, même dans un cadre rénové. »

On aborde enfin le cœur du débat. L’UNPRG devrait se réjouir que les militaires d’active, donc les gendarmes, accèdent à une pleine citoyenneté en voyant reconnaître leur droit de s’associer pour défendre leurs intérêts professionnels. On ne voit pas en quoi l’intégration des associations professionnelles de militaires dans les instances de concertation « mélangerait les genres ». Les mérites éventuels passés des associations de retraités, dont l’UNPRG, ne sont pas un critère de qualification pour siéger dans les instances de concertation. Les actifs vont prendre leur destin en main. Ils n’ont nullement besoin des retraités, d’autant moins que la retraite n’est plus une position statutaire depuis le statut général de 2005.

« On peut constater que nos associations actuelles n’ont pas la même approche des objectifs à atteindre et que la mise en place d’APM va sans doute générer des surenchères comme pour les syndicats dans les autres administrations. Par exemple, des différences d’approche sont très perceptibles entre Jean-Hughes MATELLY et l’Adefdromil qui se situe plus vers une pratique à caractère syndical. »

Les objectifs à atteindre doivent être évidemment définis par les associations professionnelles composées de militaires d’active. Que deux associations n’aient pas la même approche, cela relève de la normalité. Et, qu’est ce qu’une « pratique à caractère syndical » ? M. Sullet devrait l’expliquer. Cela renforcerait sans doute l’attractivité de l’UNPRG, afin que les gendarmes d’active comprennent bien l’avantage qu’ils auraient à la rejoindre en masse. CQFD !

***************

Pauvre UNPRG !  Le livre de Jacques Revise « La face cachée de la Gendarmerie » en avait déjà donné une image affligeante. Ses prises de position à propos du droit d’association des militaires d’active, et son refus de voir évoluer le système de concertation, ne la grandissent pas.

04/01/2015

Cet article a 7 commentaires

  1. michel

    Depuis la naissance des différents mouvements de femmes de gendarmes derrière lesquels se dissimulaient les gendarmes en activité de service,la montée en puissance de l’Adefdromil et le développement de quelques blogs de gendarmes, il faut bien reconnaître que l’influence de l’UNPRG n’a cessé de décroître pour devenir marginale aujourd’hui.
    La présence des associations de retraités au sein des instances de concertation est sans influence sur la condition des militaires d’active. Il suffit pour s’en convaincre de se reporter aux comptes rendus de ces instances pour constater qu’ils ne contiennent aucune proposition émanant du représentant de l’UNPRG.
    Les associations de retraités ont une vocation essentielle: faire perdurer le devoir de mémoire.
    Très honnêtement, l’action des associations de retraités consiste à revendiquer en permanence des décorations; à constater que le point d’indice de la retraite mutualiste stagne; à se déchirer sur la fixation de la date de la fin des combats en Algérie! Autant de sujets qui laissent les personnels en activité de service indifférents!
    Je partage totalement le point de vue de l’Adefdromil!

  2. papynuc

    Est il possible de répondre quand on est que sous-officier en retraite de l’armée de terre depuis 1987 dans ce débat entre gendarmes. Les autres existent aussi.
    Juste un mot avant revenir m’exprimer ce soir. Les actifs d’aujourd’hui sont les retraités de demain est si ils se tirent une balle dans le pied en évinçant les retraités c’est que ils n’ont rien compris.

  3. Anonyme

    Membre de l’UNPRG depuis 1999, ancien membre de son conseil d’administration national et ancien président successivement de deux unions départementales, je suis au regret de constater que M De Brassac a totalement raison quant à son analyse sur la situation de cette association de retraités.
    A force d’évincer les personnes qui avaient des « visions » différentes, on en vient fatalement à la déconnexion avec le terrain.

    Signé : Christian HEITZMANN

  4. papynuc

    De temps en temps il faut être sérieux. La Gendarmerie n’est pas toute l’Armée ni le centre du monde.
    Bon la suite, une association des sous-officiers existe depuis le 23 septembre 1930.
    Elle a obtenue avec d’autres associations les choses suivantes:
    L’abrogation du décret du 4 avril 1934 amputant les retraites de 15 à 20% pour combler le déficit budgétaire. (2015 ?)
    La création de la carte de circulation SNCF pour les sous-officiers.
    Le rétablissement du droit aux emplois réservés supprimé en 1934.
    La suppression de l’interdiction du cumul pension de retraite et rémunération civile.
    Le reclassement en échelle de solde pour les sous-officiers chef de section.
    L’attribution de la carte d’identité militaire aux sous-officiers retraités.
    L’admission des retraités au CSFM.
    La liste est encore longue.
    Ce qui est fait aujourd’hui est bien mais il ne faut pas oublier le passé, le présent et l’avenir. Ce qui est la culture d’entreprise dans le civil.
    Pour finir les querelles entre gendarmes, officiers d’origines diverses commencent sérieusement à fatiguer les autres militaires. Nous aussi nous avons le droit de nous exprimer.
    Si ce que j’écris ne plait pas tant pis.

  5. fenec

    Totalement d’accord avec cette mise au point! L’armée de terre, la marine nationale et l’armée de l’air constituent les armées au sens du code de la Défense nationale (article L3211-2 du CDD). La gendarmerie nationale est une force armée instituée pour veiller à l’exécution des lois (Article L.3211-3 du CDD).Que constatons nous? Que la Gendarmerie est la moins militaire des forces armées et la plus prompte à violer la loi. Descente dans la rue en 2001, lettres anonymes, mouvement des femmes de gendarmes sans oublier l’empressement du sieur Matelly, à créer une association professionnelle sans même attendre les modifications statutaires qui s’imposent!
    La gendarmerie n’est pas le centre du monde, les autres armées ont aussi leur mot à dire.

  6. Anonyme

    Absolument d’accord, vivement que les autres armées réagissent !!!

  7. Anonyme

    Il faut s’aventurer au devant des sunlights et sur ce point la gendarmerie ne joue pas l’hégémonie … aux autres de sortir de l’ombre.
    En matière de descente dans la rue les gendarmes ne m’ont semble t il pas été à la hauteur d’un quarteron de généraux en 1961 ou des appelés des comités de soldat des années 1970 !
    Si le mouvement des gendarmes était déshonorant pour les armées, fallait il encore qu’elles le démontrent en refusant ce les gestes des politiques !

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