Fermeture de régiments

Question orale sans débat n° 0901S de Mme Françoise Férat (Marne – UDI-UC) publiée dans le JO Sénat du 30/10/2014 – page 2399

Mme Françoise Férat attire l’attention de M. le ministre de la défense sur les conséquences économiques et sociales de la dissolution du 1er régiment d’artillerie de marine et du départ de l’état-major de la 1ère brigade mécanisée de Châlons-en-Champagne.

Cette décision est un désastre pour la préfecture de la Marne. Ville de 45 000 habitants, la perte de 1 250 personnels civils et militaires impactera la démographie de la cité à hauteur de 3 000 habitants et ce, sans compter les 800 emplois indirects que cette mesure risquera fortement de perturber.

Au regard des efforts déjà consentis par le département marnais dans la restructuration militaire (13ème régiment du génie d’Épernay, base aérienne 112 de Reims, 402ème régiment d’artillerie de Châlons), il n’est pas équitable de soustraire de la population dans la seule région de France qui en perd, a contrario du rôle d’aménagement du territoire dévolu à l’État .

Des mesures de soutien et d’investissement doivent être prises dans la Marne. En premier lieu, il doit être consenti des dotations budgétaires fortes. En second lieu, il doit être envisagé des installations à Châlons-en-Champagne, des investissements d’entreprises de défense dont l’État est actionnaire ou donneur d’ordre, des transferts d’activités pour l’aéroport de Paris-Vatry, des financements dans le cadre du programme d’investissements d’avenir, des mises en œuvre du plan de relocalisation, etc.

Elle lui demande, en conséquence, quelles sont les compensations financières, économiques et en termes d’emplois que l’État envisage d’apporter au territoire châlonnais.

Réponse du Ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt publiée dans le JO Sénat du 19/11/2014 – page 8368

Mme Françoise Férat. Ma question porte sur la dissolution du 1er régiment d’artillerie de marine et sur le départ de l’état-major de la 1ère brigade mécanisée de Châlons-en-Champagne et leurs conséquences économiques et sociales.

Depuis de nombreuses années, notre région, et plus particulièrement la Marne, a payé un lourd tribut aux efforts de restructuration de l’armée, à l’occasion, d’une part, de sa professionnalisation et, d’autre part, de sa modernisation, avec la suppression du 13erégiment du génie d’Épernay, du 402e régiment d’artillerie de Châlons-en-Champagne – déjà -, et de la base aérienne 112 de Reims. Or, aujourd’hui, outre les deux unités militaires châlonnaises, est prévue la suppression du site de stockage de munitions de Connantray-Vaurefroy – environ 100 postes – et du centre de ravitaillement en essence de Bouy, soit 39 postes.

Soyons clairs, monsieur le ministre : je souscris à la logique de réduction de la dépense publique, et la baisse des effectifs en est l’un des moyens. Toutefois, l’objectif du Gouvernement est de supprimer 12 % des emplois militaires en France. Or, à Châlons-en-Champagne, ces emplois disparaissent dans leur intégralité !

Vous le savez, cette décision est un vrai choc économique et social pour une ville qui subit une telle mesure. Mais ce choc est double lorsque cette ville est située dans la seule région de France – la seule ! – à perdre des habitants.

Je ne peux pas comprendre que l’État accompagne cette déprise démographique ! Est-ce une action équilibrée et juste d’aménagement du territoire ?… Non !

Il n’est pas juste de supprimer 1 250 emplois, sans compter les 800 emplois indirects- 3 000 habitants sont concernés -, dans une ville de 45 000 habitants qui est en décroissance démographique. Il est des territoires ultra-urbains où l’État peut opérer des réductions d’effectifs sans compromettre la démographie et le dynamisme économique local.

Cette « double peine » pourrait devenir triple si Châlons-en-Champagne perdait en plus son statut de capitale administrative régionale, avec ses 1 000 autres emplois.

Monsieur le ministre, je demande que l’État joue son rôle d’aménagement du territoire !

Aussi, je souhaite revenir sur les engagements du Gouvernement à propos d’un plan de compensations exemplaire commandé par le Premier ministre. Des mesures de soutien et d’investissement doivent être prises dans la Marne.

En premier lieu, des dotations budgétaires fortes doivent être consenties. Pouvez-vous me confirmer le déblocage important des crédits d’un fonds de restructuration militaire ? À quelle hauteur sera-t-il ?

En second lieu, le territoire marnais attend des mesures en termes de relocalisation d’emplois. Quelles décisions l’État va-t-il prendre ou quelles orientations va-t-il donner pour ce qui concerne le transfert d’agences ou d’administrations d’État, ainsi que les investissements d’entreprises de défense dont l’État est actionnaire ou donneur d’ordre, à l’instar de ce qui s’est fait dans le département voisin de la Meuse ?

Le Gouvernement pourrait également inciter à des transferts d’activité pour l’aéroport de Paris-Vatry, situé précisément dans l’agglomération de Châlons-en-Champagne !

Vous pourriez également orienter les politiques que vous soutenez vers la Marne, tels le programme d’investissements d’avenir ou le plan de relocalisation visant à rapatrier des activités sur le territoire national.

Monsieur le ministre, les élus, les entreprises et les habitants de la Marne attendent des engagements précis de l’État sur ces questions d’aménagement du territoire, de compensations financières et d’investissements économiques.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll,ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Madame la sénatrice, je vous prie, tout d’abord, de bien vouloir excuser l’absence de M. le ministre de la défense, empêché.

En tant que porte-parole du Gouvernement, je veux vous dire que je mesure parfaitement l’intensité du choc que représente, pour un territoire, la fermeture d’un régiment, avec les conséquences que vous avez évoquées.

Le ministre de la défense a signé, le 15 octobre dernier, une décision ministérielle présentant toutes les restructurations pour 2015 et la suppression de 7 500 postes prévus dans la loi de programmation militaire.

Conformément à ses engagements, il a veillé à ce que cette réduction d’effectifs touche le moins possible d’unités opérationnelles. L’essentiel porte sur les structures organiques, l’environnement et l’administration du ministère. Il s’est notamment attaché à ce qu’il y ait le moins possible de dissolutions de garnison.

Les choix graves que le ministre de la défense a dû faire correspondent à un impératif capacitaire réfléchi, qui découle des besoins de l’armée de terre de demain.

En effet, les forces terrestres devront disposer d’unités adaptées à la diversité, à la durée et au durcissement des opérations. Offrant une capacité opérationnelle de 66 000 hommes projetables, l’armée de terre comprendra sept brigades interarmes.

Deux de ces brigades devront être aptes à l’entrée en premier sur un théâtre d’opération et au combat de coercition face à un adversaire équipé de moyens lourds.

Deux autres brigades, plus légères, devront être capables d’intervenir dans des milieux très spécifiques ou difficiles ou, très rapidement, en complément de l’action des forces spéciales.

Enfin, trois brigades multirôles seront prioritairement équipées et entraînées pour la gestion de crise.

Cette réarticulation des forces terrestres, guidée par le principe de différenciation des forces en fonction des missions qu’elles sont appelées à remplir, implique donc la dissolution du seul régiment d’artillerie non doté d’équipements lourds ou spécifiques, ou non implanté sur un camp.

C’est dans ce contexte global qu’il a fallu faire le choix douloureux de la dissolution du 1er régiment d’artillerie de marine et de l’état-major de la 1ère brigade mécanisée, à Châlons-en-Champagne.

Le ministre de la défense et le Gouvernement sont bien conscients de l’impact économique et social négatif que ces mesures auront pour la ville de Châlons-en-Champagne. Le Premier ministre, ainsi que le ministre de la défense, s’en est entretenu très récemment avec le député-maire de Châlons-en-Champagne.

Ils ont évoqué les lourdes et légitimes préoccupations des élus locaux, et le Premier ministre a souhaité que soit élaboré, au plus vite, pour la ville de Châlons-en-Champagne, un plan d’exception, afin de compenser autant que possible cette suppression d’emplois, avec toutes les conséquences qu’elle implique.

Ce plan d’accompagnement exceptionnel sera mis enœuvre par le préfet de la région Champagne-Ardenne, préfet de la Marne, mandaté par le Premier ministre.

Le vecteur principal de ce plan d’accompagnement sera un contrat de redynamisation du site « défense ». Le comité de site, qui associera l’ensemble des acteurs locaux concernés, sera réuni avant la fin du mois de novembre.

Dans cet accompagnement du territoire vers la reconversion, le ministère de la défense restera un partenaire responsable et déterminé.

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Férat.

Mme Françoise Férat. En entendant votre réponse, monsieur le ministre, qui se veut tout aussi rassurante que le courrier que M. Le Drian m’a personnellement adressé et que l’engagement pris par le Premier ministre, je veux croire que le Gouvernement a pris la mesure de nos difficultés.

La compassion est importante, monsieur le ministre, mais nous avons surtout besoin d’être aidés, car une création de richesses est indispensable pour compenser autant qu’il est possible les conséquences de la fermeture décidée. Une dotation la plus élevée possible, c’est évidemment très bien, mais nous avons surtout besoin de moyens pour développer l’ensemble du secteur marnais.

Ma question avait aussi pour but de vous assurer, monsieur le ministre, de la détermination de tous les acteurs dans la défense de ce dossier : habitants, entreprises et forces économiques, acteurs politiques de toutes tendances, nous sommes tous solidaires et tous résolus face à ce qu’il faut bien appeler une catastrophe pour la ville, pour le département et au-delà, car elle aura des répercussions dans l’ensemble de la région.

Monsieur le ministre, je vous demande de transmettre ce message : nous ne nous résignerons pas !

Source: JO Sénat du 19/11/2014 – page 8368

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