Silence dans les rangs !

Il devient difficile d’ignorer l’offensive générale conduite par le cabinet du ministre contre l’ADEFDROMIL.

L’affaire s’évoque progressivement dans la presse, sous la plume des spécialistes des questions militaires, et chaque personnel d’active, jusqu’à l’échelon subalterne ultime, a été prié de démissionner d’une association dont il n’avait pas forcément entendu parler auparavant.

En première analyse, nous ne pourrions que nous réjouir d’une telle publicité, qui prouve que nous avons été entendus à défaut d’avoir été écoutés. En seconde analyse, il convient d’être attentif à ce que révèle cette régression caractérisée, aux évidences comme aux objectifs d’apparence subsidiaire.

Quelle pub certes ! Et on peut raisonnablement se demander à quoi servent les conseillers en communication embauchés en nombre et à prix d’or ces derniers mois. Il est cependant fort vraisemblable que leurs éventuels conseils de prudence soient passés au second plan d’impératifs supérieurs.

La prétendue « nature syndicale », discernée par Monsieur MARLAND dans l’ADEFDROMIL, demeure assurément très intuitive. Il est remarquable que cette intuition frappa ce haut fonctionnaire au moment même où il prenait ses fonctions, mais n’avait jamais été soupçonnée par son ou ses prédécesseurs. Soit près de deux ans d’inattention coupable.

Il revient à l’association de se défendre d’une telle accusation. Dans un premier temps, en protestant du fait qu’à longueur d’articles, de rapports et dans les statuts (qu’il eut pourtant suffit de lire), nous avons toujours rejeté le principe syndicaliste.

Ne serait ce que pour la simple raison qu’il est frappé d’interdit légal.

Dans un second temps en demandant aux instances adéquates de dire le droit.

Si, par aberration, ce jugement instinctif de monsieur MARLAND était reconnu comme licite, il donnerait un pouvoir absolu et arbitraire au ministre de la défense pour discerner les « bonnes » associations, éventuellement subventionnables, des « mauvaises », éradiquables à merci. Resteraient la pétanque et le tricot.

Ce qu’une loi peut faire ou défaire, un chef de cabinet n’est pas réellement habilité à se le permettre. Ou alors nous avons changé de nature de société. Et il faut le dire.

Il faut dire :  « ce qui n’est pas explicitement autorisé est interdit sauf décision discrétionnaire du contraire ». Mais alors changeons l’article 6 du statut général des militaires qui lui, tout innocemment, affirme précisément le contraire.

Il faut dire : « du citoyen qu’il était, le militaire ne garde plus qu’un seul droit, celui de se taire ».

Mais alors ne pas s’étonner qu’il use et abuse de la seule liberté résiduelle inaliénable (pour l’instant) : celle d’aller voir ailleurs.

Il faudra aussi changer l’article 7 du même statut qui, du moins en apparence, affirme la liberté d’expression, dès lors que certains thèmes « délicats » ne sont pas abordés. Monsieur MARLAND considère pour sa part qu’une autorisation est obligatoire, quelque soit le sujet. Et d’exiger que le vice président de l’ADEFDROMIL soit sanctionné sans délai pour une bien succincte prestation télévisée.

Il faut se pincer quand on apprend qu’un officier général de l’armée de l’air a allégué être en mesure de se procurer la liste des adhérents de l’ADEFDROMIL en les menaçant de sanctions disciplinaires et statutaires « importantes » s’ils ne démissionnaient pas.

En temps de guerre, c’était le poteau.

Quand les « garanties » en auront disparues, la loi 72-662, portant statut général des militaires, ne sera plus qu’un arsenal coercitif au service du Chef, « à tous les niveaux », et opposable à l’ensemble des subordonnés. S’il en reste.

Cette vision essentiellement disciplinaire des choses, où la sanction tient lieu d’argument final, et qui semble présider aux décisions du cabinet, augure mal des « améliorations » promises à ce même statut par les plus hautes autorités de l’Etat.

Ou bien, et ce n’est qu’une hypothèse, la perspective d’avoir à composer, à court terme, avec des militaires « libérés » des contraintes archaïques, pousse le ministère à vitrifier l’horizon « concertatif ». Genre préparation d’artillerie neutronique.

A court terme bien entendu, car on voit mal comment on pourrait revenir sur un certain nombre d’avantages statutaires, retraite en particulier, sans lâcher quelque contrepartie non dispendieuse. De surcroît, tôt ou tard, il faudra bien suivre les directives et recommandations européennes en matière de droits et liberté du citoyen militaire.

Les CFM et le CSFM, instances officielles, auront la lourde tâche d’évaluer ces « améliorations » en 2003 (mais compter plutôt 2004, voire…), actuellement concoctées dans les bureaux des états-majors. Nous formulons des voeux pour que ces organismes institutionnels, dont l’objet est « de nature syndicale » selon la propre analyse de monsieur MARLAND, conserve à ce moment l’esprit, somme toute un peu frondeur, du printemps dernier.

Lu dans la presse :

> Libération du Samedi 14 décembre :
Alliot-Marie s’attaque aux «syndicalistes» de l’armée,
> L’Est Républicain du Lundi 16 décembre : L’armée hors la loi ?
> Le Canard enchaîné du Mercredi 15 janvier : Les généraux cassent du syndicaliste.

Lire également :
Mais POURQUOI avoir peur de l’ADEFDROMIL ?
Mais QUI donc a peur de l’ADEFDROMIL ?
L’interview de Michel BAVOIL par Nicolas MAURICE, rédacteur à L’Idéaliste
Le Préfet MARLAND, directeur du cabinet civil et militaire du Ministre de la Défense, signe une note interdisant aux militaires d’adhérer à l’ADEFDROMIL sous peine de sanctions.
Note du Préfet MARLAND
Communiqué de l’ADEFDROMIL

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