A moi, la Légion

L’Adefdromil, toujours bien informée, publie le message que le général Bouquin, commandant la Légion étrangère a adressé aux officiers généraux et anciens de la Légion qui vivent mal les interventions de notre association et notamment celle ayant fait suite à l’incendie dans la région de Marseille fin juillet.

Nous profitons de cette occasion pour saluer le général Bouquin auquel nous présentons nos vœux de réussite dans la tâche difficile qui est désormais la sienne.

Qu’il sache et soit assuré que notre association, contrairement aux explications simplistes de certains, n’est pas animée par un esprit « anti-légion ».

Le respect envers les morts et les gloires de la légion qui est le nôtre, ne doit pas occulter l’impérieuse nécessité d’adapter le corps aux enjeux de l’Europe du 21ème siècle et de ses valeurs.

C’est la raison pour laquelle, nous avons estimé souhaitable de faire paraître nos commentaires à la suite du communiqué du général Bouquin.

 » Messieurs les officiers généraux,
chers anciens,
 
ce que j’ai pu lire sur différents blogs internet traitant de questions de défense m’a convaincu qu’une information était nécessaire à destination de nos anciens: certains d’entre eux comprennent en effet mal les enjeux de l’affaire et ils n’ont pas tous réagi avec le recul nécessaire.
 
Je me permets de respectueusement demander à ceux d’entre vous qui ont du poids et de l’influence auprès d’eux de m’aider à diffuser les quelques éléments de langage figurant en pièce jointe; ils ont été établis en liaison avec le général Pichot de Champfleury.

Je vous remercie d’avance pour votre aide.
 
J’ai sans doute « oublié » un grand nombre d’entre vous, mais je fais confiance à la qualité de vos réseaux respectifs…
 
Avec mes sentiments légionnaires les plus fidèles et les plus respectueux.
 
Général BOUQUIN « 

Pour que nos anciens et nos amis comprennent mieux…

A la lecture de vos messages, de vos commentaires sur les blogs internet ou de vos courriers, je constate que l’incendie de Marseille suscite de très nombreuses réactions de votre part, les unes d’indignation, d’autres d’incompréhension. C’est pourquoi j’ai souhaité pouvoir vous informer de manière très directe et très franche, et vous donner mon sentiment sur divers points.

Sur les faits en eux-mêmes, il y a malheureusement très peu à dire : il s’agit d’une connerie assez élémentaire, mais aux conséquences d’une extrême gravité, due pour l’essentiel au non respect d’une consigne.

La question des responsabilités – et donc des sanctions disciplinaires et suites judiciaires afférentes – est également relativement simple. L’enquête de commandement ordonnée par le CEMAT concorde parfaitement avec les premiers éléments exposés par le procureur de la République : la faute est individuelle et la responsabilité présumée est strictement personnelle. C’est en l’occurrence celle de l’adjudant Fontaine, directeur de tir, qui a choisi de tirer des munitions traçantes en dépit de l’interdiction d’emploi de ce type de cartouches, mesure qu’il connaissait.

Je tiens à préciser que, de mon point de vue, ces premières conclusions sont justes et qu’elles restent, tant sur le volet militaire que sur le volet judiciaire, mesurées. J’ai pu lire ici ou là que des responsabilités de niveau supérieur devaient nécessairement être impliquées. Peut-être des négligences seront-elles identifiées… Mais le niveau où la désobéissance a été commise est bien celui de l’adjudant Fontaine. Et notre code du légionnaire, comme nos traditions de discipline, exigent que ce soit effectivement ce niveau-là qui porte la responsabilité et qui soit sanctionné.

Je souhaite également rappeler que c’est pour nos meilleurs sous-officiers un honneur que d’exercer des responsabilités et des attributions relevant de postes d’officiers comme les charges de chef de section, de directeur de tir, de directeur de mise en œuvre ou de chef de site de franchissement ; il doit, en retour, être aussi de leur honneur d’assumer la responsabilité des incidents qui se produisent dans l’exercice de ces fonctions.

L’adjudant Fontaine l’a parfaitement compris : il assume avec courage et dignité sa responsabilité, sans chercher à fuir celle-ci et sans chercher non plus à en rejeter une part sur sa hiérarchie. Il mérite bien sûr une sanction : elle lui sera appliquée sans faiblesse. Mais il mérite aussi de conserver notre estime et notre camaraderie : son attitude dans l’épreuve et face à l’ampleur médiatique de sa faute est restée correcte ; la nôtre restera correcte vis-à-vis de lui et nous lui apporterons le soutien auquel il a droit en tant que frère d’arme. Son passé de soldat, sa générosité, son charisme et ses états de service le justifient pleinement.

Le retentissement médiatique de cette affaire en a surpris plus d’un. Je vous avoue que je reste moi aussi abasourdi devant la rapidité avec laquelle cet incident pour grave qu’il soit a pris une ampleur nationale. Je reste également très triste de voir le déchaînement verbal qu’il a suscité : l’outrance des propos tenus par certaines autorités locales m’a blessé, même si je comprends parfaitement que certaines d’entre elles, voyant l’agglomération menacée par les flammes, aient pu réagir avec vigueur. Certains vocables employés pour caractériser les faits, les hommes et les institutions n’avaient en tout état de cause pas lieu d’être.

La passion semble être heureusement retombée : nous avons reçu de nombreux messages d’encouragement qui nous ont aidés à faire face avec toute la dignité voulue.

Il demeure au moins une leçon à retenir : nos fautes les plus minimes peuvent désormais avoir des conséquences très lourdes sur le plan médiatique ; elles sont ainsi susceptibles d’exposer l’institution toute entière ; cela doit nous conduire à exercer une vigilance accrue et à un impérieux devoir de contrôle.

Le comportement de l’ADEFDROMIL est venu ajouter une certaine entropie à l’affaire. Sans surprise. Certains d’entre vous semblent étonnés que nous n’ayons pas réagi avec davantage de vigueur aux allégations tenues par cette association. Deux raisons motivent notre silence : l’ADEFDROMIL n’est pas reconnue en tant qu’interlocuteur par le ministère, et il n’y a donc pas lieu d’engager le fer avec elle ; l’expérience montre par ailleurs que l’ADEFDROMIL se nourrit médiatiquement de nos réactions, ce qui a pour effet de faire durer les polémiques quand l’apaisement serait préférable. Aussi frustrante que puisse paraître notre passivité sur le terrain de la communication, elle constituait la seule attitude efficace à adopter.

Il me reste une inquiétude majeure : l’accumulation d’incidents graves dans lesquels la Légion est impliquée depuis près d’un an est de nature à fragiliser l’institution. Vous connaissez aussi bien que moi les affaires auxquelles je fais référence. Nous pouvons préférer croire à une suite malencontreuse de défaillances individuelles. Mais d’autres seront tentés d’y voir une faillite collective et de nous demander des comptes. Notre capital de confiance en est durablement altéré.

Nous devons reconquérir cette confiance, celle de nos chefs tout particulièrement. Il serait illusoire de croire que cela se fera rapidement et sans remise en cause. Il nous faudra patiemment regagner notre crédibilité. Il nous faudra prouver que nous sommes capables de nous poser des questions et d’y apporter des réponses. Il nous faudra corriger ce qui doit l’être sans complaisance. Il nous faudra démontrer que nous restons une force combattante fiable sur laquelle notre pays sait pouvoir compter en opérations.

C’est à cet exercice de « rédemption collective » auquel je crois devoir vous inviter. Vous, nos anciens, à votre manière, êtes en mesure de porter témoignage de la force et de la solidité de la Légion étrangère qui a su traverser d’autres épreuves au cours de son histoire. C’est en affichant votre tranquille assurance et votre courage face à l’adversité que vous apporterez votre pierre à l’édifice. L’heure des propos amers qui ont pu être les vôtres est maintenant passée, pour légitime que soit cette amertume ; c’est un discours positif, volontariste, tourné vers l’avenir et vers la reconstruction, qui sera de nature à m’aider dans le vaste chantier de reconquête des cœurs qui nous attend ensemble.

Commentaires de l’Adefdromil.

 

« Le comportement de l’Adefdromil ».

 

Qu’il nous soit permis de préciser au général Bouquin que, contrairement à un individu, l’Adefdromil n’a pas de « comportement ». Mais en tant qu’association régulièrement déclarée possédant à ce titre la personnalité morale, elle a un objet social, consultable sur notre site. Elle a, par ailleurs, une ligne « stratégique » visant à faire valoir son point de vue et à atteindre ses objectifs.

L’un d’entre eux est le respect des droits individuels et des droits de l’homme au sein de l’armée. Il passe par la reconnaissance du droit d’association à titre professionnel, y compris à la légion étrangère. Comment mieux apprendre la démocratie à des étrangers venus servir la France que de leur faire élire des représentants auprès de leurs chefs ?

Il est exact que l’actuel ministre de la défense ne veut pas nous reconnaître comme interlocuteur valable. Jusqu’à quand ? Ceci reste à déterminer, d’autant plus que son prédécesseur plus expérimenté en politique, avait compris tout l’intérêt de notre action et n’hésitait pas à nous écrire à l’occasion.

Cette attitude (et non ce comportement) nous pousse à faire appel aux médias pour dénoncer les violations des droits humains qui nous sont rapportées.

Il est pertinent de ne pas avoir tenté de  polémiquer. Ainsi, la tentative d’explication du général Pichot de Champfleury sur le blog Secret Défense de Libération en février 2009, s’était révélée pour le moins contreproductive. S’agissant du gradé en cause dans l’incendie, nous allons communiquer tous les éléments en notre possession le concernant à la fois au ministre de la défense et à la juge d’instruction chargée de l’affaire. Le conseil d’enquête et le tribunal apprécieront. Ce sont les règles qui s’appliquent dans un état de droit et la légion y est soumise.

Enfin une vision juste de la situation.

Nous saluons la clairvoyance du général Bouquin sur « l’accumulation d’incidents graves… depuis près d’un an ». Toutefois, selon nous, ces violations caractérisées des droits de la personne remontent à un peu plus de deux ans. La plupart d’entre elles est survenue -c’est sans doute un malheureux hasard- sous le commandement du général Pichot de Champfleury. A cet égard, sa proximité actuelle avec Aubagne nous semble constituer plutôt un handicap qu’une garantie de la réussite de l’entreprise de rénovation annoncée.

D’autant plus que nous allons devoir, à nouveau et à regret, médiatiser certaines de ces violations qui ne sont pas toutes connues des autorités et du public et qui ont eu lieu sous son commandement.

Quelques suggestions.

1 – Adapter la formation et le style de commandement à la population des engagés.

La quasi totalité des légionnaires que nous recevons à l’Adefdromil, ne se sont pas engagés pour l’aventure, le baroud, mais pour s’installer en France avec un titre de séjour, à l’issue de leur temps de service. Ce sont des réfugiés économiques, le plus souvent d’un excellent niveau d’instruction, notamment pour tous ceux qui sont originaires des pays de l’est de l’Europe. De nombreux incidents trouvent leur origine dans l’entêtement à vouloir faire entrer dans un moule archaïque, des hommes qui n’y sont plus préparés et dont les modes de vie et de pensée ne sont plus ceux du 20ème siècle.

2 – Mettre en valeur le respect de la personne et de ses droits.

Il s’agit de mettre fin à la culture de la « légion, notre patrie », qui sous-entend qu’on peut régler des différends graves en dehors des lois de la République, en faisant abstraction des normes en vigueur dans le reste de la société européenne. Les droits de l’homme font partie des valeurs éternelles de la France et de l’Europe, dont sont issus de très nombreux légionnaires. Bafouer les droits individuels, ou faire pression pour que des légionnaires atteints dans leur intégrité physique ne portent pas plainte ou les pousser à la désertion parce qu’ils l’ont fait, conduit forcément les victimes à parler. Et l’apparente quiétude obtenue temporairement par les tentatives d’étouffement des affaires se retourne in fine contre l’institution lorsque les faits et leur traitement par la légion sont connus.

3 – Ouvrir la légion sur le reste de l’armée et de la société française.

Une des causes du malaise légionnaire réside dans l’autarcie de la légion, qui se transforme facilement en fièvre obsidionale. Pour ouvrir la légion sur le reste de  l’armée, il faut permettre aux sous-officiers ayant la nationalité française d’être détachés dans d’autres corps de l’armée. Il faut former en grande partie les sous-officiers dans le moule national de l’école nationale des sous-officiers d’active (ENSOA) de Saint-Maixent en adaptant la formation dispensée aux candidats, dont le français n’est pas la langue maternelle.

4 – Mettre fin aux engagements sous identité imposée.

Les engagements sous identité imposée sont la source de nombreux problèmes. Il faut y mettre fin, sauf pour les cas avérés où la protection de l’identité de l’engagé est nécessaire, comme dans le cas des réfugiés politiques. Pour assurer la sécurité de la légion, il suffit d’introduire des clauses dans le contrat d’engagement spécifiant que l’identité figurant sur les documents officiels de l’engagé ne deviendra définitivement celle du légionnaire qu’après vérification et que la sanction d’une fausse déclaration sera la résiliation du contrat, nonobstant les mesures judiciaires ou administratives susceptibles d’être prises.

5 – Etre impitoyable envers les auteurs de violences ou d’atteintes à l’intégrité physique des légionnaires.

Seule l’exemplarité des sanctions peut exprimer la volonté du commandement de mettre fin aux violences illégitimes exercées par des supérieurs sur des subordonnés. C’est à ce prix que l’action de rénovation annoncée sera crédible.

Lire également 

Le sous-officier supérieur de la Légion étrangère, présenté comme responsable de l’incendie de 1300 hectares de garrigue autour de MARSEILLE est connu de l’ADEFDROMIL pour violences répétées contre des subordonnés.

Incendie de Marseille: faute du sous officier  

 

Cette publication a un commentaire

  1. mustel

    J’ai entrevu il y a quelques jours et à une heure tardive (sur la « 6 » il me semble) un reportage sur un stage commando de la Légion à la fin duquel les instructeurs « poinçonnaient » la poitrine du soldat avec le brevet sanctionnant le stage, ledit brevet comportant au dos des pointes pour « pin’s » de type américain (clips otés naturellement). Et à propos des Américains, un reportage sur les brimades à la mode dans l’US Army est passé il y a environ deux ans dans lequel on dénonçait, entre autres stupidités, une remise de brevet (para) identique mais faite de nuit dans les chambrées par des petits gradés du type « abrutis de base ».
    Dans le reportage sur la légion le journaliste précisait qu’il s’agissait d’une tradition « Légion ». Sachant que :
    * l’institution date de 1830, époque à laquelle n’existaient ni les stages « commando » ni les pin’s,
    * l’appartition des « pin’s » dans l’armée française est récente (une douzaine d’années) et que ledit brevet « commando » est sans doute aussi une création récente,
    on peut douter de la réalité de cette « tradition ». On ne peut en revanche douter de la bétise de celui (ceux) qui, manque d’originalité oblige, a cru bon de plagier bêtement les crétins d’outre-Atlantique. La mode étant aux tatouages, pourquoi aussi ne déciderai(en)t-il(s) pas d’un joli dessin cutané « obligatoire » pour sanctionner la réussite. Il y a un peu plus d’un demi-siècle, certains soldats d’une certaine armée se faisaient inscrire leur numéro matricule et leur groupe sanguin sous le bras. Avec le temps on peut peut-être considérer cela comme une tradition ? De plus cela simplifie la tenue des livrets « papier ».
    Ancien major (et ancien para), ayant effectué un certain nombre de stages, commando ou non, je n’ai jamais vu ou entendu parler de ce genre de « tradition » qui, « de mon temps » (pas très lointain) aurait été considéré comme inadmissible par tous, cadres ou soldats. Vous avez dit « régression » ?
    Il me semble que les patrons de l’armée (et de la Légion en particulier) devraient se pencher sur ce genre de détail « qui fait désordre » !!!

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