L’impossible réparation des préjudices de carrière des militaires.(Par Jacques BESSY, président de l’Adefdromil)

Pour faire simple, on peut demander deux choses aux juridictions administratives : soit l’annulation d’un acte réglementaire (décret, arrêté) ou individuel (ordre de mutation, notation, sanction, etc.) faisant grief, soit la réparation d’un préjudice résultant d’une faute de l’administration.

Des militaires, souvent au moment de leur départ de l’institution, insatisfaits de leur sort – à tort ou à raison-, s’essaient régulièrement à demander réparation de préjudices de carrière supposés.

Quelques exemples de jurisprudence de cours administratives d’appel illustrent bien les difficultés immenses à obtenir réparation.

Indemnisation de notations prétendument erronées.

La cour administrative d’appel de Marseille a ainsi débouté par un arrêt n°09MA02271 du 11/10/2011 un gradé de gendarmerie qui demandait 203 051 euros de réparation pour les notations obtenues de 2004 à 2006 et le préjudice de carrière en ayant résulté.

Les juges relèvent les appréciations négatives, dont il a fait l’objet et, dont il n’est pas en mesure de démontrer l’inexactitude matérielle ou qu’elles résultent d’une erreur d’appréciation. Ils écartent également l’argument de la sanction déguisée ou du détournement de pouvoir. Enfin, ils notent que l’intéressé n’établit pas la faute supposée de l’administration dans la gestion de sa carrière. M. J est donc débouté.

Réparation d’un reliquat de congés de fin de campagne non pris.

Le lieutenant-colonel R réclamait, quant à lui, la condamnation de l’Etat à lui verser la somme de 51430 euros au titre de 247 jours de congés de fin de campagne non pris pendant sa période d’activité.

Il a vu sa demande de réparation rejetée par la cour administrative d’appel de Bordeaux dans un arrêt n°12BX02069 du 14/10/2013.

Il est débouté, car, ayant obtenu –sur sa demande- sa démission, il ne démontre pas que l’administration l’aurait empêché de prendre ses congés de fin de campagne. Il demande donc réparation d’un préjudice qu’il a lui-même contribué à créer en quittant le service, alors qu’il lui suffisait de rester en activité jusqu’à épuisement de ses congés.

Erreur de transcription du libellé de l’origine du recrutement.

La cour d’appel de Bordeaux vient de rejeter dans un arrêt n°12BX01677 du 10/03/2014 la demande d’indemnisation d’un montant de 96 693,39 euros (tous préjudices confondus) formée par M. A C, ancien adjudant de l’armée de terre.

Le requérant estimait qu’il avait subi un préjudice de carrière résultant de l’erreur de transcription du libellé de son recrutement. En effet, il était devenu sous-officier par la voie dite « semi-directe », alors que dans son dossier figurait la mention « rang ». Cette erreur lui aurait fait perdre une chance sérieuse d’évolution plus favorable de sa carrière.

La cour ne manque pas de relever des restrictions dans les notations du requérant et surtout note que l’intéressé n’établit pas « de lien direct entre l’erreur commise et la perte de chance alléguée de voir sa carrière évoluer plus favorablement ».

Il est donc débouté.

Conclusion.

L’administration reste certes responsable de ses fautes et doit indemniser les préjudices qui en résultent. Mais, outre le problème de la matérialité du préjudice et de son chiffrage, le requérant doit démontrer la faute de l’administration et le lien de causalité directe existant entre la faute supposée et les préjudices allégués. C’est dire que la tache est difficile.

Pour les militaires, il ne faut pas omettre non plus la procédure particulière du recours administratif préalable obligatoire (RAPO) devant la commission des recours des militaires (CRM).

Il faut ainsi lier le contentieux en présentant  une demande initiale au ministre, puis soumettre le refus généralement opposé à la CRM, pour enfin saisir le juge administratif plus de six mois plus tard.

L’omission de saisine de la CRM conduit inexorablement au rejet de la requête. Ainsi, la demande d’indemnisation d’un capitaine de l’armée de terre qui avait été dans l’impossibilité de se présenter à un concours interne, faute d’avoir obtenu, dans les délais, une habilitation au secret-défense a été rejetée par la cour administrative d’appel de Paris (arrêt n° 11PA04243 du 21/05/2013) .

 

Comme toujours, il est hautement souhaitable de prendre l’avis d’un conseil extérieur.

 

 

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