Harcèlement sexuel dans la gendarmerie : que faire ?

L’Adefdromil a vocation à être aussi une force de proposition.

Nous tentons de tirer des enseignements des cas de harcèlements sexuels qui nous ont été rapportés ou qui ont été rendus publics ces dernières années.

Et nous suggérons des mesures à prendre.

Quels enseignements en tirer ?

Les victimes.

Ce sont le plus souvent des jeunes femmes en situation de précarité statutaire.

Les GAV servent sous contrat et beaucoup d’entre elles, espèrent réussir le concours « sous-officier ».

Quant aux gendarmes mono-galons, elles doivent impérativement être admises dans le corps des sous-officiers de carrière, faute de quoi, elles perdent leur emploi.

Toutes peuvent donc être prédisposées, notamment en raison de la précarité de leur statut, à subir des abus d’autorité.

Les dégâts psychologiques subis sont toujours graves.

Certaines ne parviennent pas à s’en remettre et doivent quitter l’institution. D’autres surmontent momentanément le traumatisme, mais, à terme leur manière de servir s’en ressent, car elles n’ont plus confiance dans la hiérarchie et dans le système qui s’est avéré peu protecteur.

Il y a manifestement nombre de dépressions de jeunes femmes militaires provoquées par ces agissements. Mais, personne ne veut livrer les statistiques sur les congés de longue durée pour maladie, position statutaire prévue pour les arrêts de maladie dépassant une durée de 180 jours et résultant de troubles psychiques.

Le président du HCECM (Haut Comité d’Evaluation de la Condition Militaire) a même déclaré le 14 janvier dernier devant la commission de la défense nationale qu’il n’a jamais entendu parler de harcèlement « spécifique à la fonction  militaire ».

Les auteurs.

Ce sont le plus souvent des gradés, mariés à des militaires de la gendarmerie, et qui exercent une autorité sur les GAV ou les gendarmes sous contrat.

Dotés d’un caractère marqué, ils bénéficient souvent de la bienveillance de leur autorité supérieure voire d’une protection tacite.

Ils développent progressivement un sentiment de puissance conforté par l’absence de contrôle jusqu’à perdre leurs références déontologiques et leur simple moralité. Les victimes deviennent, dans leur esprit, des proies et ne sont plus perçues comme des militaires moins gradées et expérimentées, à conseiller et à former, mais comme des personnes à soumettre, y compris sur le plan sexuel, quelles que soient les blessures intimes susceptibles de leur être infligées.

Certes, lorsque les affaires sortent, les sanctions sont lourdes.

Mais elles ne sont sans doute pas à la hauteur des dégâts psychologiques causés, bien souvent irréparables.

Ainsi, en 2011, un officier condamné pénalement pour harcèlement à l’encontre de deux GAV féminins n’a pas été renvoyé devant un Conseil d’enquête en vue de son éviction de l’institution, mais a été simplement muté.

Dans nombre d’affaires, les faits sont minimisés par la hiérarchie locale, qui ne souhaite pas voir sa responsabilité mise en question. Alors, on punit, on mute et on ferme le dossier en attendant l’affaire suivante. Tout cela est indigne de la Gendarmerie, des armées et du pays auto proclamé des droits de l’homme.

Quelles mesures prendre ?

Sur le plan individuel

Quelle confiance peut-on accorder à un enquêteur, auteur de harcèlement sexuel ? On imagine la victime d’un viol rencontrer un ex-harceleur sexuel lors de son dépôt de plainte…Le  mépris pour la personne humaine et pour la femme en général nous semblent incompatibles avec la déontologie affichée des gendarmes ou des policiers, et avec leur mission au service de leurs concitoyens et des victimes.

La commission d’actes de harcèlement devrait donc conduire systématiquement leurs auteurs devant un Conseil d’enquête.

Sur le plan législatif, réglementaire et préventif.

1° Il faut mettre fin à l’isolement statutaire des militaires sur le plan du harcèlement. Il suffit d’insérer les dispositions du Code du travail et de la Loi de 1983 concernant la fonction publique dans le Code de la défense. Pour les gendarmes, la disparité de traitement est d’autant plus choquante depuis leur intégration sous statut militaire au ministère de l’intérieur. Ils ont même désormais un code de déontologie commun avec les policiers, mais ils ne bénéficient pas de la même protection dans leur travail quotidien.

2° L’affichage de l’interdiction du harcèlement doit conduire la hiérarchie des différentes armées et services à engager des campagnes de prévention. Dans toutes les écoles de formation et de perfectionnement, le thème devrait être abordé, afin que les femmes n’hésitent pas à en parler librement et que les conduites déviantes soient alors détectées et puissent être sanctionnées sévèrement.

3° Une charte des relations « hommes-femmes » au sein des armées devrait être préparée et publiée. Le bilan social annuel du ministère de la défense devrait rendre compte des problèmes rencontrés, y compris dans la Gendarmerie, en attendant qu’il y ait un jour un bilan social pour la police et la gendarmerie ?

4° Chaque armée devrait créer une structure d’urgence nationale totalement indépendante de la hiérarchie, voire du ministère de la défense, afin que les militaires puissent lancer des alertes -sous leur responsabilité- sans avoir à passer par leur hiérarchie locale et être protégés contre les harceleurs.

5° Les structures d’écoute, d’aide et de soins en matière de harcèlement et de souffrance  au travail devraient être totalement indépendantes de la hiérarchie, pour lever l’inhibition des militaires, qui hésitent à se confier aux structures internes : médecins militaires, psychologues, assistantes sociales, qui fonctionnent toutes en étroite liaison avec la hiérarchie.

6° L’impartialité des enquêtes menées par des unités de recherches régionales et par l’inspection générale n’est nullement assurée. L’argument sera forcément soulevé un jour ou l’autre devant la CEDH. L’intérêt de l’institution, comme celui des parquets travaillant au quotidien avec la gendarmerie est de minimiser les actes, de faire « la part du feu » en se limitant aux responsabilités directes et rarement en recherchant les failles du management, le défaut de contrôle hiérarchique, voire la complaisance de certains chefs avec les auteurs. Les enquêtes judiciaires devraient donc  être diligentées par la police nationale. Réciproquement, l’inspection générale de la gendarmerie devrait être saisie pour enquêter sur les dysfonctionnements dans la police nationale.

7° La gendarmerie étant encore militaire à ce jour, c’est le Contrôle général des armées qui devrait diligenter les enquêtes administratives ou du moins y être étroitement associé. Au passage, on peut remarquer qu’aucun texte législatif ou réglementaire ne fixe des règles pour ces enquêtes. L’absence de cadre juridique précis peut être une source d’abus de pouvoir et de violation des droits de la défense ou de la présomption d’innocence.

25/01/2014

 

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