En France, les femmes militaires ne sont ni discriminées, ni harcelées ! ( par Jacques BESSY, président de l’Adefdromil)

Le rapport du HCECM 2013 (Haut comité d’évaluation de la condition militaire) : « Les femmes dans les forces armées françaises. De l’égalité juridique à l’égalité professionnelle » contient beaucoup d’informations statistiques sur les flux de personnels féminins, leur situation de famille comparée à celle des autres femmes dans la société françaises, voire dans la fonction publique.

In fine de ce rapport, dont les sources précises restent floues, on trouve même un glossaire. La lettre H renvoie au seul HCECM. En revanche, le terme « Harcèlement » n’y figure pas.

Il en est de même dans le programme du colloque « Femmes militaires », organisé par les Ecoles de Saint-Cyr Coëtquidan, qui a eu lieu aux Invalides, les 12 et 13 novembre derniers, et auquel les dirigeants de l’Adefdromil n’ont pu assister. A aucun moment les problèmes de genre n’ont été abordés.

Faut-il en conclure que cette problématique n’existe pas dans les armées françaises et la gendarmerie ?

On se doute bien que non.

Alors, comment sérieusement parler de la féminisation des armées et de la gendarmerie en omettant de parler des problèmes de genre. Décidément, on aime la langue de bois assénée sous couvert d’un « centre de recherches ». Il ne suffit pas de faire paraître et parler de jeunes officières à l’uniforme impeccable, au chignon bien tiré, et des femmes universitaires, sociologues, hauts fonctionnaires, pour prétendre traiter de la féminisation. Il ne suffit pas non plus de parler de flux, de pourcentages, de comparaisons chiffrées, déconnectées du vécu de la vie en unité, pour convaincre.

Au lieu de parler vrai, de réfléchir sur les problèmes de cohabitation inévitables entre une minorité de 15% de femmes et une majorité de 85% de mâles, on discute non pas du sexe des anges, mais on communique sur l’image des femmes militaires.

Ainsi, selon le Blog « Le mamouth », Françoise Gaudin, haut-fonctionnaire à l’égalité des droits au sein du ministère, estime que les femmes restent « sous-exposées dans la volumineuse littérature maison produite par le ministère de la défense » au point qu’elle en serait à « compter très scrupuleusement le nombre de photos consacrées aux femmes, qui ne font pas souvent la une des publications en question ».

Il y a sans doute des femmes militaires épanouies, heureuses, qui surfent sur leur succès professionnel et leur réussite familiale. Tant mieux !

La réalité que connaît l’Adefdromil et que personne ne veut voir dans la haute hiérarchie et au ministère est tout autre. C’est probablement la raison pour laquelle nous n’avons pas été reçus par le HCECM, et que nous n’avons pas non plus été invités à parler au colloque de Saint-Cyr.

Il nous reste donc la liberté d’informer en toute transparence.

Une image dégradée de la femme militaire.

C’est un sergent féminin en consultation à l’Adefdromil qui nous a expliqué que pour les militaires du rang qu’elle commandait, les femmes sous l’uniforme sont soit « des salopes, soit des gouines » ! Elle parvenait tout de même à asseoir son autorité parce qu’elle courait plus vite que la quasi-totalité des militaires sous ses ordres.

Que fait-on concrètement pour faire cesser de tels clichés sexistes ? Y a-t-il une charte des relations hommes-femmes dans les armées ? Il y a bien des « officiers mixité » qui sont chargés de traiter ces problèmes. Mais de l’avis de toutes celles que nous avons rencontrées, ça ne marche pas.

La femme, enjeu sexuel.

La nature humaine étant prompte au déduit, il est inévitable que la présence de militaires féminins attise la convoitise des mâles.

Parmi les nombreuses offres de séduction reçues par les militaires féminins, il y en a forcément un certain nombre qui ne sont pas agréées. Ce sont celles-là qui nous intéressent, car elles débouchent fréquemment sur des situations de harcèlement.

Permis de conduire.

« Je ne m’entends pas très bien avec ma femme, tu ne voudrais pas devenir ma maîtresse ? » C’est la proposition, pour le moins directe, que reçoit Marie lors de son examen du permis de conduire. Celui qui la formule est son chef, un adjudant. Refus poli de Marie qui a un copain. C’est ensuite la descente progressive aux enfers : surveillance tatillonne, remarques injustifiées dans le travail, retard dans l’avancement, etc. Elle rend compte, mais ses officiers ignorent son alerte. Alors, Marie tombe malade et est arrêtée quatre mois. Puis, elle vient voir l’Adefdromil qui débloque la situation en écrivant au ministre, Mme Alliot-Marie.

Marie a été mutée dans une autre unité et a pu poursuivre sa carrière jusqu’au terme de son contrat.

Le symptôme Lara Croft.

Pourquoi ce se sont souvent les filles minces élancées, à l’allure sportive qui ont des problèmes ? C’est en ces termes que nous avons reçu une officière choquée par son rapatriement sans ménagement par « vol bleu », avec deux autres militaires féminins au même « profil », d’un théâtre d’opération extérieure.

Elle a nommé cette occurrence : « le symptôme Lara Croft » du nom d’une héroïne bien connue de jeu vidéo.

Sans doute, n’avait-elle pas ressenti suffisamment l’intérêt que lui portait un de ses chefs ?

Dans la gendarmerie, plusieurs militaires masculins ont été pénalement condamnés ((Femmes gendarmes : quatre récits de harcèlement ordinaire)) pour agressions sexuelles ces dernières années, y compris un officier qui a simplement été muté, sans que son avenir professionnel dans l’institution ne soit menacé, à notre connaissance ((Les histoires de Sophie Telle dans la Gendarmerie))

Plus récemment, c’est un officier féminin qui a accusé son chef de corps, un colonel, de harcèlement et d’un viol. L’intéressé serait mis en examen.

Elle avait bien alerté la hiérarchie. Mais, rien n’avait été fait.

Il est symptomatique que les mâles dominants de la haute hiérarchie militaire ignorent délibérément la plupart du temps de traiter les problèmes qui leur sont rapportés sur ce plan.

On minimise. On considère que le harceleur est un mauvais séducteur, qu’il s’y est mal pris.

Cette absence de réactivité accentue le mal-être des personnels féminins concernés. Elles se retrouvent seules face à un prédateur qui est aussi leur chef.  La situation débouche le plus souvent sur des dépressions conduisant fréquemment à une sortie de l’armée.

La femme souffre douleur.

Dans les armées et la gendarmerie, on n’aime ni les grosses, ni les lesbiennes, ni les maghrébines, ni les mères de famille célibataires, ni les femmes enceintes. Et on doit en oublier quelques unes ((Harcèlement et acharnement ordinaires dans la gendarmerie ))

Ah oui, on n’aime pas non plus celles qui ont plus de diplômes que les mâles et qui ont la maladresse de leur faire sentir. Bref, on pourrait presque dire qu’on n’aime pas les femmes ou alors du bout des lèvres !

Pour chacune de ces « catégories », l’Adefdromil a une ou plusieurs histoires à raconter. Nous les réservons pour un ouvrage futur, dont nous pouvons être sûrs qu’il ne recevra pas le prix Vauban.

Quelques fois, c’est même une simple jalousie (apparence physique, profession du conjoint, cylindrée ou marque du véhicule, etc.) qui est l’origine d’un harcèlement moral.

Manifestement, beaucoup d’officiers, de cadres, ignorent le simple respect dû à une femme, les règles élémentaires de non discrimination, de non immixtion dans la vie privée de chacun. La bise matinale imposée aux personnels féminins, notamment dans la gendarmerie, génère une fausse promiscuité malsaine, qui est souvent à l’origine de malentendus et de mésentente.

Conclusion.

Ce n’est pas sur l’image de la femme dans les armées qu’il faut travailler Mme Gaudin. Le problème est plus profond !

Il suffit  pour s’en convaincre de lire les quelques témoignages parus ces dernières années de femmes officiers dans la Marine ou à Saint-Cyr pour comprendre l’ampleur du changement de mentalité à réaliser.

Ce n’est pas en camouflant un problème qu’on le résout. On a tellement peur de ternir l’image des armées et de réduire les candidatures au recrutement qu’on préfère se taire. Ainsi, le ministère de la Défense refuse de communiquer les statistiques sur le harcèlement moral ou sexuel, sur les agressions sexuelles, sur les congés de longue durée pour maladie accordés à la suite de dépressions

De même, le code de la défense n’interdit nullement, ni le harcèlement moral, ni le harcèlement sexuel, contrairement au droit du travail et contrairement au statut général de la fonction publique ((Harcèlement: lutte et prévention))

Au nom de quel principe, justifie-t-on cette discrimination honteuse ?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Cette publication a un commentaire

  1. FECK1792

    Vous faites erreur. La question du harcèlement a été abordée lors du colloque de Saint-Cyr. Le blog « Le mamout »h renvoie au rapport du Contrôle général des armées dans lequel cette question n’est pas éludée.

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