Le suicide d’un gradé de gendarmerie reconnu imputable au service ( Par Jacques BESSY, président de l’Adefdromil)

On se souvient du cas du lieutenant Boissard, qui s’était suicidé le 7 décembre 2007 dans les locaux de son unité à 15H15 après avoir été convoqué devant une sorte de tribunal présidé par le général, commandant la région, assisté de deux colonels, un lieutenant-colonel et un capitaine .

Dans un arrêt du 11 juin 2013, la cour régionale des pensions a reconnu que ce suicide était imputable au service. Cette décision a confirmé le jugement du tribunal des pensions et a ainsi accordé définitivement une pension militaire d’invalidité à sa veuve, puisque l’Etat ne s’est pas pourvu en cassation devant le Conseil d’Etat.

Cette jurisprudence  vient d’être appliquée par l’administration à un autre cas comparable qui lui était soumis, sans qu’il soit besoin pour d’aller au contentieux.

En octobre 2011, l’adjudant-chef M s’est donné la mort par arme à feu dans son bureau, après avoir été admonesté par deux officiers : le commandant de compagnie et son adjoint.

On lui reprochait de n’avoir pas obtenu suffisamment rapidement un rapport d’expertise dans le cadre d’une affaire criminelle, dont l’auteur présumé venait de se suicider, mettant fin ainsi à l’action publique.

Un compte-rendu écrit lui avait été demandé. Après l’entretien, l’adjudant-chef M avait déclaré à un camarade : « je viens de me prendre un tir ». Il s’était ensuite rendu dans son bureau pour se suicider.

Côté vie privée, rien ne laissait présager le geste de ce gradé bien noté, sérieux, apprécié de ses camarades.

En revanche, côté professionnel, beaucoup d’éléments défavorables sont apparus : un gradé seul chargé d’une enquête délicate, un commandant de compagnie distant, réservé, peu communicatif, manifestement orienté vers les statistiques et les résultats au détriment des hommes.

La Gendarmerie n’avait aucun intérêt après le tumulte de l’affaire Boissard à affronter un nouveau déballage peu à l’honneur de l’un de ses cadres.

C’est dans ces conditions que la veuve de l’adjudant-chef M, aidée par l’Adefdromil, a demandé et obtenu son titre de pension.

Cette affaire renvoie au suicide récent d’un jeune officier célibataire de 30 ans à Saint Amand Montrond.

Si les éléments de l’enquête démontrent que c’est effectivement la pression de ses chefs qui est à l’origine de son suicide comme l’indique plusieurs médias, on peut penser que l’imputabilité du suicide au service pourrait être également reconnue.

Il reste que la mort d’un militaire provoquée par la pression psychologique de sa hiérarchie est insupportable, et que la sauvegarde de la vie d’un homme doit toujours prendre le pas sur l’exigence du perfectionnisme cher à la gendarmerie. Est-ce à l’école des officiers de Melun qu’on apprend à humilier, voire à terroriser un subordonné en le convoquant et en se mettant à plusieurs pour l’admonester ? En tous cas, les mêmes méthodes produisent les mêmes effets !

Le nouveau DGGN, le général Denis Favier, a bien publié une feuille de route dans laquelle il prévoit de valoriser l’homme et ses compétences (axe n°3).

Mais, il n’y a rien sur la prévention des risques psycho-sociaux et en particulier du suicide dans la feuille de route de l’ancien commandant du GIGN.

On avait pourtant lu quelque part que la Gendarmerie « voulait mettre l’homme au cœur de ses préoccupations »…

Il n’est donc pas trop tard pour revoir la copie et surtout prendre des mesures concrètes et si possible efficaces pour prévenir le suicide.

09/11/2013

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