Contrôleurs ou Manageurs ? (Par Jacques BESSY, Président de l’ADEFDROMIL)

Nous avons déjà eu l’occasion de gloser sur le corps du Contrôle général, qui a pris le pouvoir au sein du ministère de la défense et qui place ses hommes dans des postes clés de l’administration du ministère. Le scandale « Louvois » est venu illustrer la pertinence de notre analyse . Cela n’empêche pas cependant le long fleuve tranquille des nominations et affectations de la haute fonction publique civile et militaire de continuer de couler.

Ainsi, le corps du Contrôle vient de réaliser un « beau coup » avec la nomination du Contrôleur général des armées, Eric LUCAS, comme secrétaire général du ministère de la Justice. On ne sait si cette nomination vise à mettre les magistrats au pas, dans la gestion des juridictions et des frais de justice ou bien si, l’affectation d’un militaire –a priori résilient- est la seule à garantir un minimum de longévité dans le poste. Car, selon Le Canard enchaîné (Edition du 9 octobre 2013) Christiane Taubira, garde des sceaux, a déjà épuisé une demi-douzaine de collaborateurs en 16 mois d’exercice. Le Canard s’interroge sur les causes de l’exode : « charge de travail, atmosphère tendue ou le délicieux caractère de la patronne »… ?

Autre exemple de cet entrisme du Contrôle général, c’est l’affectation plus discrète, mais pas moins curieuse d’un Contrôleur des armées à l’ONACVG, l’Office National des Anciens Combattants et Victimes de Guerre.

L’heureux détaché est un jeune contrôleur des armées, nommé en 2009, saint-cyrien, ancien officier de cavalerie : Frédéric Charlet. On l’aurait bien affecté sur un poste fonctionnel, mais il semble que la réglementation ne le permettait pas. Finalement, il vient de recevoir le titre de « Conseiller auprès de la Directrice générale en charge de la réforme et de la mise en oeuvre du contrat d’objectifs et de performances (COP) ».

Sa qualification dans le domaine des anciens combattants résulte probablement de sa participation à un audit de la maison, opéré en 2012. Sans attendre, sa nomination officielle, Frédéric Charlet a déjà fait parler de lui en demandant par courriel, fin septembre, aux responsables des différentes directions de l’ONACVG d’établir la liste de leurs collaborateurs : agent par agent et incluant notamment « leur manière de servir et la fréquence de leurs absences », points pouvant être évoqués par oral.

Cette délicatesse n’a pas manqué d’émouvoir un certain nombre d’agents. C’est bien connu, la confiance n’exclut pas le contrôle CQFD !

Conclusion : le mélange des genres n’est jamais bon. Et la transformation d’un contrôleur en manageur n’est jamais aisée, surtout lorsque son expérience de manageur se limite à celle d’un officier de cavalerie.

L’actualité récente illustre encore ce mal français du mélange des genres, qui contribue à la dégradation de l’esprit civique, à l’affaiblissement du sens moral, à l’écoeurement des honnêtes citoyens.

Ainsi, le « Canard », pour en revenir à lui, nous apprend, dans la même édition, qu’un contrôleur, magistrat à la Cour des comptes de son état, le sieur Jean-Yves Perrot, devenu patron de l’Ifremer en 2006 (Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer), avait fait équiper ses véhicules de fonction successifs d’un gyrophare et d’avertisseurs sonores (le fameux pin-pon). Facture totale de l’équipement : plus de 9000 euros. Comme nous sommes dans une République exemplaire, la Cour des comptes, dont est issu aussi le Président de la République, va surement exiger le remboursement de cet équipement injustifié sur les deniers personnels du magistrat, qui a réintégré son corps d’origine ?

On a bien fait une révolution autrefois, en 1789, parce que les finances publiques étaient épuisées et parce qu’on en avait assez des privilèges et des passe-droits de ceux qui tenaient alors l’Etat : la noblesse et le clergé. Aujourd’hui, nous en sommes revenus presqu’au même point avec une haute fonction publique grassement payée aux frais du contribuable et pléthorique au point de coloniser les banques, les entreprises publiques et privées, les organisations internationales, etc.

Comment croire dans les valeurs de la République lorsqu’on constate dans la société en général, mais aussi dans les différents corps d’agents de l’Etat, le décalage entre la règle de droit et son application, entre les beaux discours et la réalité vécue.

Les lendemains qui se préparent risquent de réserver de mauvaises surprises.

Continuez de manager, messieurs les contrôleurs ! Et, bon appétit !

14/10/2013

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