En aidant à l’organisation de la manifestation contre le mariage gay, le général d’armée en 2ème section Bruno DARY s’affranchit-il du devoir de réserve ? (Par Renaud Marie de Brassac)

Telle est la question qu’on peut légitimement se poser à la lecture de l’article publié le Jeudi 3 janvier 2013, par le journaliste Jean-Dominique Merchet sur son blog « Secret  défense » et intitulé : « Le général Dary reprend du service pour la manif contre le mariage gay ».

Dans cet article on peut lire notamment: « L’ancien gouverneur  militaire de Paris, le général Bruno Dary conseille le « comité de pilotage » de la manifestation parisienne du 13 janvier contre le mariage homosexuel…. Bruno Dary, qui a quitté ses fonctions l’été dernier, a été sollicité par l’équipe de « La manif pour tous », pour son expérience dans l’organisation des défilés du 14 juillet et sa bonne connaissance des procédures de police ».

Rappelons simplement que  la manifestation du 13 janvier 2013 est dirigée contre le projet de loi n°344 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe présenté au nom du Premier Ministre par la garde des sceaux, ministre de la justice. Cette évolution majeure de notre code civil mettra en œuvre l’engagement 31 pris par le président de la République François Hollande lors de la campagne présidentielle de 2012.

Bien évidemment, il ne nous appartient pas de prendre parti pour ou contre ce projet. Mais, c’est bien parce qu’il s’agit d’une manifestation contre un projet de loi gouvernemental que l’attitude du général DARY pose problème.

Saint-cyrien de la promotion De Linares (1972-1974), le  général d’armée Bruno DARY, ancien gouverneur de la place de Paris a fait ses adieux aux armes dans la cour des Invalides le 16 juillet 2012, c’est-à-dire il y a tout juste 6 mois.

Conformément à l’article  L.4141-3, il a été admis dans la deuxième section des officiers généraux. Il peut être rappelé dans la première section des officiers généraux par le ministre de la défense ou à l’initiative du Président de la République. Il perçoit ainsi  une solde de réserve calculée dans les conditions fixées par le code des pensions civiles et militaires de retraite (art L4141-4 C.def). Enfin, il est important de souligner que le général d’armée Bruno DARY a été reconduit dans ses fonctions de président du conseil d’administration du musée de l’armée par décret du Président de la République du 12 septembre 2011.

Au titre des sujétions, le général d’armée Bruno DARY est soumis à l’obligation de réserve exigée par l’état militaire ainsi qu’à l’obligation de discrétion pour tous les faits ou informations dont il a eu connaissance à l’occasion de l’exercice de ses fonctions.

Certes, les écarts des officiers généraux en deuxième section vis-à-vis de leur devoir de réserve ne sont pas nouveaux. Dans un passé récent, en juillet 2008, le ministre de la défense, Hervé Morin , interrogé sur d’éventuelles sanctions envers un groupe d’officiers anonymement regroupés sous le pseudonyme de Surcouf  et auteurs d’une tribune très critique sur le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale avait répondu : « il y a un principe simple. Les militaires ont le droit d’expression depuis la dernière réforme. Mais il y a un cadre, l’obligation de loyauté et le droit de réserve ».

Quant au Conseil d’Etat, il juge de manière constante que l’obligation de réserve est particulièrement forte pour les titulaires de hautes fonctions en tant qu’ils sont directement concernés par l’exécution de la politique gouvernementale.

Dans le cas d’espèce, force est de constater que le général d’armée Bruno DARY s’est placé dans une position à tout le moins particulièrement inconfortable! Pensait-il que son action auprès d’associations ou « d’un collectif » demeurerait clandestine ? Tel n’est pas le cas malheureusement !

 Interrogé par Jean-Dominique Merchet, il reconnaît « donner un coup de main » et servir de « facilitateur » ; il s’agit d’une « cause noble, celle des enfants et de la préservation du mariage ». Sa contribution, personnelle et bénévole, est technique : « Par exemple, la gestion des flux. 50000 personnes, c’est une heure de défilé. » etc…

Le son de cloche est différent lorsque l’on se reporte à l’article paru sur le site du Figaro.fr. En effet, on peut lire sous la plume de la journaliste Agnès Leclair : [ …le collectif bénéficie d’un soutien de poids en la personne du général Bruno DARY, ancien gouverneur militaire de Paris. Ce technicien de la gestion de l’ordre, organisateur pendant cinq ans du défilé du 14 juillet, travaille notamment à l’harmonisation, à la coordination des flux des trois cortèges et à la formation des jeunes volontaires. « la récupération de la manifestation et sa pollution par de faux manifestants sont les deux principaux risques à éviter », résume le général, qui s’est décidé à rejoindre le collectif « pour défendre les plus faibles, les enfants » et ne pas « déstabiliser la famille ».

Le chef des armées et les membres du gouvernement de la République légalement et démocratiquement élus et nommés sont en droit d’exiger un minimum de loyauté de la part d’un général d’armée rappelable à tout moment.

De plus, soumis à l’obligation de discrétion professionnelle, le général DARY peut-il faire usage de ses connaissances techniques acquises lors de ses précédentes fonctions pour les mettre au service d’une manifestation qui va à l’encontre d’un projet de loi gouvernemental ? Manifestement, son engagement  dépasse largement le « coup de main » donné à une association puisqu’il a rejoint le collectif dans un but bien précis : « défendre les plus faibles, les enfants » et ne pas « déstabiliser la famille ».C’est donc en véritable militant pour ne pas dire en moine soldat que le général d’armée Bruno DARY apporte son concours à cette manifestation, portant ainsi atteinte à la neutralité des armées. Il est vrai, toutefois, que dans ce genre de cause, on n’est jamais trop aidé…

Nous sommes donc curieux de savoir ce que va faire éventuellement le Président de la République et son gouvernement pour mettre un peu d’ordre dans l’agitation partisane des officiers généraux.

Ce nouveau « coup de canif » dans le contrat des officiers généraux en 2ème section souligne une fois de plus la pertinence de la proposition de l’Adefdromil de supprimer la deuxième section des officiers généraux.

Renaud Marie de BRASSAC

11 janvier 2013

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Cet article a 2 commentaires

  1. G. TELL

    Encore un article bien partisan où l’on se demande en quoi il défend les droits des militaires… Un règlement de compte ? Une recherche du buzz ?
     » le général DARY peut-il faire usage de ses connaissances techniques acquises lors de ses précédentes fonctions pour les mettre au service d’une manifestation qui va à l’encontre d’un projet de loi gouvernemental ? »
    Concernant cette citation, un sous-officier n’aurait pas le droit d’utiliser les connaissances acquises dans son emploi militaire au cours d’une reconversion civile ? Il y a parfois des propos qui surprenne venant d’une association telle que la votre et cette citation n’est pas le seul exemple dans cette diatribe.

  2. Hervé

    Selon mon analyse le général Dary a davantage *violé le secret professionnel*, auquel il s’est soumis en application des dispositions du deuxième alinéa de l’article L. 4121-2 du Code de la défense, que l’obligation de réserve prévue par le premier alinéa.
    * »Indépendamment des dispositions du code pénal relatives à la violation du secret de la défense nationale et du secret professionnel, les militaires doivent faire preuve de discrétion pour tous les faits, informations ou documents dont ils ont connaissance dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions. En dehors des cas expressément prévus par la loi, les militaires ne peuvent être déliés de cette obligation que par décision expresse de l’autorité dont ils dépendent ».*
    Ceci est remarquablement précisé dans l’analyse de M.Renaud Marie de Brassac :
    Le son de cloche est différent lorsque l’on se reporte à l’article paru sur le site du Figaro.fr. En effet, on peut lire sous la plume de la journaliste Agnès Leclair : [ *…le collectif bénéficie d’un soutien de poids en la personne du général Bruno DARY, ancien gouverneur militaire de Paris. Ce technicien de la gestion de l’ordre, organisateur pendant cinq ans du défilé du 14 juillet, travaille notamment à l’harmonisation, à la coordination des flux des trois cortèges et à la formation des jeunes volontaires**.** « la récupération de la manifestation et sa pollution par de faux manifestants sont les deux principaux risques à éviter », **résume le général, qui s’est décidé à rejoindre le collectif** « pour défendre les plus faibles, les enfants » et ne pas « déstabiliser la famille ».*

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