Réaction au compte-rendu d’audience du colonel Méchain.(Par Roland Pietrini . Auteur du Blog Athena défense)

Je réagis suite à l’article du Colonel de gendarmerie Méchain ((Qui veut la peau du colonel ? Jean-Michel Méchain (Auteur), Hervé Prudon (Auteur) – Essai (broché). Paru en 10/2011)) que je trouve remarquable tant par la forme que sur le fond. Cela invite à la réflexion.

A propos des accusés, il prononce des phrases auxquelles je souscris entièrement:

Pour le colonel Burgaud, – Un chef peut devenir digne et vouloir le rester..

Pour un général : Un général commandant  de théâtre  ( théâtre le mot est bien choisi), peut dissimuler «  ses vraies compétences » à ses subordonnés.. Ce qui veut dire, pour ceux qui comprendraient mal l’ironie et le second degré, que la 2° section lui aurait révélé des compétences ignorées par ses pairs et connu que de lui-même ?

Les autres :Les exécutants peuvent juger avec pertinence que la hiérarchie est à vomir.

Les exécutants sont toujours au premier plan.

Les mots sont forts, mais le ton ironique du Colonel Méchain, marqué par sa propre histoire (( Le colonel de gendarmerie Méchain fût accusé d’avoir divulgué des documents classés confidentiel-défense, il est passé à tabac en pleine rue, par des membres de la DPSD charge de sa surveillance,  puis écrouée à la prison de la Santé. Sa carrière, est brisée. Malgré un non-lieu prononcé en juin 2007, il n’obtiendra ni de la justice ni de sa hiérarchie d’être réhabilité. Longtemps réduit au silence par l’obligation de réserve, Jean-Michel Méchain s’est exprimé dans un livre.)),  cache un désarroi certain devant tant de gâchis et de lâcheté.  Cela rejoint une phrase que j’ai écrite à ce sujet : « On ne gravit pas les échelons en marchant sur les autres.. »

N’en doutons pas, il y a en arrière plan de tout cela, une lutte de pouvoir et d’égo entre chefs et aussi une surenchère pour se faire valoir,  de la part d’un subalterne que l’on a peut-être trop valorisé ou trop mis en avant ; et finalement trop exposé. Ce tableau de scène de théâtre ordinaire ne saurait être considéré comme exceptionnel. Car, il n’est pas l’apanage exclusif de l’institution militaire.

Ici, c’est un préfet qui s’autoproclame enquêteur, plus ou moins poussé par un pouvoir politique sûr de tenir son héros, et qui va à la faute en donnant l’ordre illégal à des représentants de l’ordre et de l’Etat de bruler une paillotte illégale ?  Il n’y pas eu  mort d’homme, mais combien de situations similaires non connues ?

Là des flics à Marseille, commettent des actions peu adaptées, ce qui pouvait, on peut le supposer , arranger une hiérarchie un peu aveugle, pas tout à fait complice, mais quand même ?

Ailleurs, c’est un officier de légion qui pousse les limites d’un homme au-delà du raisonnable.. Cela en valait-il la peine ?  Le jugement nous donnera peut-être les clés du comment est-ce possible ? Avant de comprendre,  pourquoi est-ce encore possible ?

Ces comportements, border line, souvent tus… Tuent.  Pour être compréhensibles, ils ne sont pas  excusables.. Le pourquoi d’une faute n’en excuse pas la réalité.

L’institution militaire qui ne saurait être montrée seule du doigt, est une institution remarquable, que nous aimons, au-delà des blessures.  Mais il faut être vigilant, dans la mesure où les membres de l’institution militaire ont tendance à penser qu’ils sont différents. C’est faux, en pensant qu’ils le sont, ils s’isolent. Avoir le droit d’ôter la vie en mettant en danger la sienne, ne donne pas le droit de tuer, mais le droit de combattre en ôtant la vie d’un adversaire. La nuance est essentielle, Et dit autrement, un chef, n’a pas le Pouvoir  de donner l’ordre de tuer un prisonnier ou un civil, surtout pour en faire un exemple.  Dans ce cas toutes les dérives sont possibles,  hors de notre histoire ou dans notre histoire.. D’Oradour sur Glane à l’abandon des harkis.. Parce que l’erreur est toujours possible, parce que la peine de mort, de mort à froid si je puis dire, a été exclue de notre droit, y compris après jugement.. Parce que la vengeance n’est pas une solution, Parce que tuer injustement, c’est-à-dire sans justice n’a pas valeur d’exemple.

La  judiciarisation, que personnellement je regardais avec méfiance, m’apparait désormais utile pour faire avancer les mentalités et  responsabiliser les acteurs.  Tous les acteurs. Du commandant de théâtre à l’opérateur. Et l’exemple doit commencer par le haut.

En 1965,  K. Lang,  chercheur américain écrivait dans son étude sur l’organisation  militaire (military organisations –  handbook of organisation Chigago –Road Mc Nally) que les valeurs civiles, tels que loisirs, salaires, défense des intérêts catégorielles sont absentes des préoccupations des militaires qui interagissent  avec d’autres valeurs,  considérations, honneurs, valeurs communautaires, cohésion..  Je doute que cela soit encore vrai et sincère.. La société a évolué et l’armée est le reflet de celle-ci.  Les jeunes qui s’engagent, et j’y inclus les jeunes officiers et les jeunes sous-officiers doivent trouver des garanties sur leurs propres conditions et devraient pouvoir trouver de l’aide lorsque nécessaire en y associant la hiérarchie militaire..   C’est pour cela que je crois qu’il faudra bien un jour évoluer vers une représentation  indépendante, représentation qui fait si peur, tant l’exemple donné par certains syndicats confessionnels et politiques dérange. Il ne s’agit pas de cela.. Il s’agit de moderniser une institution afin d’établir une représentation responsable et active.  Il s’agit d’associer ses membres à la compréhension de son institution et à l’évolution nécessaire de celle-ci. Il s’agit pour un individu de trouver écoute et soutien y compris juridique en cas de nécessité.

Notre institution sortira d’autant plus grandie de ces épreuves, qu’elle ne se repliera pas sur des positions corporatives, dont toutes les institutions privées ou régaliennes ne sont pas excluent. Y compris la justice, songeons à l’affaire d’Outreau. Mais ce procès,  mené par un président d’assise intelligent et calme,  apparait équitable (il faudra y revenir lorsque nous en connaitrons l’issue) et  digne.

Le conservatisme de la sociologie militaire est à la fois une force et une faiblesse. Une force lorsqu’il s’agit de transmettre des valeurs, une faiblesse lorsqu’il s’agit de trouver prétexte à pas évoluer.  Nous les anciens, officiers et sous-officiers, avons une responsabilité morale. Le colonel Méchain qui eut quelques ennuis avec l’institution n’est ni plus ni moins  référent pour en  parler. Son livre, que je n’ai pas lu, je le regrette d’ailleurs, n’a pu influer le mérite que je lui reconnais en écrivant cet article.. C’est un homme libre. Moi aussi.

Lire également:

Ce que j’ai retenu d’un après-midi de procès (Par le colonel e.r Jean-Michel Méchain)

On attendait Poncet, et ce fut de Malaussene (Par Jacques Bessy, président de l’Adefdromil)

 

 

 

 

 

 

 

À lire également