Instructions judiciaires impliquant des agents des forces de police

Question orale sans débat n° 0341S de Mme Dominique Voynet (Seine-Saint-Denis – SOC-R)  publiée dans le JO Sénat du 13/11/2008 – page 2252

 Mme Dominique Voynet attire l’attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur l’instruction judiciaire relative au décès, le 27 octobre 2005, de deux adolescents à Clichy-sous-Bois dans un transformateur électrique. Ils n’avaient commis aucune infraction.

Après ce drame, plusieurs communes de Seine-Saint-Denis et, plus largement, des banlieues de notre pays, avaient été frappées par trois semaines de violences et d’affrontements.

Alors que l’instruction semblait enfin close, un nouveau juge a récemment repris le dossier, et entend organiser, trois ans après les faits, un nouveau transport sur les lieux le mois prochain, au risque de retarder davantage encore la venue de l’affaire à l’audience, comme l’ont relevé les avocats des familles des victimes.

Dans ce dossier, des mises en examen ont été prononcées de longue date. Nos concitoyens ne comprendraient pas que, s’agissant de fonctionnaires de police, se devant à ce titre d’être particulièrement exemplaires, la justice agisse moins bien et moins vite qu’envers tout autre justiciable.

Elle lui demande donc de confirmer que, d’une part, les forces de police ne font pas exception à la loi qui s’applique à tous les citoyens, et que, d’autre part, les instructions judiciaires mettant éventuellement en cause les agissements de fonctionnaires de police se déroulent dans les mêmes termes et selon le même souci d’indépendance vis-à-vis du Gouvernement que n’importe quelle autre instruction.

Réponse du Secrétariat d’État chargé du développement de la région capitale publiée dans le JO Sénat du 18/11/2008 – page 6875

 Christian Blanc, secrétaire d’État chargé du développement de la région capitale. Madame le sénateur, je vais vous répondre, au nom de Mame Dati, garde des sceaux.

La France est un État de droit et, dans un État de droit, personne n’est au-dessus des lois. Je peux vous assurer que les forces de l’ordre, qui sont chargées de faire respecter la loi, n’échappent pas à cette règle fondamentale.

Je vous rejoins quand vous affirmez que la justice doit être la même pour tous, en tout lieu du territoire. C’est le sens de la politique que mène le garde des sceaux.

Les procédures judiciaires ne sont pas le règne de l’arbitraire. Elles sont régies, très précisément, par le code de procédure pénale.

Tout fait pour lequel un policier ou un gendarme est mis en cause fait systématiquement l’objet d’une enquête judiciaire. Pour ce type de fait, une information judiciaire est très fréquemment ouverte. C’est le cas de l’affaire que vous évoquez.

Ces informations judiciaires sont conduites par des juges d’instruction qui sont, comme vous le rappeliez, des magistrats totalement indépendants. Elles sont menées à charge et à décharge avec, pour unique objectif, la manifestation de la vérité.

Les investigations sont multiples. Elles sont parfois longues. Au cours de l’information, toutes les parties sont à égalité. Elles font valoir leurs droits et elles demandent l’accomplissement de tout acte qui leur paraît nécessaire. Elles disposent de voies de recours contre les décisions du magistrat instructeur.

La reconstitution que vous évoquez a déjà eu lieu, le 7 novembre 2008. Elle n’a donc pas retardé le cours de l’enquête. Tout gouvernement respecte, dans une république, l’indépendance du juge d’instruction. Celui-ci, en l’occurrence, n’a pas ordonné une reconstitution pour retarder l’issue du dossier, mais simplement parce qu’il la considérait comme indispensable.

Le juge d’instruction effectue son travail consciencieusement. Il va au fond des choses pour que son instruction puisse aboutir prochainement. Madame le sénateur, je crois qu’il nous faut tout simplement respecter cela.

M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet.

Mme Dominique Voynet. Monsieur le secrétaire d’État, en ce qui concerne la reconstitution du 7 novembre dernier, permettez-moi de vous dire qu’une reconstitution avait déjà eu lieu, que le précédent juge considérait le dossier comme clos, depuis vingt mois déjà, et que ce dossier avait été validé, au mois de janvier dernier, par la cour d’appel de Paris. C’est dans ce contexte que nous nous sommes interrogés sur la nomination d’un nouveau juge, qui a demandé une nouvelle reconstitution.

Je profite de votre présence parmi nous pour signaler que le trouble des habitants de Clichy-sous-Bois est amplifié par l’incapacité dans laquelle se trouve l’État de respecter les engagements qu’il a pris à leur égard dans bien des domaines.

Je pense, en particulier, aux discriminations à l’emploi dont les jeunes sont victimes ou au retard de la mise en œuvre du « plan banlieue ». Je pense aux difficultés de financement de l’Agence Nationale de Rénovation Urbaine, l’ANRU, pour laquelle sont désormais mobilisés des crédits autrefois dédiés au logement et en provenance du 1 % logement. Je pense encore aux transports en commun. Je ne suis pas certaine que les habitants de Clichy-sous-Bois aient accueilli, d’un bon œil, l’annonce d’un métro automatique sur le plateau de Saclay, alors même que le projet de tramway, qui leur est promis depuis des années, ne s’est toujours pas concrétisé.

Monsieur le secrétaire d’État, au-delà des discours, il y a les faits ! J’espère que vous plaiderez pour qu’une réponse concrète soit apportée aux habitants de Clichy-sous-Bois en matière de justice, comme dans tous les autres domaines des politiques publiques. Nous disons « non » aux politiques d’exception : mettez en œuvre les politiques de droit commun !

 

 

 

 

 

 

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