Libre propos sur le motif personnel de licenciement (Maître Jean IOSCA)

Note de l’Adefdromil:

L’article « Libre propos sur le motif personnel de licenciement  » mis en ligne  sur le site de l’Adefdromil avec l’autorisation de son auteur: Maître Jean IOSCA, Avocat au barreau de Grasse, s’adresse plus particulièrement aux militaires reconvertis ou en cours de reconversion et aux réservistes exerçant leur activité dans le secteur privé.

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LIBRE PROPOS SUR LE MOTIF PERSONNEL DE LICENCIEMENT

Les motifs de licenciement se divisent en motif personnel, motif économique et  motif tiré de la force majeure.

Ces deux derniers motifs n’intéressent pas notre propos.

L’analyse qui va suivre s’intéresse au motif personnel, c’est-à-dire au fait du salarié.

Le fait du salarié est l’agissement ou l’ensemble des agissements qui aboutit à la rupture du contrat de travail par l’employeur.

Ici, théoriquement, on distingue les fautes du salarié qui peuvent être de différents degrés : fautes légères, fautes simples, fautes graves, fautes lourdes le fait du salarié qui sans être fautif constitue une cause réelle et sérieuse.

Il faut faire un sort particulier au fait pouvant entraîner le licenciement, sans procéder d’une faute ou même d’une cause provenant du salarié ; il s’agira de la maladie ou de l’accident du travail, de l’accident simple, qu’il soit lié à l’activité ou non.

Revenons maintenant à notre propos qui est celui du maintien de la cause réelle et sérieuse ou de la faute dans les relations contractuelles.

Relevons, tout d’abord que les rapports salariés-employeurs, se situent dans le cadre d’un contrat écrit qui doit ou du moins devrait prévoir avec minutie les droits et les obligations des parties ; c’est un contrat civil qui doit contenir toutes les mentions obligatoires prévues par la loi et la convention collective (poste, salaire, coefficient..), mais en principe les parties établissent ce qu’elles entendent légalement l’une et l’autre(mission précise,  lieu d’exécution, clause de non-concurrence).

La plupart des litiges proviennent très souvent de l’insuffisance de rédaction du contrat.

Donc, le lecteur verra de suite que le contrat doit être effectué avec le plus grand soin possible, sans se contenter de recopier servilement un formulaire plus ou moins adapté.

Si le contrat est clair et sans ambigüité, celui qui manque à l’accomplissement de ce qui est contenu, a perpétré une faute dans les relations contractuelles.

Cela est une évidence aussi bien en matière civile, commerciale ou administrative.

Si le droit du travail doit être plus protecteur pour les salariés, à raison de la supériorité économique de l’employeur, ce contrat ne doit pas devenir incertain pour  autant.

Le manquement, par exemple à une obligation découlant du contrat commercial, soit le retard dans la livraison de marchandises, peut être considéré comme fautif et susceptible d’engendrer la résiliation du contrat.

Pareillement, en matière de droit du travail, le retard dans l’arrivée sur le lieu de travail peut être considéré comme une faute, même si l’employeur pourra ne pas la relever.

Egalement, une erreur dans l’accomplissement d’un ouvrage manuel ou intellectuel doit être considéré comme une faute susceptible d’entraîner la résiliation du contrat.

Quel est le rôle du juge en pareille matière ?

Le juge doit pouvoir rendre aux faits leur réelle qualification juridique, donc, même s’il est relevé que l’employeur n’a pas qualifié les faits de faute (par ignorance ou pas magnanimité apparente), rien ne devrait empêcher le juge dans son pouvoir souverain, de considérer et de dire que les faits sont  fautifs, même en dehors d’une telle qualification par les parties.

La jurisprudence ne semble pas partager cette opinion.

En effet, on peut lire, le juge « ne peut pas en revanche retenir la faute grave si l’employeur ne voit dans les faits qu’une simple cause réelle et sérieuse de licenciement » (memento Francis Lefebvre 2012, p 768).

Cette tendance n’est contradictoire avec notre opinion qu’en apparence, car le juge se situe dans le cadre d’une  qualification de la faute grave ou lourde.

En réalité le juge devrait trouver dans les faits reprochés au salarié, s’il existe une faute dans l’exécution du contrat.

Il ne faut pas oublier non plus que les parties ne sont tenues à la fois par les termes et prévisions du contrat, mais encore par les obligations habituelles générales (obligation loyauté, obligation exécution du contrat de bonne foi).

Ainsi donc, si l’exécution est défectueuse, elle constitue une faute. Alors, le juge ne devrait pas être empêché de qualifier de faute ce qui contrevient aux propositions contractuelles. A ce moment là, lui appartiendra de dire si le fait qu’il qualifie de fautif s’assimile à une faute grave, lourde ou simple.

En apparence, ce point de vue pourrait être défavorable au salarié ou simplement plus sévère dans les rapports.

Il n’en est rien, car à partir du moment où le juge considère que les faits sont selon lui constitutifs d’une faute, il lui  appartiendra de relever que le droit par l’article L 1332 du code du travail s’applique.

Evidemment cette thèse affaiblit considérablement la qualification retenue par l’employeur, qui ne sera guère plus maître du droit applicable en cas d’erreur d’application de la règle juridique (faute cause réelle et sérieuse).

Cependant, dans ce cas il appartiendra aux chefs d’entreprise de faire une analyse stricte des faits reprochés.

Au demeurant, comme on le voit au terme de maintes lettres de licenciement, c’est bien le terme de reproche qui est utilisé. Or, un reproche est bien la manifestation d’une faute.

Mais, il est certain que si l’employeur retient le terme de faute ou encore que le juge de sa propre initiative qualifie ainsi les faits reprochés, cette opposition est loin d’être au seul avantage de l’employeur, au contraire.

En effet, si le juge par un revirement de jurisprudence, selon nous admissible, retient la faute dans l’accomplissement de la relation contractuelle, il sera bien obligé de retenir corrélativement l’application du droit disciplinaire, avec pour conséquence la charge de la preuve du fait et d’autre part la prescription des faits.

En ce qui concerne la preuve des faits, dans le principe, l’employeur doit prouver les faits reprochés au salarié, alors qu’en matière de cause réelle et sérieuse, qui exclut la faute, chacune des parties doit apporter au juge des éléments sans que la charge de la preuve n’incombe spécialement à l’une ou l’autre des parties ; dans la pratique, il est certain que c’est bien l’employeur qui devra établir le rôle du salarié, en procédant à l’analyse de la réalité des faits. Le salarié devra simplement attendre passivement l’établissement des éléments présentés par l’employeur.

Beaucoup plus lourd de conséquence est la prescription de la faute qui est exigée, car elle est enfermée dans le délai de deux mois à partir de sa commission ou de la connaissance qu’en a eu l’employeur. Or, en revanche, en matière de cause réelle et sérieuse, il n’y a pas de prescription à proprement parler.

Il apparaît que le contrat de travail devrait se rapprocher des autres contrats qu’ils soient commerciaux ou civils, la résiliation de celui-ci devrait indiscutablement se fonder sur une faute dans son accomplissement.

 

Maître Jean  IOSCA

Résidence la Paix

8 Rue du 11 Novembre

06400 Cannes

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