L’EPIDe tremble sur ses fondations (Caroline Chauchard)

Installé à Langres depuis 2006, l’Etablissement public d’insertion de la Défense, EPIDe, a connu son âge d’or. Aujourd’hui, les murs se fissurent. Des témoignages d’abus, de privilèges et de pressions laissent apparaître un monde en dépression.

L’article de Médiapart paru samedi aura eu l’effet d’un électrochoc. Intitulé “Main basse sur l’Epide, dédié aux jeunes en difficulté”, il dresse un bilan peu glorieux des actuels 18 centres. Pire. Relatant «de graves dérives dans la gestion de plusieurs centres – souvent couvertes par la direction générale de l’Epide -», le propos est illustré par «deux cas emblématiques », dont celui de Langres. Le directeur du centre, Gilles Teuscher, est mis en cause. Ce lieutenant-colonel à la retraite «cumule allègrement ses fonctions de directeur de centre Epide de Langres avec trois mandats politiques locaux : conseiller général (UMP) du canton de Champlitte, maire de la commune du même nom, et vice-président de la communauté de communes des Quatre-Rivières». Cette suractivité, le commun des mortels ne pourrait pas y faire face sans dommages collatéraux. Or, Gilles Teuscher n’a pas encore le don ubiquité. Ses absences sont légion, d’après plusieurs témoins souhaitant garder l’anonymat. Le directeur en témoigne lui-même à travers son plan d’action pour 2012, en date du 27 janvier : «Pour ma part, si l’année 2011 a été une année où mes absences ont constitué semble-t-il des éléments de difficulté de fonctionnement, l’année 2012 sera une année de présence.» «En fait, il semble que depuis que je suis parti en 2010, rien a changé, se désole Gilles Pasquier, ancien chef de section. Vous étiez en réunion avec le directeur et il pouvait planter tout le monde parce qu’il y avait une fuite d’eau à Champlitte ! Son adjoint devait prendre la suite…»

«L’équipe se déchire tout autant»

Cet ancien militaire est surtout désabusé : «En fait, j’avais voulu déposer plainte pour abus de biens sociaux». Il voulait dénoncer l’utilisation d’un véhicule de l’EPIDe à des fins personnelles, le fameux «Kangoo cinq places, destiné à transporter des jeunes», cité dans l’article de Médiapart, et encore «vu tous les jours à Champlitte». Un reproche au directeur, qui fait réagir un de ses subalternes, qui n’hésite pas à briser le silence : «Les personnes qui interviennent dans l’article de Médiapart ne sont pas irréprochables. D’autres ont utilisé des véhicules comme pour rentrer à Troyes.» Le ton est donné. L’EPIDe se déchire. Au sein de ce qui devait être une louable institution, règne le fait du prince et de sa cour. Le renouvellement ou non d’un contrat à durée déterminée de trois ans, suivi d’un éventuel CDI, une prime de 0 à 10 % du salaire mensuel attribuée à la discrétion du directeur, l’autorisation de résider à l’EPIDe – «mais contre huit heures de travail », se défend Gilles Pasquier, qui a été concerné -, la possibilité de travailler à son domicile… Autant de privilèges qui créent des dissensions internes. Cellesci avaient déjà été soulignées par une psychoclinicienne et rapportées à la direction générale par Michel Boulart, ancien de l’EPIDe et maire de Montotsur- Rognon, dans un courrier en date du 5 février 2010. Ce rapport est édifiant : «La violence est présente chez les jeunes, et l’équipe se déchire tout autant. (…) J’ai malheureusement entendu beaucoup de conflits et de dénigrements.» Visiblement rien n’a changé. Quel exemple pour les protégés de l’EPIDe, ces jeunes qu’il faut réinsérer.

Caroline Chauchard

Source: Le journal de la Haute Marne n°6668 du 4 octobre 2012.

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