Le droit au séjour et l’acquisition de la nationalité des Légionnaires : Etat des lieux

Legio patria nostra : telle est la devise de la Légion étrangère.

Elle exprime la tradition militaire française d’accueil et d’intégration des étrangers en France en permettant à ceux qui le souhaitent, de servir leur nouvelle patrie et de s’y intégrer.

La situation d’un légionnaire au regard du droit au séjour des étrangers en France reste néanmoins exceptionnelle et en marge du droit car, la plupart du temps, le candidat qui arrive en France afin d’intégrer la Légion n’a pas de titre l’autorisant à séjourner en France.

Or, cette situation perdure durant toute la période d’engagement et ce notamment en raison de la pratique de l’identité déclarée qui confère une nouvelle « fausse identité ».

Ainsi, au regard du droit au séjour, le légionnaire doit-il avant tout solliciter auprès de sa hiérarchie la rectification de son identité afin de pouvoir faire valoir les années durant lesquelles il a servi dans la Légion étrangère.

A l’issue de leur engagement, les légionnaires se retrouvent souvent confrontés aux arcanes de l’Administration française et aux règles qui régissent le droit au séjour des ressortissants étrangers sans connaitre précisément leurs droits.

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L’objet de cet article a pour but d’informer les légionnaires ressortissants d’Etats situés en dehors de l’Union européenne  quant aux règles qui régissent le droit au séjour et l’acquisition de la nationalité française au regard des services rendus, souvent acquis au péril de leur vie au soutien des intérêts supérieurs de la France.

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I. Etat des lieux des cas ouvrant droit à la délivrance d’un titre de séjour :

1°- la délivrance d’un titre de séjour valable 10 ans en cas d’obtention du Certificat de Bonne Conduite :

Le Décret n° 2008-956 du 12 septembre 2008 relatif aux militaires servant à titre étranger prévoit en son article 6 que :

« Art. 6. − Au titre des services rendus, les militaires servant ou ayant servi à titre étranger peuvent bénéficier des dispositions prévues par l’article L. 314-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et par les articles 21-14-1 et 21-19 du code civil favorisant leur séjour sur le territoire français et leur naturalisation.

Le certificat de bonne conduite prévu au 7° de l’article L. 314-11 mentionné au premier alinéa est délivré, au regard des services accomplis par le militaire servant à titre étranger, par le commandant de la légion étrangère ».

Le droit français prévoit des dispositions favorisant l’intégration des légionnaires à l’issue de leur engagement mais leur droit au séjour en France est soumis à certaines conditions.

Ainsi, la disposition qui s’applique systématiquement aux légionnaires est prévue à l’article L 314-11 alinéa 7 du Code de l’entrée et du Séjour des Etrangers et du droit d’Asile qui prévoit que :

« Sauf si la présence de l’étranger constitue une menace pour l’ordre public, la carte de résident est délivrée de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour : (…)

7° A l’étranger ayant servi dans la Légion étrangère, comptant au moins trois ans de services dans l’armée française, titulaire du certificat de bonne conduite »

La disposition précitée prévoit ainsi deux conditions indissociables qui lient l’administration  (c’est-à-dire qu’elle ne dispose pas d’un pouvoir d’appréciation).

Ainsi, pour bénéficier d’un titre de séjour valable 10 ans autorisant à séjourner et travailler en France, il faut :

° Avoir servi durant au moins trois ans à la Légion étrangère,
° Et avoir obtenu le certificat de bonne conduite (CBC) à l’issue de cet engagement.

L’absence de l’une de ces conditions empêche la délivrance de ce titre de séjour et c’est la difficulté habituellement rencontrée par les légionnaires qui n’ont pas obtenu ce certificat et se voient alors automatiquement refuser un titre de séjour.

En effet, le certificat de bonne conduite est une récompense délivrée à la discrétion du commandement selon les critères de l’article D 4137-6 du Code de la Défense :

« Les récompenses délivrées au titre du service courant comprennent notamment les diplômes et les insignes qui peuvent être attribués : (…)

Elles comprennent également le certificat de bonne conduite, destiné à témoigner de la participation à la défense et de la valeur des services rendus par les militaires. Ce certificat peut leur être attribué lors de leur retour à la vie civile. Il peut être refusé si la conduite du militaire n’a pas, au cours de ses années de services, satisfait aux exigences des armées et formations rattachée. (…) »

En d’autres termes, le légionnaire qui, au cours de son engagement a pu se voir infliger une sanction ou être confronté à diverses difficultés avec son commandement, s’expose à ce que sa hiérarchie lui oppose un refus de délivrance d’un tel certificat.

C’est en tout cas la raison avancée la plupart du temps afin de justifier du refus de délivrance du CBC.

Ce refus de délivrance est malheureusement rarement contesté par les légionnaires qui mettent un terme à leur engagement. Pourtant, un recours contre ce refus est possible ce d’autant plus que le critère d’évaluation d’avoir « satisfait aux exigences des armées et formations rattachée » est subjectif et susceptible d’être contesté.

Or, il ne faut pas minimiser la pertinence et l’opportunité d’un tel recours.

En effet, un tel recours contre la décision de refus est d’autant plus important que l’obtention du CBC offre aux légionnaires un avantage non négligeable pour leur situation de vie future.

Le recours doit être formé préalablement devant la Commission de recours des Militaires (CRM) dans les deux mois qui suivent la notification du refus de délivrance du certificat de bonne conduite.

Le Ministre de la défense dispose d’un délai de 4 mois pour statuer sur ce recours. En cas de silence à l’issue de ce délai ou en cas de refus motivé par écrit, le légionnaire a le droit de contester la légalité de cette décision devant le Tribunal Administratif.

Il existe néanmoins d’autres voies de droit permettant d’obtenir un titre de séjour et qui doivent également être portées à la connaissance des légionnaires.

2°- La délivrance d’un titre de séjour en raison de son appartenance à une unité combattante française :

Il convient de préciser au préalable que les services des Préfectures n’ont pas l’obligation de vérifier l’ensemble des critères pouvant s’appliquer à la situation du ressortissant étranger qui sollicite un titre de séjour ainsi, il appartient à tout ancien légionnaire de faire des demandes précises lorsqu’il sollicite un titre de séjour.

Le Code de l’entrée et du séjour des Etrangers et du droit d’asile prévoit en effet à l’article L 314-11 alinéa 4 :

« 4°-A l’étranger ayant servi dans une unité combattante de l’armée française »

Cette disposition méconnue et très rarement appliquée par les services de la Préfecture constitue une alternative à l’obtention d’un titre de résident de dix ans de plein droit sans avoir à justifier d’un certificat de bonne conduite.

La plupart du temps, les dispositions de l’article L 311-14 alinéa 4 sont écartées car le légionnaire bénéficie d’une disposition spécifique prévue à l’article 7.

Or, il faut préciser deux choses :

D’une part, l’existence d’une disposition spéciale n’empêche pas l’application d’autres textes de lois d’application générale susceptibles de s’appliquer à la situation du légionnaire et,

D’autre part, la Légion étrangère étant placée sous commandement français, ses actions de combat sont assimilées à une unité combattante de l’armée française.

Une unité combattante est considérée comme celle menant des actions de combats dans le cadre d’opérations militaires définies comme telles par arrêté du Ministre de la Défense.

Ainsi, les actions menées par la Légion Etrangère dans des zones reconnues comme combattantes telle que l’opération « Epervier » au Tchad du 9 avril au 8 mai 2002 puis du 1er mai au 31 décembre 2005, ou l’opération « PAMIR » en Afghanistan pour la période du 3 octobre 2001 au 31 décembre 2007 et du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2011, peuvent être revendiquées afin d’obtenir de plein droit un titre de résident de 10 ans (source : Union Fédérale des Associations Françaises d’Anciens Combattants).

Dans la réalité, l’obtention d’un titre de séjour sur ce fondement peut s’avérer difficile car la publication, par arrêté, des opérations militaires considérées comme « combattantes » effectuée par les services du Ministère de la défense se fait avec beaucoup de retard voire des années après les faits, ce qui empêche de fait, le légionnaire concerné à faire valoir ses droits avant de nombreuses années et, en tout état de cause, plusieurs années après la fin de son engagement.

3°) La délivrance d’un titre de séjour au regard de l’attribution d’une pension militaire d’invalidité :

L’article L 314-11 alinéas 3 prévoit également la délivrance de plein droit d’un titre de résident de 10 ans :

« 3° A l’étranger titulaire d’une rente d’accident de travail ou de maladie professionnelle versée par un organisme français et dont le taux d’incapacité permanente est égal ou supérieur à 20 % ainsi qu’aux ayants droit d’un étranger, bénéficiaires d’une rente de décès pour accident de travail ou maladie professionnelle versée par un organisme français ; »

A cet effet, le légionnaire titulaire d’une pension d’invalidité accordée à l’occasion d’un accident ou d’une maladie survenus à l’occasion du service, peut le faire valoir pour la délivrance d’un titre de résident.

Néanmoins, il convient de préciser que la pension militaire d’invalidité lorsqu’elle est accordée, n’est servie qu’à titre provisoire pour une durée de trois ans.

En effet, un nouvel examen médical à l’issue de cette période doit être effectué afin de déterminer le taux d’invalidité définitif qui subordonnera la poursuite ou non de l’attribution d’une pension.

Aussi, l’Administration pourrait refuser la délivrance d’un titre de résident sur ce fondement, car la pension allouée au légionnaire n’est pas encore définitive.

Dans ce cas, il convient, par précaution, de solliciter au moyen d’un recours gracieux (c’est-à-dire au préfet compétent pour examiner la demande) ou d’un recours hiérarchique (c’est-à-dire au Ministre de l’Intérieur) la délivrance d’un titre de séjour temporaire d’une année en raison de l’état de santé du légionnaire et du versement de cette pension d’invalidité dans l’attente de la décision définitive du Ministère de la défense.

Dans tous les cas précités, l’Administration sollicitera les justificatifs relatifs aux dispositions visées.

En outre,  il convient de justifier à l’Administration que le légionnaire ne constitue pas une menace pour l’ordre public c’est-à-dire qu’il n’a pas fait l’objet d’une condamnation pénale définitive inscrite au casier judiciaire et qu’il ne vit pas en état de polygamie.

4°) la délivrance d’un titre de séjour temporaire « vie privée et familiale »

Dans le cas où le légionnaire n’entre dans aucune des catégories précédemment évoquées, celui-ci peut néanmoins solliciter un titre de séjour sur le fondement des liens particuliers tissés avec la France sur le fondement de l’article L 313-11 alinéa 7 du CESEDA à savoir :

« Sauf si sa présence constitue une menace pour l’ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention  » vie privée et familiale  » est délivrée de plein droit :

7°- A l’étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n’entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d’existence de l’intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d’origine, sont tels que le refus d’autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l’article L. 311-7 soit exigée. L’insertion de l’étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ;

L’Administration, qui n’est pas tenue lors de l’examen d’une demande de vérifier l’ensemble des conditions applicables au légionnaire, est néanmoins tenue de vérifier systématiquement que le ressortissant étranger entre dans les conditions mentionnées à l’article L 313-11-7 du CESEDA.

Néanmoins, l’obtention d’un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées est difficile car l’Administration a en réalité un large pouvoir d’appréciation des liens personnels et familiaux en France.

En effet, l’Administration considère que l’engagement à la Légion Etrangère ne fait pas en soit la preuve d’un lien particulier donnant droit au séjour.

De plus, la situation des légionnaires qui sont la plupart du temps jeunes, sans charge de famille et célibataires et qui conservent en outre des liens familiaux étroits avec des parents restés dans leur pays d’origine constituent des motifs fréquemment invoqués afin de motiver l’absence de liens privés ou familiaux suffisamment forts pour justifier la délivrance d’un titre de séjour sur le fondement précité.

D’un point de vue pratique, la demande de titre de séjour doit être présentée à la Préfecture ou sous-préfecture du lieu de résidence du demandeur et auprès de la Préfecture de Police si sa résidence est à Paris.

Lorsque le titre de séjour sollicité constitue une première demande, la Préfecture qui reçoit le dossier remet normalement un récépissé valant autorisation de séjour pendant la durée d’examen de la demande d’une durée de 3 mois en général et renouvelable une fois mais sans autorisation de travail, ou bien elle délivre une convocation d’avoir à vous présenter à une certaine date.

II. L’acquisition de la nationalité française à raison d’un engagement dans la Légion Etrangère

Au-delà du séjour, les légionnaires qui ont rendu des services à la France peuvent demander à acquérir la nationalité française conformément aux dispositions du Code civil à savoir :

L’article 21-14-1 énonce :

« La nationalité française est conférée par décret, sur proposition du ministre de la défense, à tout étranger engagé dans les armées françaises qui a été blessé en mission au cours ou à l’occasion d’un engagement opérationnel et qui en fait la demande.

En cas de décès de l’intéressé, dans les conditions prévues au premier alinéa, la même procédure est ouverte à ses enfants mineurs qui, au jour du décès, remplissaient la condition de résidence prévue à l’article 22-1 ».

Par ailleurs, l’article 21-19 du Code civil prévoit que :

« Peut être naturalisé sans condition de stage :

(…) 4° L’étranger qui a effectivement accompli des services militaires dans une unité de l’armée française ou qui, en temps de guerre, a contracté un engagement volontaire dans les armées françaises ou alliées ».

Ces dispositions permettent à l’étranger qui a souscrit un engagement à la Légion Etrangère de demander à être naturalisé dès lors qu’il peut justifier avoir rendu des services militaires dans l’intérêt de la France.

Le dossier de naturalisation dans les conditions prévues à l’article 21-19 est à retirer auprès de la Préfecture ou à la sous préfecture du lieu de résidence du demandeur auprès du service des naturalisations.

Ce dossier peut être retiré sous réserve de justifier d’une résidence légale en France.

Aussi, pour les légionnaires encore en service, la justification de leur engagement est une condition suffisante.

Dans le cas où leur engagement a pris fin, il convient d’obtenir un titre de séjour au préalable ou de justifier d’une demande de régularisation en cours.

Enfin, si la demande de naturalisation était refusée, le légionnaire a la possibilité de former un recours devant le Tribunal Administratif de Nantes (seul compétent en la matière) afin de contester les motifs de ce refus.

Connaître ses droits permet d’en bénéficier et de les défendre si nécessaire.

Maître Aïda MOUMNI
Avocat associé cabinet MDMH – Barreau de Paris

 

 

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