Mort suspecte d’un légionnaire: Ire de Royal contre l’Adefdromil!

En dénonçant publiquement sur son site les circonstances suspectes de la mort d’un légionnaire  à Djibouti, l’Adefdromil s’est attirée, paraît-il, l’ire du colonel Royal en poste à la DICOD et cousin de qui vous savez.

Rien que cela. J’en suis tout tourneboulé. Pour se calmer, nous lui prescrivons de prendre régulièrement des comprimés d’Adefdromil, ce médicament gratuit et sans ordonnance qui soigne les maux de la défense et que l’on peut se procurer sur le site https://www.adefdromil.org!

L’origine de cette colère résiderait dans le fait que l’Adefdromil a écrit :

 « Dès à présent, il est à noter que les décisions résultant du conseil d’enquête sont probablement nulles de plein droit puisque la légion a fait supprimer voici quelques années le droit d’être assisté par un avocat devant les conseils d’enquête. Ce droit constitue pourtant une garantie fondamentale, même pour les étrangers et ne pouvait être supprimé que par le législateur, seul compétent pour fixer les garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires civils et militaires de l’Etat (article 34 de la constitution). »

Que le colonel Benoit Royal, auteur de « L’éthique du soldat français » soit rassuré, je vais l’aider à mieux comprendre les subtilités de notre administration militaire.

Dans le cadre de cette affaire, la possibilité n’a pas été donnée aux quatre militaires impliqués (un officier, un sous-officier et deux militaires du rang) d’être défendus par un avocat.

Il se trouve que j’ai reçu en entretien l’un des principaux auteurs des coups portés sur la personne de TAVARUSKO. Il m’a certifié que lors de la communication de l’ordre d’envoi devant le Conseil d’enquête, il lui a bien été spécifié qu’il ne pouvait être défendu que par un militaire du rang, un sous-officier ou un officier de la Légion étrangère. A aucun moment, le mot avocat n’a été prononcé. Rien ne m’autorise à mettre en doute la parole de ce caporal d’autant plus qu’il avait déjà saisi un avocat pour le défendre au pénal. Il lui était donc facile de demander à cet avocat de le défendre également devant le Conseil d’enquête si l’information lui avait été communiquée. Compte tenu de l’enjeu (la radiation des cadres par mesure disciplinaire ou la résiliation de contrat), il est plus que troublant qu’aucun des mis en cause n’ait pris un avocat !

A l’Adefdromil, nous savons d’expérience que les chefs de la  Légion étrangère mettent tout en œuvre pour dissuader les légionnaires d’avoir recours aux avocats. Pour ce faire, ils s’appuient sur les textes juridiques rédigés volontairement de manière sibylline, afin d’en permettre une interprétation défavorable à l’administré. Si celui-ci -sous réserve d’être bien conseillé- insiste ou résiste, on maintient en général le refus d’appliquer le droit et on l’oblige ainsi à se pourvoir éventuellement devant les juridictions administratives.

La tentative d’élimination explicite, par la Légion étrangère, de la présence de l’avocat dans les conseils d’enquête est édifiante.

Retour sur les faits.

Au cours de la  73ème session du Conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM) qui s’est déroulée du 8 au 16 juin 2006, les membres de ce vénérable conseil ont eu à se prononcer sur la rédaction du décret portant statuts particuliers des militaires servant à titre étranger et notamment sur l’article 12-alinéa 1, ainsi rédigé :

Article 12

« Avant de prononcer une sanction disciplinaire du troisième groupe, l’ordre d’envoi devant le conseil d’enquête est ordonné par le ministre de la défense. Le comparant peut se faire assister d’un défenseur choisi exclusivement parmi les militaires servant au sein de la légion étrangère. »

La fiche de présentation du texte expliquait : « Les articles 11 et 12 précisent la composition des conseils de discipline et des conseils d’enquête qui, à la demande de la légion étrangère, ne ressortit pas des dispositions du décret n° 2005-794 du 15 juillet 2005 relatif aux sanctions disciplinaires et à la suspension de fonctions applicables aux militaires.»

L’étude menée par le CSFM n’a donné lieu à aucune observation particulière sur ce point et un avis favorable a été donné au Ministre de la Défense sur ce décret. A la décharge des membres du CSFM, il faut bien reconnaître que ni la Région Terre, ni le CFMT n’ont émis la moindre réserve sur cet article. C’est dire si au sein de la Défense, les militaires de tout grade ont une notion très importante du respect des droits de la défense !

Fort heureusement, cette affaire n’a pas échappé à la vigilance de l’Adefdromil, ce qui m’a conduit à adresser le 28 août 2006, une lettre à Madame la Ministre de la Défense et une lettre à Monsieur le Président de la section des Finances du Conseil d’Etat pour leur signaler cette violation générale d’un principe du droit en préparation.

Le 31 août 2006, le Président de la Section des Finances du Conseil d’Etat, Olivier Fouquet, m’a répondu :

« Monsieur le Président,

Vous avez bien voulu, dans un courrier du 28 août 2006, appeler mon attention sur les réflexions qu’inspire à l’Association de Défense des droits des Militaires le projet de décret relatif au statut des engagés servant à titre étranger dans l’armée française, et je vous en remercie.

La section des finances n’est à ce jour pas encore saisie de ce projet.

Toutefois, soyez assuré que je veillerai, lorsque tel sera le cas, à ce que l’ensemble des éléments que vous me communiquez soient versés au débat et qu’ils recevront toute l’attention requise lors de l’examen de ce texte….. »

Voilà au moins une institution qui sait porter considération aux écrits qu’elle reçoit.

Il n’en est pas de même du Ministre de la Défense qui va répondre par l’intermédiaire du contrôleur général des armées Jacques ROUDIERE, le 27 décembre 2006.

Au ton de la lettre, on comprend qu’il a été contraint et forcé de nous écrire. Ainsi, il ne me donne pas du « Monsieur le Président », mais du Monsieur tout court. Quant à la formule de politesse, elle relève de l’incorrection épistolaire : « Recevez, Monsieur, mes salutations. » et traduit l’agacement, si ce n’est le mépris envers l’Adefdromil et ma personne.

Au fond, la réponse apportée par ce militaire, assimilé « général » va totalement à l’encontre de la thèse défendue par le colonel ROYAL.

Le sieur ROUDIERE, qui a milité dans sa jeunesse chez les boyscouts, si on en croit la toile, devenu depuis Directeur des Ressources Humaines du ministère (D.R.H, pas moins) écrit :

« Concernant l’impossibilité pour un militaire servant à titre étranger qui fait l’objet d’un conseil d’enquête de recourir à un avocat, le projet de décret n’apporte pas de changement par rapport au dispositif actuel. Il propose toutefois une évolution , en étendant le choix du défenseur d’un militaire servant à titre étranger comparant devant un conseil d’enquête à l’ensemble de la légion étrangère, et non plus à la seule formation d’appartenance de l’intéressé. »

La cause est entendue. Le contrôleur général confirme bien, au nom du ministre de la défense, que les légionnaires ne peuvent choisir qu’un défenseur exclusivement choisi dans les rangs de la légion puisque l’article 12 alinéa 1 du projet de décret est inchangé par rapport au dispositif actuel.

Le 9 janvier 2007, j’ai répondu à la lettre de M. Roudière en ces termes :

«  Concernant l’impossibilité pour un militaire servant à titre étranger de recourir à un avocat, le droit commun doit s’appliquer de plein droit. Rien ne justifie, à ma connaissance, un régime dérogatoire. »

Fort heureusement pour les militaires engagés de la légion étrangère, l’Adefdromil a été entendue par la Section des finances du Conseil d’Etat qui a censuré purement et simplement dans la rédaction de l’article 19 du décret  n°2008-956 du 12 septembre 2008 relatif aux militaires servant à titre étranger, les dispositions qui étaient prévues par l’alinéa 1 de l’article 12 du projet de décret approuvées, rappelons le, par le Ministre de la Défense, le CSFM, le CFMT, la RT et le contrôleur général ROUDIERE !

Le décret 2008-956 prenant effet à compter du 1er janvier 2009, il est évident que l’administration militaire va tenter de faire passer dans une instruction ou une directive l’obligation pour un légionnaire de choisir un défenseur exclusivement dans les rangs de la Légion…De même, qu’il n’est pas impossible qu’elle tente  de restreindre la possibilité offerte au légionnaire de résilier unilatéralement son contrat pendant la période probatoire de six mois.

Finalement, dans cette affaire, le colonel Royal, a réfléchi en homme de la régulière où on s’en tient à des règles -parfois mal appliquées- et non en homme de la légion où on s’arrange avec le droit, more majorum* !

                                                                                                      Michel BAVOIL

* Formule latine fréquemment utilisée à la Légion : selon la coutume de nos anciens

Lire:

La légion hors du temps, la légion hors la loi  (Cet article a été publié neuf jours avant les faits.)

Mort suspecte d’un légionnaire du 2ème REP à DJIBOUTI.

Trois légionnaires radiés de l’armée pour actes de violence

 Legio Patria ou Cosa Nostra?

 

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