Vers la reconnaissance de la représentation des intérêts collectifs des militaires ?

LE CONSEIL D’ETAT S’APPRETE A RENDRE UN ARRET IMPORTANT SUR LES DROITS DES MILITAIRES.

AUDIENCE LE 28 NOVEMBRE 2008 – SALLE DU CONTENTIEUX – PALAIS ROYAL

LES FAITS.

Une loi a supprimé la condition de durée d’un PACS pour que ce contrat produise des effets en matière fiscale et le statut général des militaires voté en 2005 par le Parlement, ne prévoit, pour ce motif, aucune restriction « des droits et libertés reconnus aux citoyens », dont jouissent les militaires. Pourtant, le ministère de la défense a fait fixer dans plusieurs décrets – juste avant que le président Sarkozy entre en fonction- une durée de trois ans pour que le PACS produise des effets pécuniaires, notamment au regard du remboursement des frais de transport en cas de déménagement ou de versement d’un capital aux ayants-droit en cas de décès ou d’infirmités survenues en service ou à l’occasion du service.

Plusieurs décisions individuelles favorables à des requérants pacsés ont été rendues par le Conseil d’Etat, plus haute juridiction de l’ordre administratif en France. Cette règlementation est donc parfaitement illégale et contraire à la protection, dont les militaires doivent bénéficier.

C’est dans ces conditions que l’Adefdromil a déféré à la censure de la section du contentieux du Conseil d’Etat trois décrets reprenant la condition de durée de trois ans du PACS.

L’affaire a fait l’objet d’une audience de deux sous-sections réunies de la section du contentieux du Conseil d’Etat, le 3 septembre dernier. Le commissaire du gouvernement, M. Nicolas Boulouis, censé proposer une solution juridique et non représenter les intérêts du gouvernement, a curieusement suggéré de débouter l’Adefdromil, au motif qu’elle serait un quasi-syndicat prohibé par le statut général des militaires, tout en reconnaissant l’illégalité manifeste de la condition de durée de trois ans du PACS mentionnée dans les décrets.

A suivre ses conclusions, le Conseil d’Etat devrait préférer laisser perdurer une illégalité manifeste susceptible de léser gravement les ayants droits des militaires pacsés depuis moins de trois ans qui seraient, par exemple, tués en opération ou en service. Le sujet est évidemment sensible et au cœur de l’actualité.

C’est dans ces conditions, face au dilemme cornélien à résoudre : soit reconnaître la représentation collective des intérêts des militaires par une association, soit laisser perdurer une grave illégalité, que le Conseil d’Etat a convoqué les parties pour une nouvelle audience le 28 novembre prochain.

L’ENJEU DU LITIGE.

A la suite de l’audience du 3 septembre, l’Adefdromil a produit une note en délibéré rappelant le véritable enjeu du litige : l’annulation d’une illégalité manifeste qui lèse sérieusement les militaires.

Elle a également souligné que le juge de la légalité de l’objet social d’une association n’est pas le juge administratif, mais le juge judiciaire, jamais saisi par le ministre de la défense depuis 2001, alors même que Michel BAVOIL, capitaine en activité de service et fondateur de l’Adefdromil, avait rendu compte de la création de l’association au ministre de l’époque.

Evidemment, l’Adefdromil déboutée pour « défaut d’intérêt à agir » serait conduite à se pourvoir devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) à Strasbourg. Car, lors d’un contentieux précédent en 2002, le Conseil d’Etat avait rendu un arrêt au fond, acceptant d’examiner les arguments de l’association sans nullement contester son « intérêt à agir ».(CE n°234748-235859 du 27 novembre 2002)

Pour atteindre son objectif,, l’Adefdromil devrait alors rechercher des militaires en activité, volontaires pour déposer des recours individuels qui contraindraient en final le Conseil d’Etat à l’annulation des décrets litigieux dans un délai prévisible de 18 à 30 mois.

QUE VA DECIDER LE CONSEIL D’ETAT ?

Que présage ce nouveau calendrier. Il est difficile de le savoir !

D’un côté, on peut penser que la Haute Assemblée soucieuse de mettre fin à une illégalité scandaleuse, veut rendre une décision incontestable par une formation de jugement reconnue : la section du contentieux. Dans ce cas, après annulation des décrets illégaux, il faudra que le ministre en tire les conséquences au regard des textes existant et en préparation, ainsi qu’à l’égard des responsables de son administration qui ont persisté contre tout bon sens à vouloir maintenir cette condition illégale de durée du PACS.

D’un autre côté, on ne peut exclure que le Conseil d’Etat soit tenté de rendre service en estimant que l’ADEFDROMIL n’a pas d’intérêt à agir dans la mesure où reconnaître le bien fondé de son action reviendrait à admettre qu’une association peut défendre les intérêts collectifs des militaires. Car, cette reconnaissance serait un premier pas vers le droit d’association à titre professionnel dans les armées, droit reconnu par la Constitution et par la Convention de Sauvegarde des Droits de l’Homme, mais dont l’exercice est prohibé par la loi portant statut général des militaires de 2005 (article L4121-4 du code de la défense).

Lire:

FONDS DE PREVOYANCE MILITAIRE – CHANGEMENT DE RESIDENCE

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