Droits de l’homme dans les forces armées : Le projet de recommandation du comité des ministres du Conseil de l’Europe a été finalisé

Le projet de recommandation du comité des ministres du Conseil de l’Europe a été finalisé par le groupe de travail ad hoc. Il doit être présenté en novembre 2008 au comité des droits de l’homme du Conseil avant examen ultérieur précédant son adoption.

Par Jacques BESSY Vice Président de l’ADEFDROMIL, expert pour EUROMIL dans le groupe de travail.

Les travaux du groupe ad hoc sont consultables sur le site du Conseil de l’Europe.

Le Conseil de l’Europe.

Rappelons pour ceux qui ne sont pas au fait des organisations européennes diverses et variées que le Conseil de l’Europe qui siège à Strasbourg n’a rien à voir avec l’Union Européenne (27 états membres) ou avec la Commission de Bruxelles, qui constitue, en quelque sorte, le gouvernement de l’UE.

Il regroupe 47 pays –y compris la Russie et la Turquie- signataires de plusieurs conventions qui les lient et qui visent à promouvoir les droits de l’homme dans chacun des Etats membres. La plus célèbre de ces conventions est celle signée à Rome le 4 novembre 1950, connue sous le nom de convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, qui a été enrichie à plusieurs reprises de protocoles. Il existe aussi une charte sociale.

Le non respect de ces textes ou leur violation par les Etats membres permet de les attraire devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH). C’est ainsi, à titre d’exemple que la France a été condamnée à diverses reprises en raison de la durée jugée excessive de procédures pénales.

Les recommandations du Conseil de l’Europe qu’elles émanent de l’assemblée parlementaire ou du comité des ministres n’ont pas de valeur contraignante. Ce ne sont pas des traités qui ont, en droit français, une valeur supérieure à la loi (art.55 de la constitution).

Ce sont des documents de référence qui ont une valeur morale et incitative pour les Etats membres. L’absence de portée juridique de ces textes ne doit pas les faire considérer comme mineurs ou inutiles. En particulier, de nombreuses organisations non gouvernementales peuvent s’en servir à l’appui de leurs revendications ou de leurs actions. C’est notamment le cas dans les pays qui revendiquent la défense des droits de l’homme sur la scène internationale. C’est évidemment le cas de la France.

Le groupe de travail.

Il était composé de membres de droit les représentants d’un certain nombre d’Etats : Finlande (présidence de Mme Camilla Busck Nielsen), Autriche, Belgique, Danemark, France, Hongrie, Lettonie, Pologne, Portugal, Royaume Uni, Russie (Fédération de), Slovaquie, Turquie.

Ont participé aux travaux, des experts de diverses ONG : Amnesty International, Conférence des Eglises européennes, Human rights watch, Bureau européen de l’objection de conscience et EUROMIL, dont la délégation était conduite par le secrétaire général Mikko Harjulehto (Finlandais) et composée de Mme Silke Flemming (juriste de la Bundeswehrband – Allemagne), LtCl Tichoniuk (en activité, président du « Konvent » – Pologne), Poul Sorensen (juriste et conseiller de HKKF- Danemark), Douglas Young (Lt Col e.r, président de la BAFF – Royaume Uni) et Jacques Bessy, Vice Président de l’ADEFDROMIL.

L’objectif.

Il ne s’agissait pas de faire une œuvre créatrice et fondatrice de nouveaux droits pour les membres des forces armées des pays du Conseil de l’Europe. Mais, l’objectif était de proposer un texte original reprenant à son compte l’état du droit international positif, c’est-à-dire celui résultant des traités et conventions internationales ratifiés ou en vigueur dans les états membres, enrichi par la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’homme (CEDH).

Des prises de position parfois surprenantes de certains états.

Pourtant les représentants de certains états, sans doute empêtrés dans les consignes qu’ils avaient reçues, ont tenté à de multiples reprises de revenir des décennies en arrière et de rayer d’un trait de plume les acquis du droit international.

Citons un des représentants de la Fédération de Russie, procureur militaire de son état, qui a affirmé qu’autoriser la création d’instances de représentation dans les armées était dangereux pour la discipline et pouvait conduire à des mutineries. Le Vice Président de l’ADEFDROMIL a provoqué des sourires quasi unanimes, notamment chez les représentants des pays de l’Est en rappelant que les marins du Potemkine et de Cronstadt n’avaient pas eu besoin d’être syndiqués pour se mutiner…et que, bien au contraire, c’était l’absence d’instances de concertation représentatives et indépendantes de la hiérarchie qui peut être la source d’actions incontrôlées de la part de factions des forces armées.

Citons aussi, le représentant de sa gracieuse majesté, acharné à affaiblir à chaque alinéa la portée du texte, à en minimiser le contenu et à menacer de réserves si on ne cédait pas à ses suggestions. Ainsi, il y a une différence fondamentale entre l’obligation de donner une formation aux droits de l’homme aux membres des forces armées et le simple droit d’être informé qu’on a le droit de demander à recevoir cette formation.

On a assisté ainsi à un étonnant chassé croisé dans lequel les positions du représentant britannique ont rejoint à plusieurs reprises celles du représentant de la Russie miédviédo-poutinienne, dont tout le monde sait qu’elle est une grande démocratie !

Heureusement, de nombreux états conscients de leur responsabilité ont contré ces tentatives rétrogrades. Il faut saluer, à cet égard, les prises de position de la représentante belge, et celles de sa collègue autrichienne et à l’occasion de leur collègue danoise. Les représentants de la Slovaquie, de la Pologne, de la Lettonie ont également contribué à rééquilibrer le débat. La représentante française est également intervenue judicieusement lors de la dernière réunion du groupe de travail.

EUROMIL, de son côté, a pu faire valoir son point de vue à diverses reprises et a été souvent entendu. En particulier, nous nous sommes opposés fermement à l’insertion de clauses passe-partout renvoyant au droit national la reconnaissance et la mise en œuvre de certains droits. En fait, ce type de formule vise au maintien du statu quo et prive de toute portée morale et symbolique le projet de recommandation.

Sans doute, peut-il être amélioré. En tout état de cause, il doit désormais être soumis au comité des droits de l’homme du Conseil.

Projet révisé de principes pour une recommandation
du Comité des Ministres aux Etats membres
sur les droits de l’homme des membres des forces armées

[Préambule]

[1] Le Comité des Ministres, en vertu de l’article 15b du Statut du Conseil de l’Europe,

[2] Considérant que l’objectif du Conseil de l’Europe est de réaliser une union plus étroite entre ses Etats membres, notamment en incitant à l’adoption de règles communes ;

[3] Ayant à l’esprit notamment la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales, telle qu’interprétée par la Cour européenne des Droits de l’Homme dans sa jurisprudence ayant force obligatoire, la Charte sociale européenne ainsi que la Charte sociale européenne révisée, à la lumière de la jurisprudence du Comité européen des droits sociaux, les normes du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants ;

[4] Prenant en considération les instruments pertinents des Nations Unies, et en particulier le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, la Convention relative aux droits de l’enfant, le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, et la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ainsi que les observations et décisions des organes de surveillance de ces instruments ;

[5] Tenant compte de la Recommandation n° R (87)8 du Comité des Ministres relative à l’objection de conscience au service militaire obligatoire, ainsi que des recommandations suivantes de l’Assemblée parlementaire : 1742(2006) sur les droits de l’homme des membres des forces armées, 1714(2005) sur l’abolition des restrictions au droit de vote, 1572(2002) sur le droit d’association des membres du personnel professionnel des forces armées, 1518(2001) sur l’exercice du droit à l’objection de conscience au service militaire dans les Etats membres du Conseil de l’Europe et 1380(1998) sur les droits de l’homme des appelés ;

[6] Considérant les engagements pertinents de l’OSCE et le manuel de l’OSCE/BIDDH et du DCAF sur les droits de l’homme et libertés fondamentales du personnel des forces armées, publié en 2008 ;

[Dispositif]

[7] Recommande aux gouvernements des Etats membres :

1. de garantir le respect des principes énoncés dans l’annexe à la présente recommandation dans la législation et les pratiques nationales relatives aux membres des forces armées ;

2. d’assurer, par les moyens appropriés et de manière active, une large diffusion de cette recommandation auprès des autorités civiles et militaires compétentes et des membres des forces armées eux-mêmes, afin de sensibiliser aux droits et libertés des membres des forces armées et d’assurer aux membres des forces armées une formation visant à acquérir une meilleure connaissance des droits de l’homme ;

3. [Suivi]

Annexe à la Recommandation […]

[1] La présente Recommandation porte sur la jouissance des droits de l’homme et des libertés fondamentales par les membres des forces armées dans le contexte de leur travail et de la vie militaire.

Principes généraux

[2] Tout en tenant compte des caractéristiques spécifiques à la vie militaire, les membres des forces armées, quel que soit leur rang, doivent jouir des droits garantis au titre de la Convention européenne des Droits de l’Homme (ci-après la Convention) et de la Charte sociale européenne (ci-après la Charte) ainsi que d’autres instruments pertinents en matière de droits de l’homme, dans les limites des obligations liant chaque Etat ;

[3] En vertu de l’article 15 de la Convention et l’article F de la Charte, en cas de guerre ou en cas d’autre danger public menaçant la vie de la nation, les Etats doivent pouvoir prendre des mesures dérogeant aux obligations prévues par la Convention et la Charte, dans la stricte mesure où la situation l’exige et à la condition que ces mesures ne soient pas en contradiction avec les autres obligations découlant du droit international.

[4] Les dérogations en vertu de l’article 15 de la Convention ne seront pas valables quant aux droits suivants : le droit à la vie, sauf pour le cas de décès résultant d’actes licites de guerre, l’interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants ainsi que l’interdiction de l’esclavage et de la servitude, le principe qu’il ne peut y avoir de peine sans loi, et le droit à ne pas être jugé ou puni deux fois.

[5] Les droits et libertés ci-après devraient être respectés et appliqués conformément aux principes les accompagnant :

Les membres des forces armées ont le droit à la vie

[6] Les Etats membres devraient protéger la vie des membres des forces armées lorsqu’ils sont exposés à des dangers réels et immédiats pouvant entraîner la mort. Lorsque les Etats savaient ou auraient dû savoir qu’il existait un tel danger, ils devraient prendre, dans le cadre de leurs pouvoirs, les mesures qui, d’un point de vue raisonnable, auraient sans doute permis de pallier ce danger. En particulier, les membres de forces armées ne devraient pas être exposés à des situations où leurs vies sont inutilement mises en danger sans un objectif militaire clair et légitime et, tout en tenant compte de l’origine et de la gravité du danger et des moyens disponibles pour y faire face, les autorités compétentes devraient adopter des mesures raisonnables en matière d’entraînement militaire, de planification des opérations, de choix des équipements utilisés et fournis, et assurer un accès aux soins de santé et traitements.

[7] La responsabilité des autorités militaires en cas de décès d’un membre des forces armées devrait être engagée si les autorités avaient ou auraient dû avoir connaissance d’un danger réel et immédiat pour ce dernier ou lorsque les autorités n’ont pas tenu compte de dangers pouvant entraîner la mort .

[8] Une enquête indépendante et effective devrait être menée dans tous les cas de mort suspecte ou de violation alléguée du droit à la vie d’un membre des forces armées. Pour qu’une enquête sur de telles hypothèses soit efficace, les autorités qui en sont chargées devraient être indépendantes et impartiales. Une telle enquête devrait être conduite avec célérité, dans un délai raisonnable et de manière approfondie. Elle devrait permettre d’identifier et de sanctionner de manière adéquate les responsables . Enfin, les familles devraient être tenues informées des progrès de l’enquête et des résultats de celle-ci, et devraient aussi avoir accès à un recours susceptible d’aboutir à une réparation effective.

[9] Les Etats membres devraient prendre des mesures encourageant la dénonciation d’actes attentatoires au droit à la vie des membres des forces armées. Ils devraient, en outre, mettre en place un cadre légal ou administratif pour éviter toutes représailles à l’égard des personnes qui signalent l’existence alléguée d’actes contraires à l’article 2 de la Convention dont seraient victimes les membres des forces armées.

[10] Les membres des forces armées ne doivent jamais se voir condamnés à mort ou exécutés.

Aucun membre des forces armées ne doit être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants

[11] Les Etats membres devraient prendre des mesures pour éviter que les membres des forces armées soient soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. Une attention particulière devrait être accordée aux catégories les plus vulnérables telles que, par exemple, les appelés et les minorités.

[12] Lorsqu’un membre des forces armées soulève un grief défendable selon lequel il ou elle aurait subi un traitement contraire à l’article 3 de la Convention, ou lorsque les autorités, sur la base d’éléments raisonnables, soupçonnent que ce soit le cas, une enquête officielle à la fois indépendante et effective devrait être rapidement menée. Cette enquête devrait être équitable, impartiale et indépendante vis-à-vis de la hiérarchie. Elle devrait être conduite avec célérité et permettre d’identifier et de sanctionner de manière adéquate les responsables afin de parer à toute impunité. Lorsque certaines pratiques qui s’analysent en une violation de l’article 3, telles que des rites d’initiation, des actes de brutalités ou de harcèlement, ont eu lieu, les responsables devraient répondre de leurs actes et être sanctionnés en conséquence. Les victimes de violations de l’article 3 devraient avoir accès à un recours effectif.

[13] Les Etats membres devraient prendre des mesures encourageant la dénonciation d’actes de torture et des mauvais traitements au sein des forces armées. Ils devraient, en outre, mettre en place un cadre légal ou administratif pour éviter toutes représailles à l’égard des membres des forces armées qui se sont plaints de mauvais traitements ou contre les personnes tierces ayant dénoncé de tels actes.

[14] Les membres des forces armées, lorsqu’ils sont notamment privés de leur liberté, devraient être traités avec humanité et respect pour la dignité inhérente à toute personne humaine, conformément aux droits protégés par la Convention, à la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l’Homme, ainsi qu’aux autres normes internationales et européennes.

[15] Quant aux sanctions disciplinaires, les sanctions collectives, les peines corporelles, le placement dans une cellule obscure, ainsi que toute autre forme de sanction inhumaine ou dégradante devraient être interdites. La sanction ne devrait pas consister en une interdiction totale de contacts avec la famille. La mise à l’isolement ne devrait pouvoir être imposée à titre de sanction que dans des cas exceptionnels, en dernier ressort, et pour une période définie et aussi courte que possible. Les instruments de contrainte ne devraient jamais être appliqués à titre de sanction.

Les membres des forces armées ne doivent pas être soumis à des travaux forcés ou obligatoires

[16] Le service militaire ainsi que les autres formes de services effectués à la place du service militaire obligatoire, ne doivent pas être considérés comme constitutifs de travail forcé ou obligatoire . La nature et la durée des autres formes de services effectués à la place du service militaire ne devraient pas être dissuasives, disproportionnées, et déraisonnables par rapport à celles d’un service militaire qu’il remplace.

[17] Les membres des forces armées ne devraient pas être utilisés pour accomplir des tâches incompatibles avec leur mission de service de la défense nationale, à l’exception de soutien d’urgence et civil apporté en vertu de la loi.

[18] Les autorités ne devraient pas imposer aux membres des forces armées professionnels des durées de service qui constitueraient une restriction déraisonnable au droit de quitter les forces armées et constituerait du travail forcé.

La discipline militaire devrait être équitable et des garanties procédurales devraient être assurées

[19] Chaque Etat devrait avoir compétence pour organiser son système de discipline militaire et jouit en la matière d’une certaine marge d’appréciation . Toutefois, seul un comportement susceptible de faire peser une menace sur la discipline militaire, le bon ordre, la sûreté et la sécurité devrait pouvoir être défini comme une faute disciplinaire. La sévérité de la sanction devrait être proportionnée à la gravité de l’infraction.

[20] Devraient être prévus par la loi : les actes ou omissions des membres des forces armées constituant une infraction disciplinaire, les procédures à suivre en matière disciplinaire, le type et la durée des sanctions disciplinaires pouvant être infligées, l’autorité compétente pour infliger ces sanctions, et tout droit de recours ou d’appel.

[21] Toute allégation de violation des règles de discipline par un membre des forces armées devrait être signalée rapidement à l’autorité compétente qui devrait lancer une enquête dans les meilleurs délais.

[22] Les membres des forces armées accusés d’une infraction disciplinaire devraient être informés rapidement et de manière détaillée de la nature des accusations portées contre eux. Lorsque l’article 6 est applicable, ils devraient avoir droit à un procès équitable. Ils devraient aussi avoir la possibilité de faire appel auprès d’une instance supérieure indépendante.

Les membres des forces armées ont droit à la liberté et à la sûreté

[23] Aucun membre des forces armées ne doit être privé de liberté sauf dans les cas prévus à l’article 5 § 1 de la Convention, et selon les voies légales.

[24] Tant que le recrutement pour le service militaire de personnes âgées de moins de 18 ans est maintenu, celles-ci ne devraient être détenues qu’en dernier ressort et pour la période appropriée la plus courte possible. Sauf si cela est dans l’intérêt de la personne concernée, elles devraient être détenues séparément des adultes.

[25] Tout membre des forces armées qui est arrêté ou détenu doit être informé dans le plus court délai :
– des raisons de son arrestation ou sa détention ;
– de toute accusation portée contre lui ;
– de ses droits procéduraux.

[26] Tout membre de forces armées qui est arrêté ou détenu devrait avoir le droit de contacter un représentant légal dans les meilleurs délais après avoir été placé en détention. Il devrait aussi avoir droit à une consultation privée et confidentielle avec un représentant légal avant tout interrogatoire.

[27] Lorsqu’ils sont arrêtés ou détenus dans le cadre d’une infraction pénale, les membres des forces armées doivent aussitôt être traduits devant un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires et avoir le droit d’être jugés dans un délai raisonnable, ou libérés pendant la procédure .

[28]Tout membre des forces armées privé de sa liberté doit avoir le droit d’introduire un recours devant un tribunal, afin qu’il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale . Il devrait s’agir d’un droit individuel, dont la garantie devrait relever à tout moment de la compétence exclusive des juridictions de droit commun.

[29] Tout membre des forces armées victime d’une arrestation ou d’une détention dans des conditions contraires à l’article 5 de la Convention doit bénéficier d’un droit à réparation .

[30] Toute sanction ou mesure disciplinaire qui équivaut à une privation de liberté au sens de l’article 5 § 1 de la Convention devrait satisfaire aux exigences de cette disposition. Une sanction ou mesure disciplinaire ne devrait pas échapper à l’article 5 quand elle se traduit par des restrictions s’écartant nettement des conditions normales de la vie au sein des forces armées. Pour savoir s’il en est ainsi, il y a lieu de tenir compte d’un ensemble d’éléments tels que la nature, la durée, les effets et les modalités d’exécution de la sanction ou de la mesure prononcée .

Les membres des forces armées ont droit à un procès équitable

[31] Tout membre des forces armées a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre lui. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l’accès de la salle d’audience devrait pouvoir être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l’intérêt de la moralité, de l’ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l’exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice.

Dans le cadre des procédures pénales

[32] Tout membre des forces armées accusé d’une infraction au sens de la Convention doit être présumé innocent jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie. Il doit jouir des droits minimums suivants :

– être informé dans le plus court délai, dans une langue qu’il comprend et d’une manière détaillée, de la nature et de la cause de l’accusation portée contre lui ;
– disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense ;
– se défendre lui-même ou avoir l’assistance d’un défenseur de son choix et, s’il n’a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d’office, lorsque les intérêts de la justice l’exigent, et ce dès les premiers stades de la procédure ;
– consulter un représentant légal hors de portée d’ouïe de tiers et sans aucun moyen de surveillance ;
– interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l’interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ;
– se faire assister gratuitement d’un interprète, s’il ne comprend pas ou ne parle pas la langue employée à l’audience ;
– être jugé en sa présence, et
– ne pas témoigner contre soi même ou de confesser sa culpabilité sous la contrainte.

[33] Les personnes qui n’ont pas atteint l’âge de 18 ans au moment de l’infraction alléguée et/ou du procès devraient être traitées d’une manière conforme à la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l’Homme, à la Convention des droits de l’enfant et aux autres normes internationales pertinentes.

[34] Afin de préserver l’indépendance et l’impartialité des autorités judiciaires responsables de la procédure pénale, il devrait y avoir une séparation nette entre les autorités chargées des poursuites et celles rendant la décision de justice.

[35] Conformément au principe du contradictoire et d’égalité des armes entre les parties, un membre des forces armées accusé d’une infraction devrait avoir un plein accès au dossier pénal, et ce dans la même mesure que dans toute procédure pénale contre des personnes civiles, et il devrait avoir le droit de présenter sa défense.

[36] Tout membre des forces armées reconnu coupable d’une infraction doit pouvoir intenter un recours devant une instance supérieure compétente et indépendante qui en dernier lieu doit être une juridiction indépendante et impartiale qui réponde aux conditions posées par l’article 6 , et ce dans la même mesure que dans d’autres procédures pénales contre des personnes civiles.

[37] Aucun membre des forces armées ne doit pouvoir être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d’après le droit national ou international. De même, il ne doit être infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l’infraction a été commise . Ceci ne doit pas porter atteinte au jugement et à la punition d’une personne coupable d’une action ou d’une omission qui, au moment où elle a été commise, était criminelle d’après les principes généraux de droit reconnus par les nations civilisées .

[38] Aucun membre des forces armées ne peut être poursuivi pénalement par les juridictions du même Etat en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définit conformément à la loi et la procédure pénale de cet Etat. Ceci n’empêche pas la réouverture du procès, conformément à la loi et à la procédure pénale de l’Etat concerné, si des faits nouveaux ou nouvellement révélés ou un vice fondamental dans la procédure précédente sont de nature à affecter le jugement intervenu.

[39] Les garanties susmentionnées relatives à un procès équitable doivent s’appliquer à toute procédure qui est considérée comme pénale au sens de la Convention en raison de la nature de l’infraction et la gravité et le but de la peine potentielle, que cette procédure soit considérée comme disciplinaire ou pénale en droit interne .

Dans le cadre de procédures civiles

[40] Les membres des forces armées doivent avoir accès à un tribunal indépendant et impartial qui puisse examiner les contestations sur leurs droits et obligations de caractère civil. Toute exclusion du droit d’accès à un tribunal en matière civile devrait être expressément prévue par la loi et devrait, en outre, être justifiée par des motifs objectifs d’intérêt étatique.

[41] Les membres des forces armées qui n’ont pas de moyens pécuniaires suffisants pour rémunérer un défenseur devraient bénéficier, aux mêmes conditions que les civils, de l’aide judiciaire indispensable pour assurer un accès effectif à la justice .

Compétence des tribunaux militaires et garanties procédurales

[42] L’organisation et le fonctionnement des juridictions militaires, lorsque celles-ci existent, devraient pleinement assurer le droit de toute personne à un tribunal compétent, indépendant et impartial, lors de toutes les phases de la procédure. Les personnes sélectionnées pour exercer les fonctions de magistrat dans les juridictions militaires devraient être intègres et compétentes et avoir la formation et des qualifications juridiques nécessaires. Le statut des magistrats militaires devrait garantir leur indépendance et leur impartialité, notamment par rapport à la hiérarchie militaire .

[43] Les débats devraient être publics. La tenue d’audiences à huis clos devrait rester exceptionnelle et faire l’objet d’une décision spécifique et motivée, soumise à un contrôle de légalité .

[44] Lorsque les membres de forces armées sont susceptibles d’attrait à la fois par une juridiction militaire et une juridiction de droit commun, et qu’il y a un élément civil dans l’infraction, la priorité doit être donné à la juridiction de droit commun, pour autant qu’elle soit conforme à la Convention.

[45] Lorsque des infractions pénales sont jugées par un tribunal militaire, ces tribunaux devraient comporter à tout le moins un juge de droit commun.

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