Livre Blanc sur la Sécurité ( 2 / 2 ) [Jacky Mestries]

Vous allez me trouver particulièrement sévère sur le contenu des propositions de Messieurs Gaudin et Bauer, pourtant, j’ai essayé de les lire avec dans l’esprit le parti pris d’en trouver les bons aspects. Histoire d’être positif, comme le directeur de la Gendarmerie devant la commission de la défense.

Question de perspective

Vous rappelez-vous de la fable du soleil carré ? Je n’en ai pas retrouvé la trace sur le net pour vous permettre de la retrouver dans son intégralité.

Dans une cave, la société des poules qui y vivait vénérait le soleil carré qui chaque jour parcourait le sol. Sa lumière passait au travers d’une fenêtre et la société des poules ne voyait que le rayon carré projeté sur le sol. Il était indiscutable que le soleil était carré. Les grands prêtres des poules punissaient quiconque osait prétendre à une supercherie.

J’ai un peu l’impression, qu’en ce moment, en matière de sécurité, nous ne regardons que les effets de causes qui doivent être ignorées. J’irai même plus loin.

Sera poursuivi pour blasphème celui qui portera la parole contraire à celle des grands prêtres.

Du haut de leur autel, les grands prêtres peuvent changer radicalement de doctrine, jamais il ne sera accepté de mettre en cause leurs compétences sur la base des erreurs évidentes de la religion précédente.

Pourquoi aujourd’hui auraient-ils plus de crédit qu’ils n’en avaient auparavant ? J’ai plutôt tendance à penser que c’est le contraire que nous devons constater.

Forts de la constance dans notre discours, nous pouvons regarder aujourd’hui les propositions des nos grands prêtres, aujourd’hui Messieurs Gaudin et Bauer.

Manque d’analyse.

Le plus grand défaut que je trouve à ce livre blanc est un manque de description de la situation aujourd’hui en 2011, et une étude sur les erreurs faites pour introduire les propositions nouvelles.

La vérité est simple. Nos grands savants restent persuadés de la pertinence de l’orientation qu’ils ont insufflée au pays et en remettent une couche.

  • J’aurais aimé lire un exposé des conséquences de la crise sociale et financière sur la délinquance, sur la nécessité du recours à l’économie parallèle ici et là.
  • J’aurais apprécié un exposé sur la montée de la puissance religieuse dans certains quartiers et le détachement qu’il engendre aux valeurs de la république.
  • J’aurais trouvé judicieux une étude sur les conséquences du mot « guerre » que l’on a appliqué à la délinquance et savoir si le passage constaté à une délinquance de plus en plus violente est une cause ou un effet de la violence des armées que nous déployons de temps à autres sur notre territoire.
  • J’aurais aimé, enfin que l’on nous explique, au delà des arguments bateaux, pourquoi des mômes de 10 ans font les guetteurs des voyous et se trouvent dans la rue à minuit, et pourquoi tant d’indulgence pour ces parents qui manquent à tous leurs devoirs.

Sans cette analyse, les propositions contenues dans le livre blanc restent très théoriques.

Nivellement par le bas ?

Elle le sont. Lorsque j’en ai eu terminé la lecture, j’ai eu l’impression de revenir à ma formation de base de gendarme, il y a bientôt quarante ans. La police a-t-elle un tel retard ? C’est ce que je me demande. La Gendarmerie a-t-elle à ce point régressé ? Pourquoi mettre les gendarmes dans le même panier, alors que d’évidence, ils ont depuis longtemps assimilé les bases demandées aujourd’hui. Les nouveaux moyens à employer ne sont que des outils supplémentaires, rien de plus.

Les mesures précédentes ont causé des dommages graves au rapport de la gendarmerie et de la police avec la population. Celles proposées n’y changeront rien. La confiance ne se décrète pas.

Les propositions :

Le premier thème traité est l’accueil du public. Mais la contradiction entre un véritable accueil des citoyens en détresse et les plaintes par internet, ou le seul lien téléphonique, n’apparaît pas comme une évidence aux auteurs du Livre Blanc. Le soleil est carré.

Visibilité des patrouilles : D’un côté on demande aux gendarmes de se cacher et de banaliser leurs moyens pour piéger les contrevenants et d’un autre côté, on prétend rendre visible les patrouilles. Le soleil est carré.

J’entends bien, ce n’est pas la même mission, prétend-on !! Pas d’accord. Comme votre policier qui va faire la leçon aux bambins dans les écoles doit être celui qu’ils vont voir poursuivre le voleur, le policier qui va voir le commerçant doit être celui capable de lui expliquer la publicité sur les prix ou regarder les dates de fraîcheur sur les produits.

Prévention et répression sont intimement liées. Il n’y a pas d’un côté une chose et de l’autre une autre.

N’importe quel gendarme va devoir aller expliquer ça au ministère.

Réactivité des patrouilles : Pour la Gendarmerie c’est gagné, la plus grande part de son territoire est à une demi-heure de la brigade la plus proche et vous pouvez mettre tous les satellites du monde à disposition des services de coordination, cela n’y changera rien. Les populations les plus faibles, les anciens dans les campagnes doivent subir. Mais quelle importance, après tout, statistiquement ils ne représentent rien.

Nous passons ensuite aux conseils pour améliorer la procédure pénale. Le concept est clair, travailler sur les délais, améliorer la production. Comme je vous le disais, la procédure de flagrant délit devient inadaptée. Le chemin de la procédure anglo-saxonne se dessine devant nous, et bien sûr, les particularités de nos sociétés devront s’adapter à la procédure, pas l’inverse. Le soleil est carré.

Mais il semble bien que jusqu’à aujourd’hui, les policiers et les gendarmes soient si nuls dans la poursuite de la délinquance qu’il faille les renvoyer à l’école pour travailler les techniques d’audition par exemple. Les auteurs du rapport n’ont visiblement pas fait de passage dans les écoles de gendarmerie et ils ignorent parfaitement ce qui est fait. Je leur conseille, à eux d’aller faire un stage avant d’écrire des choses pareilles.

Des nouveautés :

Mais nous avons droit à des nouveautés. Vieux rêve des chefs de la gendarmerie, ceux que je connais le mieux, ils veulent diriger eux-mêmes les O.P.J. dans leurs investigations et se supplanter aux magistrats. Cela revient à faire du préfet, le directeur de la police judiciaire sur son secteur. La boucle est bouclée, les magistrats pourront bien chanter ce qu’ils veulent, les autorités ne feront que ce qu’elles ont envie.

Vous pouvez dire ce que vous voulez, il y a une cohérence certaine dans la poursuite de l’action du ministre de l’intérieur Sarkozy ; tenir la justice.

Une autre nouveauté, le secrétariat procédural. Ca fait chouette comme ça sur le papier, c’est tentant, sauf qu’avec les traitements de texte, faire un brouillon et le mettre en forme prend moins de temps que de lire et relire un procès-verbal, et l’annoter pour le renvoyer de multiples fois à un secrétariat. L’influence des feuilletons télé, visiblement. Toujours sur le front, les O.P.J……………., jamais un papier à écrire……

Qu’est-ce qu’on attend ?

Je n’irai pas à l’encontre du rapprochement inter-institutionnel, ni de la dématérialisation des procédures. Il faut voir ce qu’en disent les avocats.

Le système imaginé est simple. Rendre police, gendarmerie et justice compatibles pour le transfert et le suivi des procédures. Il faudra mettre la défense dans la boucle, tôt ou tard. Je conseille aux informaticiens de se pencher sur le sujet dés à présent.

Le vrai problème restera celui du secret des procédures auquel il faudra renoncer.

Fusion épisode deux :

Sujet cher à la direction de la police, la redondance de l’action des services de sécurité.

N’y voyez pas autre chose que là où il y a un service de police judiciaire de la police, il faut supprimer le service de gendarmerie correspondant, mais jamais l’inverse. Là où il y a un RAID, pas besoin de GIGN, d’ailleurs avant la parution de ce livre blanc, la direction de la police en a fait la preuve à Tripoli.

Mais pourquoi arrêter la police en chemin ? Ils devraient mettre des commissaires politiques dans les unités militaires en opération. J’exagère à peine. Quand on va faire du lobbying à Washington, je ne vois pas ce qui peut arrêter une pareille administration.

Les auteurs nous entraînent sur la place de la police municipale dans la cité pour glisser sur la gouvernance de la sécurité intérieure.

Le sujet est adroitement mené pour conduire à une révision de la loi sur la Gendarmerie et enlever les articles revenus subrepticement au moment de son vote, malgré les actions conduites à l’assemblée nationale par les syndicats de police.

Bref, le sujet est de faire des directeurs départementaux de la sécurité publique, les chefs hiérarchiques des officiers de gendarmerie, puis les officiers de police les chefs hiérarchiques des gendarmes. De toutes façons cette loi de 2009 ne gène pas grand monde quand on voit ce qui se passe réellement.

Je vous le disais, il n’y plus aucune raison que les gendarmes départementaux restent militaires

Et le renseignement :

Le renseignement est un enjeu que les auteurs du livre blanc ne pouvaient ignorer. Ne cherchez pas, il n’y a rien de pertinent, sauf que nous apprenons qu’il faut le professionnaliser. Ah bon, aujourd’hui ce sont des amateurs qui en sont chargés, ça va faire plaisir…..

Maintien de l’ordre :

L’ordre public revient tout de même sur la scène. Les manifestations doivent être dirigées depuis la préfecture, c’est à peu près ce que je lis. Coluche n’est pas mort….. Et la participation à une manifestation interdite doit pouvoir être véritablement réprimée. Avec une contravention, ce sera plus efficace.

Le livre blanc préconise la….

Lire la suite sur le site lagrognegend en cliquant [ICI]

Lire également:

La Grogne et Le Livre Blanc sur la sécurité intérieure ( 1 / 2 ) (Jacky Mestries)

À lire également