Le mouvement d’expression du mécontentement dans les armées s’organise

Alors que le forum « gendarmes et citoyens », qui a connu son heure de gloire lorsque le commandant Jean-Hugues Matelly l’animait, semble amorcer une réflexion sur l’utilité de fédérer les organismes de contestation , les dirigeants de l’association de défense des droits des militaires (ADEFDROMIL), de l’association militaires et citoyens et de la grogne dans la gendarmerie se sont rencontrés le 20 et 21 octobre dernier à ORADOUR SUR GLANE.

La première journée, sous le signe de la convivialité, a été principalement consacrée à la réflexion sur le thème de la défense d’une nouvelle conception de l’armée, celle des citoyens en uniforme.

Jacques Bessy, président de l’Adefdromil, son infatigable vice-président Michel Bavoil, et Annie Romério, sa conseillère se sont largement concertés avec Nicolas Bara, président de l’association militaires et citoyens, accompagné du trésorier Ronald Guillaumont et avec Jacky Mestries, chef de file de « La grogne dans la gendarmerie » qu’accompagnait son complice Michel Munier.

Cette réunion susceptible d’unifier les efforts des différents « mouvements » et de fédérer les actions a été très fructueuse et les participants semblaient particulièrement satisfaits des orientations communes prises.

Le lendemain, à l’issue d’un déjeuner pris en commun,  les délégations se sont rendues à ORADOUR-SUR-GLANE où elles ont été accueillies par Robert Hébras, l’un des rares rescapés du massacre commis le 10 juin 1944.

D’un pas alerte, Robert Hébras a mené la visite du centre de mémoire puis de l’ancien village, conservé à l’état de ruine, afin de témoigner des souffrances infligées aux hommes, femmes et enfants de cette petite bourgade.

Rejoints par Raymond Frugier, maire d’Oradour-sur-Glane, Jacques Bessy et Nicolas Bara ont déposé une gerbe au pied du mémorial puis Raymond Frugier a accueilli les délégations à la mairie. A cette occasion, Jacques Bessy a prononcé une allocution ci-après reproduite :

« Monsieur le Maire, Mesdames, Messieurs, Chers camarades,

C’est évidemment avec beaucoup d’émotion que l’Association de Défense des droits des militaires, l’association Militaires et Citoyens et ceux qui nous accompagnent, rendent aujourd’hui hommage aux victimes du massacre d’Oradour sur Glane perpétré le 10 juin 1944.

Je voudrais tout d’abord, vous remercier, Monsieur le Maire, d’avoir accepté d’accueillir notre modeste délégation. Nous savons que l’agenda du premier magistrat d’une commune est toujours chargé. Il l’est encore plus à Oradour où la gestion, l’administration doivent sans cesse prendre en compte le poids de l’histoire, la douleur du souvenir.

Je voudrais aussi exprimer ma gratitude à celle sans laquelle cette cérémonie n’aurait pas eu lieu, l’infatigable Majore Annie Romerio, dévouée à notre association, fidèle à sa région et fière de ses origines. Elle est pour nous un exemple de foi, de vitalité et de jeunesse.

Enfin, et bien sûr, nos profonds, sincères et respectueux remerciements vont à M. Robert Hebras, lui aussi infatigable témoin d’un crime de guerre entré dans l’histoire de France comme le symbole de la barbarie. Il est le survivant des survivants et sa présence, son discours sans haine ont contribué à notre profond recueillement, à notre émotion.

Cette émotion est d’autant plus forte que tous ceux qui composent notre délégation –hormis Mme Romerio – ont la chance, je dirais le privilège, de n’avoir participé à aucune guerre. Pour prendre mon exemple familial : mon grand-père, sergent au 60ème Régiment d’infanterie, a été un poilu d’Orient, mon père né en 1918, est parti au service militaire en 1938 pour ne rentrer qu’en 1945, libéré par les Russes de son long séjour en Prusse Orientale. Moi-même, comme Michel Bavoil, fondateur de l’Adefdromi, né en 1949, j’ai la chance de n’avoir été l’acteur d’aucune guerre.

Pour notre génération, la seconde guerre mondiale, c’était quelque chose de lointain, de révolu. C’était la guerre de nos pères. Bien sûr, le jeune homme élevé dans l’Ain que je suis, a entendu parler du maquis, du défilé du 11 novembre 1943 à Oyonnax, des exactions allemandes, des fusillés, des représailles et de Dortan, village martyr situé à la limite du Jura. Mais pour nous, c’était le passé, quelque chose qui ne pouvait se reproduire.

Aujourd’hui, notre visite à Oradour abolit la distance entre les générations. Nous nous sentons totalement solidaires de M. Hebras, de son témoignage douloureux, qui sonne comme une alerte. Et, il suffit de regarder l’histoire des vingt cinq dernières années pour comprendre que tout peut recommencer, que d’autres Oradours sont hélas possibles.

Car, comme l’a dit Cioran, philosophe roumain de langue française : « La barbarie est accessible à tous, il suffit d’y prendre goût. »

Trois exemples du passé récent montrent combien il faut rester vigilant : la guerre en Tchétchénie, lointaine et peu médiatisée, mais qui a été l’occasion d’atrocités commises sur les populations civiles, la guerre en ex-Yougoslavie, rémanence de la deuxième guerre mondiale, qui a accouché du massacre de Srebrenica, et aujourd’hui de l’autre côté de la Méditerranée, au Proche Orient, les tueries opérées sans état d’âme sur la population syrienne par sa propre armée.

Malheureusement, le crime d’Oradour est largement resté impuni pour diverses raisons bien connues. Mais, on a d’une certaine manière tiré les leçons de ces échecs. La communauté internationale s’est donc efforcée de mettre en œuvre la célèbre pensée de Pascal « La justice sans la force est impuissante »…« la force sans la justice est tyrannique…Il faut donc mettre ensemble la justice et la force, et pour cela faire que ce qui est juste soit fort ou que ce qui est fort soit juste. » Ainsi, il faut se réjouir de la création du tribunal pénal international qui constitue un acte fort destiné à prévenir et à juger les crimes de guerre et les génocides contemporains.

Il y a évidemment beaucoup de cérémonies à Oradour et vous voyez passer de nombreuses délégations françaises et étrangères.

Nous n’en sommes qu’une parmi d’autres. Toutefois, je voudrais souligner que notre présence revêt une certaine originalité.

En effet, nous ne sommes ni des associations d’anciens combattants, ni des associations de retraités.

Nous défendons une nouvelle conception de l’armée, celle des citoyens en uniforme pour reprendre l’appellation de l’organisation européenne des associations militaires, Euromil, dont nous sommes membres.

Ainsi, nous défendons les droits de ceux qui servent leur pays sous l’uniforme.

Parmi ces droits, il y a celui de refuser l’exécution d’ordres manifestement illégaux. Et nous pensons, que des associations professionnelles de militaires peuvent être une garantie démocratique à la fois contre tout risque de dérive militaire contre le pouvoir politique, et contre tout risque d’un usage de la force non conforme au droit.

C’est la raison pour laquelle nous appelons de nos vœux à la modification profonde du statut général des militaires pour leur permettre de s’associer en vue de la défense de leurs droits et leurs intérêts comme dans de nombreux autres pays européens.

C’est donc en pensant à l’avenir de la France, de l’Europe, du monde, que nous nous inclinons aujourd’hui, avec beaucoup de respect et d’émotion, devant les victimes du massacre du 10 juin 1944, afin que leur martyr serve aux générations futures.

Vive Oradour sur Glane, vive la République, vive la France. »

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Cette publication a un commentaire

  1. Louis Guénolé Saint-Hilaire

    Juste une chouille républicaine d’automne, avec moment de recueillement et vin d’honneur avant de passer aux produits du terroir ?
    « (…) Moi-même, comme Michel Bavoil, fondateur de l’Adefdromil, né en 1949, j’ai la chance de n’avoir été l’acteur d’aucune guerre. (…) »
    Le président Bessy est trop modeste.
    Certes, les conflits armés vécus par sa génération et les suivantes, dont la mienne et jusqu’à aujourd’hui, ne sont pas la guerre mondiale othonormée, avec « bons » et « méchants », « héros du front » et « embusqués de l’arrière », cours martiales de Tokyo et procès de Nuremberg.
    La Françafrique, Pol Pot, Kim Jong Il, Khadafi, Hafez El Assad, Carlos… l’émergence de la guerre terroriste asymétrique, le Golfe I et ses « frappes chirurgicales » puis le 11 septembre 2001 et le Golfe II, un remake de la guerre d’Algérie, Irak et Afghanistan.
    Des dictateurs déboulonnés au nomde la démocratie et abattus come des chiens, Saddam et Khadafi, bientôt remplacés par de démocratiques islamistes.

    Oui, notre monde est de plus en plus imprévisible et dangereux, miné plus encore par la spéculation financière que par le terrorisme.
    C’est pourquoi nous avons besoin d’armées et d’une gendarmerie fortes, pétries de valeurs citoyennes et républicaines, ouvertes sur le monde et ses diversités ethniques, culturelles et religieuses.
    En aucun cas de mercenaires, y compris habillés en « sociétés privées », ni de joueurs de casino aux manettes de la finance mondiale.
    Bientôt, les élections !

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