Est-il temps de réformer le Conseil constitutionnel ? (par Michaël Chetrit, vice-président de l’association internationale pour la défense des droits fondamentaux (AIDDF)

L’affaire judiciaire dans laquelle est impliqué le précédent président de la République repose la question du mode de désignation des membres du Conseil constitutionnel. Issu des articles 56 à 63 de la Constitution de 1958, le Conseil constitutionnel présente en effet une spécificité unique en Europe.

Alors que dans tous les pays européens, l’institution est une véritable « Cour constitutionnelle » composée de magistrats professionnels indépendants, en France, ses membres sont désignés par le pouvoir politique pour neuf ans, respectivement par le président de la République et par le président de chacune des assemblées du Parlement, Sénat et Assemblée nationale. Pour comble, les anciens présidents de la République sont membres de droit, à vie.

Ainsi, sur les onze membres du Conseil constitutionnel actuellement en fonction, tous sont issus des rangs de la droite à l’exception d’un ancien sénateur exclu du parti socialiste, et sept d’entre eux sont d’anciens parlementaires.

Dès lors, le mode de nomination des membres du Conseil constitutionnel présente-t-il les garanties suffisantes pour que les citoyens soient assurés de l’impartialité de ses membres ?

Voilà une question qui pourrait lui être soumise, car les attributions dévolues au Conseil constitutionnel, institution garante des droits et libertés fondamentales, ressortent éminemment du domaine politique et sont essentielles au bon fonctionnement de notre démocratie, qu’on en juge : contentieux électoral et référendaire, contrôle de constitutionnalité des textes législatifs non encore promulgués, et depuis mars 2010, contrôle des lois promulguées dans le cadre de la question prioritaire de constitutionnalité.

Ainsi, un Conseil constitutionnel de droite est-t-il enclin à censurer une disposition figurant dans une loi déposée par un gouvernement du même bord, et inversement ?

Comment expliquer que sur 150 questions prioritaires de constitutionnalité examinées, pourtant renvoyées devant le Conseil constitutionnel par la Cour de cassation ou le Conseil d’Etat à raison de leur caractère jugé « sérieux », seules 22 ont été déclarés non-conformes à la Constitution en totalité, et 11 non-conformes partiellement ?

Pourquoi le secrétariat général du gouvernement, qui représente le gouvernement aux audiences du Conseil constitutionnel en matière de question prioritaire de constitutionnalité, ne plaide-t-il jamais en faveur de la censure de la disposition législative en cause ?

On pourra citer une affaire récente édifiante, dont nous avons été à l’initiative. Le 30 septembre, le Conseil constitutionnel a eu à apprécier, sur renvoi de la Cour de cassation, si une loi pouvait confier à un décret le soin de définir la juridiction chargée de connaître des contentieux relatifs aux honoraires d’avocats.

Ce décret rédigé par le gouvernement, aurait pu attribuer cette compétence aux tribunaux de droit commun, mais a curieusement préféré créer un nouvel ordre de juridiction en la confiant à titre exclusif au bâtonnier de l’ordre des avocats en premier ressort, alors que la Constitution prévoit à son article 34 que la création d’un nouvel ordre de juridiction est du domaine de la loi et non d’un décret.

Or, cela pose un problème d’impartialité évident, car qui est le bâtonnier de l’ordre des avocats, si ce n’est le représentant des avocats élu par ses pairs pourdéfendre leurs intérêts catégoriels ?

A l’audience devant le Conseil constitutionnel, sont ainsi venus plaider….

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