« En France, les sociétés militaires privées demeurent un tabou » (Jean Guisnel)

Grand reporter à « Paris Match », Patrick Forestier est allé enquêter pour Canal+ sur ces militaires privés qui opèrent en Afghanistan. Ébouriffant, et glaçant ! Interview. Par 

LePoint.fr : Votre reportage sur les sociétés militaires privées (SMP) sera diffusé le 3 octobre à 22 h 30 sur Canal+, dans l’émission Spécial Investigation, à la suite du biopic Mister Bob de Thomas Vincent, une fiction sur un épisode de la vie du mercenaire français Bob Denard (1). Quand on parle aujourd’hui des SMP, parle-t-on de la même chose que des mercenaires ?

Patrick Forestier : Pas du tout. Cela n’a rien à voir. Les mercenaires d’autrefois travaillaient pour des intérêts privés, ou pour des intérêts d’États comme la France ou la Grande-Bretagne, mais avec des rênes très longues. Tandis que les SMP travaillent exclusivement pour le compte du gouvernement de leur pays d’origine. Qu’elles soient britanniques ou américaines, elles disposent de contrats des ministères de la Défense ou des Affaires étrangères. Ce sont des supplétifs de l’armée régulière.

Peut-être travaillent-ils pour le gouvernement de leurs pays, mais ne servent-ils pas surtout à faire réaliser des profits à leurs actionnaires ?

Certes. Depuis le début de la guerre en Irak en 2003, leur croissance a été exponentielle et ces sociétés se sont mises à brasser des sommes colossales. Entre elles, elles s’appellent d’ailleurs « l’industrie » et plusieurs de ces sociétés sont cotées en Bourse. Mais elles insistent sur le fait qu’elles travaillent directement ou indirectement pour leur gouvernement. C’est en ce sens que ce ne sont pas des mercenaires.

C’est bien pour cette raison qu’il n’existe pas de société militaire privée en France, puisque la loi ne l’autorise pas.

Exactement. La loi n° 2003-340 du 14 avril 2003 relative à la répression de l’activité de mercenaire est ambiguë. Elle interdit certes le mercenariat, mais pas les activités des sociétés qui travailleraient selon les lois anglo-saxonnes. La réalité, c’est que celles-ci ne sont pas du tout entrées dans les moeurs en France, qu’elles ne sont pas acceptées. C’est un tabou. Pourtant, à l’étranger, ces entreprises ne peuvent conduire aucune activité sans des autorisations très officielles. C’est très encadré.

Les images que vous avez rapportées, notamment d’Afghanistan, sont terribles. Elles montrent que les SMP, quand elles se conduisent mal, agissent dans une quasi-impunité. Dans un véritable espace de non-droit…

Il est vrai que les principes sont une chose, mais que sur le terrain le bât blesse. On y assiste à des écarts de conduite très importants. Je cite le cas d’un accident de voiture sur la route de Kaboul à Djalalabad, particulièrement dangereuse. Deux contractuels de Paravent, une filiale de la société Xe (ex-Blackwater), sont entrés en collision avec un panneau publicitaire, attirant les badauds. Quand ils ont vu ces gens, les deux contractuels se sont affolés et se sont mis à rafaler dans tous les sens. Il y a eu des morts et des blessés, alors qu’ils n’avaient jamais été menacés !

Au terme de cette enquête, considérez-vous que la France pourrait déléguer le droit de porter des armes à des sociétés privées ?

Le port d’armes est un droit régalien. Mais…

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