Lettre adressée le 8 mai 2008

Monsieur le Président,
Madame, Monsieur,

Merci pour cet article dont la teneur rejoint les préoccupations lancinantes qui sont les miennes depuis l’accident de l’un de mes enfants, engagé sous anonymat à la Légion, qui y a été blessé en service-en principe-commandé et dont le Livret militaire ne fait même pas état d’un quelconque accident en service [il est réformé P=5 (psychotique, après avoir été placé 3 ans en CLDM (où sont les blessures ?), rayé des cadres pour infirmités imputables au service et admis à faire valoir ses droits à la retraite (à 30 ans)].

À l’hôpital, gravement touché et très seul, il a demandé à plusieurs reprises à ce que je sois prévenue. En vain. Au mépris ne serait-ce que du simple « droit du malade » !

Et quand après une nouvelle catastrophe je fus enfin alertée par un médecin un peu plus humain et/ou peut-être plus au fait des textes en vigueur, un autre n’hésita pas à me dire, au pied même du lit du blessé alors que j’arrivais à peine à son chevet, que lui ne l’aurait pas fait car ce légionnaire, il était sous anonymat.

Bien que d’une famille de militaires depuis XX générations dans laquelle le respect de…. n’était pas pris à la légère, cette assertion m’a estomaquée, d’autant plus que mon nom figurait déjà en toutes lettres sur les documents administratifs. Qu’est-ce qui autorisait cette personne à parler ainsi alors que mon enfant pouvait mourir d’un instant à l’autre ? Sur quelle planète nous trouvions-nous ?

Rassurons-nous… À la suite de ce 1er jour fatidique, bien d’autres comportements me sont apparus très étranges et il y aura lieu, un jour, de s’étendre plus longuement sur le sujet.

Depuis, je me suis retroussée les manches et j’ai tenté de comprendre, avec l’aide de ses frères et des quelques personnes qui se sont intéressées avec une grande gentillesse à nos problèmes.

M’autoriserez-vous à vous faire part de quelques-unes de mes réflexions, à vous apporter notre propre témoignage ?

Tout d’abord, ce droit à l’anonymat, d’où vient-il et que recouvre-t-il exactement ?

Il y a de nombreux textes, d’inégal intérêt ; cependant, ils convergent et s’accordent sur l’essentiel.

1) Vous dites avec raison que le site officiel de l’armée de terre indique que l’engagement « sous identité déclarée » est obligatoire, Légion-recrute s’en fait l’écho. Personne n’aurait l’idée de remettre en question ce postulat (initiatique ?). Mais, cela ne veut en aucune façon dire que l’identité doit être imposée ou doit être changée. Le choix relève du libre arbitre de la personne qui s’engage, laquelle peut même dire qu’elle s’appelle « identité de naissance » et que c’est son « identité déclarée ». Ce n’est pas une question de sémantique, c’est juste ce que veulent dire les mots. User de chantage, de pression, de son ascendant, de sa position hiérarchique, de moyens coercitifs pour en faire changer devrait se voir revêtir du qualificatif approprié, outre le fait que cela laisse à penser que ce n’est pas si innocent sur le fond.

Le statut même du légionnaire, qui est un volontaire, confirme ce sens.

Dans son livre “Coutumes et traditions de la Légion Étrangère : comment former un corps d’élite”, Marie Larroumet, que l’on ne peut targuer d’anti-légion primaire ou primale, dit : En signant son contrat d’engagement, le légionnaire a la possibilité de laisser son passé derrière lui et de s’engager sous anonymat. S’engager sous une identité d’emprunt est une possibilité offerte par la loi et non une obligation… C’est ainsi que le candidat qui se présente à la Légion est engagé sous l’identité qu’il veut bien déclarer… Le légionnaire, qu’il soit d’origine française ou étrangère, est considéré comme un étranger et, à ce titre, sert à titre étranger. La Légion Étrangère se doit, en toute circonstance, de respecter cet anonymat. Le site de l’Ambassade de France aux Etats-Unis et celui de l’Ambassade de France en Malaisie précisent : Une fois qu’il a rejoint la Légion, sous un pseudonyme s’il le désire, le légionnaire, grâce au droit à l’anonymat, jouit d’une protection inégalée durant la totalité de son mandat. Seul lui est en mesure de décider quand cesser de jouir de ce droit. Dans sa communication au Sénat le 9 février 2005, lors de travaux de la Commission des Finances, M. Maurice Blin a présenté les conclusions du contrôle effectué sur la Légion Étrangère : Cet amalgame des nationalités est rendu possible par un statut particulier, permettant d’ignorer la nationalité originelle du légionnaire : l’identité déclarée. Sur le site même du 2ème REP – “More Majorum” – Historique de la Légion Étrangère, on peut lire : Quant à « l’anonymat » légionnaire, il était dès lors prévu puisque le candidat pouvait s’engager sans justifier de son identité.

Lorsqu’en 1931 le Général Paul Frédéric Rollet, alors inspecteur de la Légion (1931-1934) et figure mythique de ce corps, mit en place les structures de la Légion étrangère qui sont les mêmes aujourd’hui, il ne modifia pas la forme de cet engagement.

En somme, l’anonymat est une disposition légale offerte par la Légion Étrangère à toute personne qui postule à l’engagement en son sein, laquelle fournit l’identité déclarée de son choix avec la liberté d’en sortir à tout moment. En échange de cet engagement à servir, éventuellement jusqu’au sacrifice de sa vie, la Légion Étrangère a le devoir de garantir cet anonymat, de le respecter et de le protéger. Et par extrapolation, l’État français aussi puisque la L.E. relève de l’Armée de Terre.

2) En revanche, cette identité déclarée, cet anonymat de fait, par choix ou par obligation, interpelle sur un certain nombre d’autres points.

En s’engageant, le postulant légionnaire remet à qui de droit l’intégralité de ses papiers. En échange, il reçoit un matricule et une carte d’identité militaire française portant le nom qu’il indiqua comme étant son identité déclarée ainsi que des date et lieu de naissance, déclarés eux aussi (il en est de même pour ses parents), son numéro de sécurité sociale suivant le même parcours, etc., etc. Mais en réalité, il n’existe plus hormis dans les dossiers de la Légion Étrangère, il n’a aucune existence légale !!!
Il n’a plus aucun droit, aucune liberté individuelle, ne serait-ce qu’élémentaires, car il n’a plus de papiers (date et lieu de naissance “bidon”, parents de même) et il ne peut en avoir avant d’être “rectifié” (au bout du 1er contrat, en général alors que les textes offrent cette possibilité au bout d’un ou deux ans).
Il ne peut plus rien faire sans avoir à demander l’autorisation, à condition qu’elle lui soit ensuite accordée.
Pas de carnet de chèques, pas de carte de crédit, pas de téléphone, pas de voiture, pas de crédit, pas de logement personnel, pas d’emprunt, pas de possibilité de partir en vacances “ailleurs”, pas de…, pas de … même s’il existe l’exotisme des OPEX, des tournantes sous les cocotiers ou dans des lieux moins rassurants… même s’il y a le sentiment d’être des HOMMES, des VRAIS, des PURS, des DURS avec de grandes poussées d’adrénaline et de fraternité… même s’il y a la certitude d’avoir -peut-être- retrouvé de VRAIES VALEURS… Pour certains, ce choix est mûrement réfléchi.
Pour les autres, comment savoir s’ils ont compris ce que cet engagement recouvrait, comment savoir s’ils en ont eu l’information et la pleine connaissance ?

Que se passe-t-il en cas de “pépin” ?

Qu’arrive-t-il lorsque les problèmes ne participent pas du mythe ?

Est-il envisageable que l’encadrement, après vérification quant à une opposition formelle de l’intéressé, entreprenne automatiquement et rapidement les démarches pour prévenir les proches ?

L’exemple de ce qui s’est survenu à mon fils, isolé, abandonné, demandant à entrer en contact avec sa hiérarchie sans recevoir de réponse (cf. les transmissions des services médicaux), sans aucune possibilité de joindre quiconque, sans personne avec qui parler véritablement, endurant des souffrances sans nom sans que quelqu’un daigne lui expliquer ce qui se passe ou prenne en compte sa douleur physique et morale, n’ayant pas le secours de sa famille maintenue volontairement dans l’ignorance, tendrait à prouver que non.

Trop d’exemples de ce type surgissent, les droits des êtres humains sont parfois véritablement bafoués et il va sans dire que la CEDH s’y intéressera de près.

Il est regrettable que les comportements de certains, que d’autres laissent perdurer, ternissent la mémoire d’hommes remarquables et entachent la gloire de telles unités.

Merci de votre écoute, merci de ce que vous faites.

Continuez et recevez nos meilleures salutations.

Missy, mère de para.

Pour mémoire ou à titre informatif :

CODE D’HONNEUR DU LÉGIONNAIRE

Légionnaire, tu es un volontaire, servant la France avec honneur et fidélité. Chaque légionnaire est ton frère d’arme, quelle que soit sa nationalité, sa race, sa religion. Tu lui manifestes toujours la solidarité étroite qui doit unir les membres d’une même famille. Respectueux des traditions, attaché à tes chefs, la discipline et la camaraderie sont ta force, le courage et la loyauté tes vertus. Fier de ton état de légionnaire, tu le montres dans ta tenue toujours élégante, ton comportement toujours digne mais modeste, ton casernement toujours net. Soldat d’élite, tu t’entraînes avec rigueur, tu entretiens ton arme comme ton bien le plus précieux, tu as le souci constant de ta forme physique. La mission est sacrée, tu l’exécutes jusqu’au bout, dans le respect des lois, des coutumes de la guerre et des conventions internationales et, si besoin, au péril de ta vie. Au combat, tu agis sans passion et sans haine, tu respectes les ennemis vaincus, tu n’abandonnes jamais ni tes morts, ni tes blessés, ni tes armes.

CAMPAGNE D’AFFICHAGE POUR LA PROMOTION ET LE RECRUTEMENT DE L’ARMÉE DE TERRE FRANÇAISE

Un métier, bien plus qu’un métier

N° Azur 3240, dites AdT, prix d’un appel local

www.recrutement.terre.defense-gouv.fr

Slogan-phare du début des années 2000 :

« Rares sont les entreprise où vos collègues ne perdent jamais une occasion de vous soutenir ».

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