On ne se lasse pas d’observer le nouveau Président. On étudie attentivement son comportement, on commence à mieux connaître son style, on apprécie son autorité, son humour, son aisance. On lui reproche certains excès … et on attend les résultats.
Mais nous pouvons également et raisonnablement nous demander quelle est la nature du jugement que porte Nicolas Sarkozy sur la Communauté militaire et l’ensemble des personnels dont il est aujourd’hui le Chef. Le moins que l’on puisse dire c’est qu’entre lui et ses Armées, il sait maintenir … de la distance.
Nous avons appris tout récemment que contrairement aux déclarations faites à l’occasion de la Campagne présidentielle, le Chef de l’Etat avait l’intention d’envoyer un nouveau contingent de 1000 hommes en Afghanistan, avant sans doute de se rapprocher un peu plus de l’OTAN.
C’est en Grande Bretagne, à l’occasion de son voyage officiel, qu’il l’annonce publiquement. C’est à Bucarest, en Roumanie lors du sommet de l’OTAN, qu’il le confirme et le précise. Ce n’est qu’avec difficulté et par obligation, qu’il autorise un vague débat à l’Assemblée nationale …
Sans attendre la parution des conclusions du Livre blanc et des études menées sous la présidence de monsieur Mallet, un document « de travail » tout à fait sommaire émanant (comme d’habitude) d’une indiscrétion d’Etat major et publié par le journal Libération après avoir été étalé à l’ensemble de la Population, est annoncé à la communauté militaire. Ce serait un avant-goût du résultat de la « RGPP » : Révision Générale des Politiques Publiques, appliquée aux armées, ou Réduction Globale Politiquement Programmée ? On envisage ainsi de dissoudre une dizaine de Régiments et de supprimer une trentaine de garnisons pour répartir les effectifs dans celles qui restent et former 87 BDD ou bases de défense interarmées. Le soutien change de nature … les forces sont « densifiées » … la facture est lourde ! Il peut s’agir d’un « ballon d’essai téléguidé » en forme d’opération de marketing. C’est possible et ça s’est déjà vu … Mais des milliers de familles une fois de plus plongées dans le doute vont devoir vivre les angoisses du lendemain. Une fois de plus, car ça fait plus de vingt ans que ça dure!
Que fait la DICOD, la direction de la communication de la défense, cette magnifique machine de relations publiques qui a succédé au SIRPA ? A quoi sert-elle ?
Pendant ce temps, les Armées et les personnels sont « les instruments » des diplomates et les acteurs de nos gesticulations internationales au Kosovo…au Liban…au Tchad, en Côte d’Ivoire. Dans « la majesté » de sa fonction, Monsieur Sarkozy manifeste beaucoup de désinvolture vis à vis des Militaires. C’est le moins que l’on puisse dire !
En fait, il n’y a rien de nouveau … Depuis des lustres l’Armée est comme une « Grande volière » peuplée de « pigeons » qui savent accueillir toutes les nouvelles et « positiver » quelles que soient les circonstances. Ou mieux encore : un immense « bestiaire » peuplé de « bêtes de somme » disponibles pour les travaux pénibles et lourds (marées noires, tempêtes …), ceux dont personne ne veut … ou de « vaches à lait » (dividendes…) que l’on peut traire. « Brebis galleuses » (antimilitarisme…) dans le meilleur des cas et en temps ordinaire, elle fournit aussi lorsque c’est nécessaire les « boucs émissaires » pour dédouaner le Pouvoir, rattraper certaines fautes diplomatiques. On jette alors sous les feux de l’actualité tel chef qui aurait démérité ou se serait rendu complice ou auteur d’une faute de commandement. Certains exemples récents nous reviennent en mémoire. On s’indigne, on « évacue » … et on passe au suivant (qui n’attendait que cela …) De toutes manières et quelles que soient les circonstances, celui qui sert sous l’uniforme sera toujours le « dindon de la farce », car pour être plus sûr de l’effet produit, on l’habitue à vivre en « mouton de panurge ». C’est donc ainsi que « le politique » peut charger tout au long de l’année « sa brêle « ou son « mulet » et lorsqu’il le faut ou que la situation s’y prête : « haro sur le baudet » !!
On se demandait, il y a moins d’un an, pourquoi notre Président qui avait le choix au Ministère de le Défense entre Christian Clavier et Bigard avait choisi Hervé Morin .On a compris aujourd’hui : il lui fallait un « éleveur » !!
En ce qui concerne l’actualité politique et pour occuper l’ « avant scène », certains créneaux sont plus porteurs que d’autres. Nos médias raffolent de tout ce qui touche à Ingrid Betancourt, au Dalaï Lama, ou au Prince William, à la flamme olympique, au goût du « bling-bling ». Les déballages présidentiels l’impact des scoops alimentent la tenue de graves débats où l’on explique, on commente …
A l’opposé, les Armées quant à elles apparaissent comme des mécaniques rodées et surtout disponibles et fiables. On n’en attend pas de grands bouleversements et encore moins de surprises , car voici plus d’un quart de siècle que les deux septennats de Mitterrand et les deux présidences de Chirac nous ont progressivement habitué au déclin et à la discrétion : les dividendes du socialisme puis de la Paix, la géniale initiative de la Professionnalisation, puis la « cure de léthargie » de MAM nous ont progressivement placé dans la situation actuelle . Et finalement « l’Armée », on s’y intéresse … que quand on en a besoin !!
Aujourd’hui ,au moment où la France va devenir un grand désert militaire et où l’Armée de terre va s’enfoncer largement au dessous de la barre des 100 000 hommes , on continue à avoir la même prétention d’intervenir à l’extérieur ou mieux encore … on en rajoute !
Les « valeurs » ? Bien sûr on en parle beaucoup ! Dans certaine armée, c’est celle du « point d’indice » tandis que dans l’Armée de terre c’était « la tradition », « le devoir », « le sacrifice » (« donnez-moi mon Dieu ce qui vous reste » … tout un programme !). On en a peut-être abusé et on le paye de nos jours … et voyez-vous, je crains que les temps ne soient en train de changer !
Alors bien sûr, la parution prochaine du Livre blanc qui couronnera les travaux de monsieur Mallet et de son équipe, va certainement être l’occasion d’un nouveau et grave « débat » à un moment où les décisions seront déjà prises. De grandes et belles voix vont s’élever pour l’alimenter … un peu tardivement ! C’est comme si on voulait défendre le « droit au logement » au moment où les meubles sont déjà sur le trottoir !!
Et attention … d’ici 2015, des réformes on peut encore en faire 2 ou 3 !
« Des économies sont nécessaires … une réorganisation s’impose … les efforts sont incontournables … » Si ce discours s’adresse au Pays tout entier, les Armées ne peuvent s’y soustraire. Mais prenons garde que pour satisfaire aux directives de quelques technocrates sans expérience militaire (parfois même … des « tire au c.. »!), on ne vienne à bout de façon définitive d’une institution qui quoiqu’on en dise et même si on a tendance à l’oublier … a fait ses preuves. Jadis, le Président Giscard avait su faire appel à un homme d’expérience. Nommé « secrétaire d’état » il avait fait le nécessaire avec diligence et efficacité … et ne s’était pas attardé. (Il vit toujours et a eu l’occasion de s’exprimer sur le sujet) Nous avons vécu durant quelques années sur cet acquis. L’époque est différente, les urgences sont d’une autre nature, mais aujourd’hui aussi bien qu’hier le métier militaire exige des personnels autres choses qu’une mentalité de « fonctionnaire ». Une Unité élémentaire, un Régiment, ça n’a rien à voir avec un magasin ou une grande surface dans laquelle on viendrait composer « en kit » des formations à la demande (armez-vous et partez !). L’esprit de corps n’est pas une chose dépassée. La convivialité, la camaraderie et même … la bonne humeur non plus.
L’ « ambiance » n’apparait pas délirante actuellement (?) Une fois encore … il faut sauver le « Soldat riant » !
« Car rien assurément ne saurait être pire,
Qu’avoir moins de trente ans … et ne plus savoir rire ! »
Le « pigeon » … décharné