Avec le concours gracieux d’un groupe de sénateurs et d’une sénatrice.
Un groupe de sénateurs et une sénatrice alertés sur le malaise de la Gendarmerie s’est dévoué bien volontiers pour tenter le sauvetage de la vieille dame.
S’agissant de représentants de la nation, élus au suffrage indirect par leurs pairs, une courte présentation permettra aux lecteurs de mieux comprendre la portée du rapport rendu le 16 avril 2008, qu’on peut télécharger sur le site du Sénat.
Le groupe se compose de Messieurs Jean FAURE, 71 ans, Haenel, 66 ans, Madrelle, 71 ans, Pasqua, 81 ans, Pozzo di Borgo, 60 ans, Rouvière , 72 ans et de Mme Demessine.
Le fait que ce groupe de travail soit présidé par M. Jean Faure, sénateur de l’Isère, dont le groupement de gendarmerie fut commandé en son temps par le général Parayre actuel directeur général de la gendarmerie n’est évidemment qu’un pur hasard.
C’est dire qu’il n’y avait rien à attendre de ce rapport, si ce n’est un conformisme absolu qui soutient la vision minimaliste de la direction générale et des autres autorités de l’Etat.
Ce rapport n’apporte rien. Il vise simplement à conforter les modestes évolutions prévues par le et la DGGN dans les prochains mois.
Tout cela repose sur le pari qu’une fois au ministère de l’intérieur, avec une grille indiciaire spécifique pour les gradés(ce qui avait été refusé pendant des décennies), un CFMG (Conseil de la Fonction Militaire de la Gendarmerie), dont les membres seraient élus et une rénovation des logements domaniaux et des collectivités CNAS (concédés par nécessité absolue de service) programmée sur X années (ça peut durer longtemps !) et la poursuite du PAGRE (plan d’adaptation des grades aux responsabilités), conditionné tout de même aux annualités budgétaires futures, les gendarmes seront contents de leur sort. Pour faire court, le rapport sous entend que le logement CNAS compense la moindre disponibilité des policiers (32 heures par semaine).
Le pari tiendra-t-il, lorsqu’il est évident que le tropisme policier des gendarmes va s’accentuer lorsqu’ils dépendront du ministère de l’intérieur ?
Reprenons rapidement quelques énormités du rapport téléguidé par la DGGN et le ministre.
1 – La composition du groupe.
Jean Faure président 71 ans. Difficile de croire que c’est un hasard qu’il soit sénateur de l’Isère, dont le groupement fut commandé autrefois par le DGGN et où le même serait susceptible de se retirer..
Mme Michelle Demessine 61 ans, sénatrice communiste du Nord. Elle connaît la Gendarmerie par ses contacts avec des femmes de gendarmes.
M. Haenel,66 ans, ancien magistrat, professseur des universités et maître des requêtes au Conseil d’Etat. Il connaît bien la Gendarmerie dans sa conception classique.
M. Madrelle,71 ans, professeur
M. Pasqua,81 ans (on ne le présente plus !)
M. Pozzo di Borgo, 60 ans sénateur de Paris où comme chacun le sait la densité des brigades de Gendarmerie est impressionnante et concurrence indûment la police ! Il est très lié à Hervé Morin.
M. Rouvière,72 ans , enseignant à la retraite.
Inutile de souligner que ce groupe de travail est très représentatif de la société française…Et à 70 ans , on n’a pas envie que les choses bougent. Au contraire, si on pouvait revenir en arrière, ce serait mieux. C’est une loi de la nature.
2 – Des données inexactes ou incomplètes.
Effectifs 2007 du Memento Gend sur le site du Mindef :105975tout compris
Effectifs du rapport du Sénat : Environ 101000;
Qui croire ? Ce n’est pas la 9ème compagnie qui a disparu, mais près de 5000 gendarmes. Il faut lancer un avis de recherche. Ou alors, on nous aurait menti, sans doute à l’insu du plein gré des auteurs du mensonge ! A moins que la DGGN toujours prête à anticiper sur la RGPP (révision générale des politiques publiques) et ait déjà réduit ses effectifs. Dans ce cas là : bravo !
En fait, cette différence notable proviendrait des effectifs « gendarmerie » supportés budgétairement par d’autres ministères ou d’autres budgets.
Pour le groupe sénatorial, la principale revendication concerne la rémunération. On avait cru lire sur de nombreux forums que c’est plutôt le problème de la disponibilité qui est au coeur du malaise. Les sonotones fonctionnent mal, mais de quel côté : de l’oreille droite ou de l’oreille gauche?
On cite la Gardecivile espagnole en omettant de dire que le droit d’association professionnelle, c’est à dire le droit syndical y est désormais reconnu.
La dualité policière comme garantie républicaine : mais comment peut-on sérieusement nous resservir cet argument sans valeur juridique et historiquement ridicule. L’ancien professeur Haenel pourra t’il citer un manuel de Libertés publique en faisant état ? Ce n’est pas le nombre de services de police qui est une garantie pour le citoyen et la démocratie. Ce sont à la fois les garde-fous institutionnels contre les abus et une formation éthique. Sur ce plan, il est vrai que la Gendarmerie n’a rien à envier à la Police.
3 – Des recommandations ineptes ou visant à entériner un statu quo qui ne prend pas en compte la réalité de la délinquance et du terrain.
Gendarmerie , une 4ème armée. Comment la Gendarmerie peut-elle devenir une quatrième armée en ayant le ministre de l’intérieur comme patron ? On a déjà entendu ce discours sur la 4ème armée à l’époque du regretté Général Wautrin.
Le maintien du statut militaire est annoncé comme un dogme intangible, parce que les sénateurs ne veulent pas ouvrir un nouveau chantier inéluctable à terme. Cette remise en cause découlera logiquement de l’organisation et du fonctionnement des unités de terrain.
Alors qu’on prône le dualisme comme garantie républicaine, on veut assouplir le système des réquisitions qui a justement pour but d’éviter un emploi partisan de la force armée. C’est une belle contradiction.
Conforter le maillage territorial. Aberration suprême d’autant qu’on mêle à cet objectif les redéploiements entre police et gendarmerie. Ceci sous-entend qu’on continue de « livrer » des zones urbanisées à la police qui devra accroître ses effectifs pour que la gendarmerie accentue sa vocation « campagnarde ». On tente ainsi de préserver sa petite gendarmerie locale même si elle est fermée la plupart de l’année parce qu’elle est insérée dans une COB. Au passage, le rapport du Sénat évite de parler des COB, véritable maladie honteuse (qui dans sa conception est déjà une remise en cause du maillage territorial) susceptible de détruire le bel édifice intellectuel de notre groupe de travail sénatorial. Le maillage territorial avait un sens lorsque la population ne se déplaçait pas facilement..Qu’est ce qu’une logique d’agglomération et une logique de contrôle des flux (les autoroutes ?) et du territoire (maintenir des petites unités dans des régions à faible délinquance ?) ? Cette recommandation est largement contradictoire avec le rapport Carraz Hyest qui préconisait des redéploiements en fonction de l’urbanisation dans les zones « gendarmerie ». Les collectivités territoriales ne pourront échapper à la création de polices « cantonales », faute pour l’Etat de ne pouvoir mettre en place les moyens indispensables permettant à la fois de remplir la mission de sécurité et d’assurer aux gendarmes une condition comparable à celle des policiers.
La gendarmerie, comme les autres armées devra donc se redéployer un jour ou l’autre de manière significative.
Mutualisation des moyens.
La mutualisation consiste à utiliser les mêmes moyens (véhicules, radars, etc..) dans des créneaux horaires différents. Ce que nous proposent les sénateurs, c’est une identité de dotation d’équipement, ce qui est en contradiction avec les logiques développées au paragraphe précédent : logique d’agglomération et logique de contrôles des flux et du territoire.
Voeux pieux.
Ils concernent les effectifs, alors qu’on sait que la gendarmerie doit réduire ses effectifs d’au moins 1500 personnels dans le cadre de la RGPP, on propose le maintien des effectifs. Cela ne coûte rien.
Le logement : poursuite de la rénovation…Et conservation de la fameuse CNAS, alors que d’autres systèmes pourraient être envisagés : utilité de service, ICM au taux non logé et possibilité de se loger dans le civil à proximité de l’unité.
Les tâches indues : ça fait plaisir aux gendarmes de lire cette recommandation. Donc « ça ne mange pas de pain », même si on sait très bien que rien ne va bouger. Comme le disait un Garde des Sceaux : il ne faut pas que ce soit les auxiliaires qui commandent la Justice !
La parité globale Police/Gendarmerie.
Ce concept ne veut rien dire. Il est inepte. Rappel : il y a trois corps dans la police et deux corps dans la gendarmerie. Les niveaux de recrutement sont différents.
Comment la mesure t’on, cette parité « globale »?
On peut penser que dans l’esprit de ceux qui conçoivent des évolutions a minima, l’instauration d’une grille indiciaire spécifique aux gradés dopée au PAGRE devrait compenser les déroulements de carrière en grades et en indices dans la Police. La moindre disponibilité policière est quant à elle compensée par le cadeau royal de l’Etat que représente la CNAS pour les gendarmes. Tout le monde devrait donc y retrouver son compte.
On peut en douter.
Enfin , sur le chapitre de la représentation et de la concertation. On envisage des élections au CFMG. Sans le droit de s’associer, donc de se faire connaître, cette réforme sera vidée de son sens. Le chantier est à suivre, c’est clair.
CONCLUSION
On savait que les sénateurs ne sont pas des révolutionnaires. Ce rapport sera vite oublié dès que les faits reprendront le dessus et se heurteront aux beaux discours et aux bonnes intentions.
Sic transit gloria Senati.