Notre dernier « Poilu »…

Comme beaucoup sans doute, j’ai suivi attentivement ce lundi 17 Mars la cérémonie qui s’est déroulée dans l’église Saint Louis des Invalides, conformément aux voeux exprimés par le dernier Poilu français de la Guerre 14-18. C’est ainsi que Lazare Ponticelli avait voulu rendre hommage à tous ses compagnons de gloire … et de misère. Il l’avait fait dire par sa famille qui était là … rassemblée. Un office sobre, où la religion comme le cérémonial militaire ont été contrôlés et où seuls le recueillement et l’émotion, la vraie, avaient trouvé place.

La riche personnalité de Lazare Ponticelli se prêtait particulièrement bien à cet hommage simple, national et « officiel » … mais juste ce qu’il faut :

Un « homme du peuple », incontestablement, qui a dû s’en sortir seul et par l’effort à une époque où la vie était plus rude qu’aujourd’hui. Un Européen dont l’origine italienne permet d’associer officiellement une Armée alliée et amie à cette célébration. Un « légionnaire » bien sûr … puisque c’est la Légion qui l’accueillit alors qu’il n’avait pas 17 ans et que c’est sous son drapeau qu’il a combattu en Argonne avant de rejoindre contraint et forcé son Pays d’origine … entre deux gendarmes. Un « chasseur » … car c’est dans leurs rangs qu’il s’est battu au sein de l’Armée italienne, en montagne et contre l’Autriche. Un Fantassin tout simplement, qui a vécu son combat sur les routes et dans les tranchées à Verdun et dans les Alpes de 1914 jusqu’en 1920 !! Un « volontaire » aussi, car c’est de sa propre initiative et sans obligation qu’il manifesta le désir de se battre pour ce Pays qui lui a offert, dit-il, « l’accueil et le pain … » Un travailleur qui a vécu de ses efforts et de sa sueur et n’a pu que compter sur lui pour monter une affaire aujourd’hui florissante. Un patriarche, un époux, un père et une « référence » pour tous les siens rassemblés en cet instant autour de sa dépouille. … Un Combattant enfin et surtout, un vrai ! De ceux qui discrètement préfèrent parler « d’autre chose » et dont l’expérience tragique du feu a fini par faire … un homme de Paix!

Décidément … Lazare fait bien les choses !!

Merci donc Monsieur Ponticelli et merci à votre famille de nous avoir ouvert les portes de vos obsèques afin que nous puissions méditer quelques temps, entre compatriotes et entre européens sur cette tragique expérience vieille aujourd’hui de 90 ans, avant qu’une plaque ne vienne en faire définitivement un événement historique au même titre que l’épopée Napoléonienne ou la Guerre de 100 ans. Puissions-nous en tirer tous les enseignements !

Une impression toute différente par contre l’après midi dans ce même cadre des Invalides et pour la cérémonie où le Chef de l’Etat vient précisément et de manière plus officielle honorer ce « très Ancien combattant » mais « jeune Chevalier de la Légion d’honneur »,dans un couloir, entre Foch et Lyautey … pas très loin de Napoléon .

C’est d’une manière très solennelle que Nicolas Sarkozy s’est rendu à l’endroit où deux jeunes collégiens ont dévoilé la très sobre plaque qui porte à partir d’aujourd’hui la date du 17 Mars 2008. Ils étaient encadrés de part et d’autre par des Gardes républicains. N’aurait-il pas été plus judicieux d’y placer deux fantassins du Régiment des « Diables rouges » dernier représentant de cette Infanterie de ligne (1) … une des sept Armes qu’on allait honorer un peu plus tard .

Il ne faut pas travestir l’époque … Ce conflit mondial, vieux d’un siècle était une confrontation « d’hommes », de fantassins, de légionnaires, de fusiliers marins et de chasseurs. Nos anciennes colonies y étaient également largement représentées nous le savons et ne devons pas l’oublier. L’Armée de l’air n’existait pas, la « féminisation » non plus … et ça n’enlève rien à l’héroïsme de nos premiers pilotes de chasse d’avoir appartenu à « l’aéronautique » même si à l’époque ils portaient le képi des hussards. Ce n’est pas non plus porter atteinte à la bravoure des Gendarmes du Pas de Calais (2) en 1914 que de rappeler qu’au « Veil Armand », sur une colline et dans les Vosges, en deux jours de Décembre de l’année suivante, ce sont précisément 48 officiers et 1950 fantassins du 152ème Ri qui ont trouvé la mort et que le 5ième RI a perdu 3 Chefs de Corps en 10 jours en Septembre 1914 . Il serait indécent de trahir l’histoire en venant « se frayer un chemin » dans ce genre de commémoration afin de s’y faire représenter à « titre de décor ». Il ne s’agit pas ici de rallumer une stérile polémique, ni de manquer au respect que nous devons à ceux sur lesquels reposent aujourd’hui 50% de notre sécurité nationale mais sérieusement … viendrait-il à l’idée de faire inaugurer le monument « des Marins péris en mer » à la Pointe de Saint Mathieu par des représentants de l’Ecole Militaire de haute Montagne ?

Et était-il indispensable d’animer le commentaire à travers la voix officielle de Monsieur Narcy qui présente, nous le savons, les fêtes patriotiques avec le même tact et le même détachement qu’une foire aux bestiaux ?

Nous ne garderons donc en mémoire que le très beau discours du Chef des Armées qui a su trouver les mots justes pour replacer cet événement avec précision dans sa trajectoire , entre son origine et sa finalité : un « socle pour la mémoire » afin de nous rappeler les dangers de l’époque et le mérite de cette France qui, à 80% paysanne, a dû abandonner les moissons pour « monter au feu » … Une évocation qui ne manquait d’ailleurs pas de faire sourire lorsqu’on balayait du regard la foule silencieuse de nos jeunes Ministres et Secrétaires d’état frileusement rassemblés … et attentifs ! Une génération chez laquelle les « stocks options » ont hélas plus de résonnance … que « l’impôt du sang » !

« Y’a du boulot ! » devait se dire Napoléon un peu plus loin !!

Mais une page est tournée … revenons à notre époque …

Mustapha Bidochon

Extrait du commentaire de présentation des drapeaux :

(1) … Et voici le drapeau du 152ème Régiment d’Infanterie. Régiment d’Alsace, ses soldats étaient surnommés « les Diables rouges » par l’ennemi lui même. Ils ont permis d’inscrire cinq noms de batailles dans les plis de leur drapeau. Il est décoré de la Légion d’Honneur et de la Croix de guerre 14-18 avec 6 palmes. La présence devant nous du drapeau du 152ème RI est un hommage à l’ensemble des Régiments d’Infanterie qui ont constitué la colonne vertébrale de l’Armée française durant la Grande Guerre et qui , jour après jour, nuit après nuit, dans la boue, le froid et l’humidité des tranchées comme dans la chaleur , le feu et la mitraille du Front ont « tenu bon » durant les quatre années de guerre, respectant la consigne de leur Chef : « Ils ne passeront pas …! »

(2)… Le drapeau de la gendarmerie Nationale qui arrive devant vous est placé sous la garde d’un Lieutenant et de cinq sous Officiers du Groupement de Gendarmerie du Pas de Calais. Ces six militaires symbolisent l’action héroïque du détachement de Gendarmerie de cette Unité qui repoussa à Arras les multiples attaques de la Cavalerie allemande aux premiers jours d’Octobre 1914. La présence de ce drapeau témoigne surtout de l’action quotidienne de la Gendarmerie qui par son efficacité tout au long du conflit a assuré l’organisation et la sécurité des convois d’hommes de vivre, de matériel et de munitions qui montaient inlassablement vers le Front. Ce drapeau nous rappelle que près de 1000 Gendarmes sont morts au combat, soit dans l’exercice de leurs fonctions soit parce qu’ils s’étaient portés volontaire pour rejoindre leur camarades sur le Front et dans les tranchées.

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