Derrière la défense des droits des militaires prônée par notre association, il y a l’Armée et ce qu’elle représente, non seulement dans la mémoire des Français, mais aussi en tant que symbole de l’unité nationale, dont le Président de la République est le garant.
Dans l’actualité, ce symbole est particulièrement évident au LIBAN, pays cher à la France, partagé entre des communautés religieuses qui parviennent, Inch Allah, à cohabiter malgré leurs différences de croyance et de culture.
Toute nation repose souvent sur des équilibres fragiles. C’est le cas de la France, vaste cap à l’Ouest de l’Europe qui fut de tout temps une terre convoitée et qui s’est forgée au fil de l’épée. Certes notre cher pays n’est pas le LIBAN, mais nul ne contredira qu’une forme de communautarisme s’y est installée, nolens, volens, depuis deux à trois décennies.
C’est dire que tout doit être fait pour préserver l’unité nationale et renforcer l’identité française. Et, il faut au contraire éviter toute action susceptible de les affaiblir.
C’est à la lumière de ce principe que doit être jugée l’initiative du chef de l’état de faire « parrainer » les enfants juifs, arrêtés en France et victimes de la « Shoah » par les élèves des classes de CM2, dont le but louable n’est pas contesté.
Pour ceux qui ont pris la peine de lire Primo LEVI « Si c’est un homme » ou « Des voix sous la cendre » qui reproduit des manuscrits de membres des sonderkommandos [1], acteurs forcés et témoins de l’extermination des Juifs d’Europe, cet assassinat collectif programmé et organisé par les nazis constitue l’abomination de l’abomination. Et la mémoire de ce crime contre l’humanité mérite bien évidemment d’être perpétuée. Il y en a eu d’autres depuis.
Toutefois, le parrainage de jeunes victimes, déportées avec l’aide des services de l’Etat Français et dont beaucoup étaient étrangères ne nous paraît pas rendre service ni à la cause de la lutte contre le racisme et l’antisémitisme, ni à celle de la préservation de l’identité nationale.
S’agissant de la technique du « parrainage » individuel d’un héros ou d’une victime par des enfants, elle a été utilisée largement dans les camps de pionniers soviétiques – c’est-à-dire dans les camps de plein air dédiés aux jeunes soviétiques avant qu’ils n’intègrent les jeunesses communistes.
Je me souviens d’avoir visité en 1979 au bord du lac de Bratsk en Sibérie un tel camp avec les portraits idéalisés de jeunes victimes de la guerre « patriotique » contre l’Allemagne nazie. On ne peut pas dire que le résultat de cet effort de mémoire ait été probant dans la défense des valeurs de la patrie « soviétique ».
Alors même que bien d’autres personnes françaises ou non ont été déportées depuis la France et exterminées dans les camps nazis, on peut craindre que la focalisation de la mémoire sur un groupe particulier ne suscite plus de réactions de rejet et de désintérêt que d’adhésion, voire de compassion à la cause des victimes du génocide.
Car une telle cause n’est pas isolée historiquement, elle est et sera obligatoirement replacée dans un contexte contemporain par les familles, par les élèves eux-mêmes quand ils mûriront. Yasmina REZA, thuriféraire du président Sarkozy rapporte les propos d’un des collaborateurs du candidat en campagne édictant que « la perception est plus importante que la réalité ».
On peut donc légitimement s’interroger sur la perception de ce devoir de mémoire dans l’esprit des jeunes de banlieue d’origine maghrébine qui cherchent à comprendre la situation dans la bande de Gaza où les populations palestiniennes se trouvent bouclées comme dans les ghettos d’Europe centrale 65 ans plus tôt.
On peut également s’interroger sur l’identification à la victime parrainée des jeunes d’origine africaine qui peuvent avoir du mal à comprendre qu’eux-mêmes vivent dans la société française alors qu’au Ménil Amelot ou dans d’autres centres de rétention, on expulse d’autres Africains pour atteindre les objectifs.
Il faut donc craindre que la mise en avant des jeunes victimes d’origine juive livrées par la France aux Nazis ne ravive de douloureuses blessures pour certains et ne produise, en définitive, l’effet contraire à celui recherché pour toute une autre part de la société française.
Plus d’un million de Français, dont une part non négligeable de soldats originaires des « colonies » sont morts pendant la première guerre mondiale. Pendant celle qui a suivi, plusieurs centaines de milliers de combattants sont morts également en héros pour défendre le sol français et les valeurs qui fondent la République. Il y a, parmi toutes ces victimes de guerre, de nombreux héros qui maghrébins, qui africains comme, par exemple, le capitaine Charles N’Tchoréré [2], qu’il conviendrait d’honorer.
La France est éminemment redevable du sang qu’ils ont versé pour nous, pour notre liberté. Il nous semble que le devoir de mémoire devrait d’abord s’exercer sur leurs actions et leur engagement qui fortifient l’identité nationale et la transcende, plutôt que sur la victimisation et la repentance qui la desservent.
A l’ADEFDROMIL, nous n’osons pas croire que la polémique soulevée par l’initiative hasardeuse du président de la république vise à détourner l’attention des Français des problèmes du quotidien.
En tout cas, nous persistons à penser que le devoir de mémoire et le parrainage individuel devraient s’exercer d’abord sur ceux qui sont morts pour la France.
[1] Sonder signifie « spécial ».Ces manuscrits ont été retrouvés enfouis à proximité des fours crématoires d’Auschwitz. Ils témoignent dans le détail des conditions des assassinats collectifs qui y étaient perpétrés.
[2] Officier français, originaire du Gabon. En juin 1940, à la tête de sa compagnie, il retarde avec courage l’avance allemande à Airaines près d’Amiens. Fait prisonnier, il est séparé de ses hommes et des européens qu’il commande. Le capitaine N’Tchoréré refuse d’être considéré comme un « sous-homme » et fait valoir sa qualité d’officier français. En dépit des vives protestations de ses camarades, et des lois les plus élémentaires de la guerre, les SS exécutent sommairement le capitaine N’Tchoréré, le 7 juin 1940. Son corps est ensuite broyé sous les chenilles d’un char. La carrière héroïque et la mort tragique du capitaine Charles N’Tchoréré sont devenues des symboles de l’engagement et du courage des 80 000 soldats africains qui combattirent pour la France et le monde libre. Source Wikipedia.