Respecter le statut militaire n’interdit pas de faire progresser l’institution

C’est en qualité de militaire d’active au sein de la gendarmerie nationale que je m’exprime à travers cet article. Ces derniers temps, certains camarades ont cru bon d’intervenir sur les médias sous le couvert de l’anonymat.

En tant que militaire, ce mode d’action pour le moins contestable n’est pas acceptable et démontre à l’évidence la méconnaissance de notre statut (LOI n° 2005-270 du 24 mars 2005 portant statut général des militaires) et de nos obligations en matière de droit d’expression.

Par ailleurs, cet anonymat plante un décor de « maquis corse » au sein de notre institution dans lequel, je ne me reconnais pas. Un tel procédé ne peut que jeter le discrédit sur l’éventuelle légitimité de l’argumentaire présenté. C’est totalement improductif. Si l’on veut faire passer un message, il faut agir de manière responsable et en assumant pleinement ses propos, donc à visage découvert.

Notre statut de militaire ne nous interdit pas de nous exprimer, encore faut-il pour cela, en connaître les restrictions et réserves d’usage qui s’imposent à nous, comme à bon nombre d’autres professions.

A titre d’information, il me semble opportun de rappeler quelques articles fondamentaux du code de la défense et du code de procédure pénale en matière de droit d’expression:

ArticleL4121-1:

« Les militaires jouissent de tous les droits et libertés reconnus aux citoyens. Toutefois, l’exercice de certains d’entre eux est soit interdit, soit restreint dans les conditions fixées au présent livre. »
Article L4121-2:

« Les opinions ou croyances, notamment philosophiques, religieuses ou politiques, sont libres. Elles ne peuvent cependant être exprimées qu’en dehors du service et avec la réserve exigée par l’état militaire. Cette règle s’applique à tous les moyens d’expression
·Article 11 du Code de Procédure Pénale:

« Sauf dans le cas où la loi en dispose autrement et sans préjudice des droits de la défense, la procédure au cours de l’enquête et de l’instruction est secrète. Toute personne qui concourt à cette procédure est tenue au secret professionnel dans les conditions et sous les peines des articles 226-13 et 226-14 du Code pénal. »

Hormis ces cadres légaux, il me semble également important d’avoir à l’esprit de ne pas porter atteinte à la mémoire de nos anciens ou aux familles de compagnons d’arme disparus.

Toute réaction mal maîtrisée et fondée sur des critères émotionnels est préjudiciable à l’intérêt collectif et altère la pertinence des sujets évoqués.

Aujourd’hui, personne ne conteste la dégradation du moral des militaires de la gendarmerie depuis quelques années. Pour autant, est-il légitime d’exprimer tout et n’importe quoi de manière irresponsable aussi bien sur les forums que dans la presse ou à la télévision ?

En la matière, deux volets doivent être distingués:

Le premier concerne les réformes structurelles de notre institution. Dans ce domaine et pour exemple, la mise en oeuvre des communautés de brigades, au prétexte de mutualiser les moyens pour optimiser le maillage territoriale, a été une source de charges supplémentaires. Le domaine d’action de ces unités s’est élargi sur plusieurs (deux, trois voire quatre) cantons. Dans ces conditions, il est difficile d’intervenir toujours avec des délais raisonnables et d’une manière optimum. La méconnaissance de certains lieux peut également engendrer des risques pour les militaires engagés. La connaissance de nos circonscriptions et de la population a toujours été un élément de référence dans notre métier. Ce point est régulièrement soulevé par les élus de nos zones rurales qui craignent une désertification des services de l’état, déjà bien entamée. La gendarmerie est un des derniers relais entre l’état et les citoyens de ces communes. A ce sujet, la reconnaissance des responsabilités exercées n’a motivé aucune revalorisation de la fonction de CCB à grade égal, avec un commandant de brigade placé sous sa responsabilité. Tous deux perçoivent la même NBI. Dans ce même cadre, les fonctions d’adjoint ne bénéficient d’aucune revalorisation. Pour les astreintes, les casquettes se multiplient. En effet, il n’est pas surprenant de voir un gradé cumuler ses rôles en passant de planton à premier à marcher, puis à O.P.J. de permanence pour finir gradé de secteur.

Le second est lié au fonctionnement et aux relations internes au sein de nos différents services. Sur ce dernier point, il me paraît nécessaire de rappeler que chacun occupe un rôle actif et que tous les problèmes rencontrés ne peuvent être amalgamés. Une confusion des genres ne peut qu’affaiblir les vrais thèmes à aborder. C’est la raison pour laquelle, chacun doit comprendre que ces sujets ne tolèrent pas « l’approximation » et demandent un travail sérieux en amont.

Lorsque l’on entend par exemple, des gendarmes revendiquer « des heures supplémentaires au prétexte que les 35 heures 00, on ne connait pas » pour obtenir une revalorisation des soldes, est-ce bien raisonnable?

Là encore, l’Article L4121-5 du Code de la Défense dispose:

« Les militaires peuvent être appelés à servir en tout temps et en tout lieu. La liberté de résidence des militaires peut être limitée dans l’intérêt du service. Lorsque les circonstances l’exigent, la liberté de circulation des militaires peut être restreinte. »

Ces éléments démontrent à eux seuls, le caractère farfelu d’une expression hasardeuse. Pour autant, le malaise exprimé met en exergue de réelles inquiétudes et des demandes qui me paraissent légitimes sous réserve qu’elles soient exprimées de manière cohérente et responsable.

Dans ce cas, c’est la charge de travail qui est soulevée pour justifier une revalorisation des soldes. Dans ce domaine, il faut bien que chacun comprenne qu’à l’instar des membres de la société civile, il nous est demandé de répondre en termes de productivité, c’est à dire d’améliorer le rapport entre nos résultats et les moyens mis en oeuvre pour les obtenir. Si le nombre d’heures travaillées tend à diminuer, les charges de chacun quant à elles s’accroissent. La solution ne sera pas l’augmentation des effectifs, mais dans l’amélioration de la formation et de notre organisation pour produire encore plus.

Pour l’augmentation de nos soldes, il serait souhaitable d’obtenir par exemple, une augmentation des indemnités de charges militaires qui prennent en compte l’ensemble des sujétions liées à la fonction de militaire et qui de surcroît ne sont pas imposables.

En matière d’accession à la propriété, bien que l’article D 14 du Code du Domaine de l’état, accorde le bénéfice d’une concession de logement par nécessité absolue de service aux personnels de tous grades de la gendarmerie nationale en activité de service, il dévient impératif d’obtenir la possibilité pour les gendarmes, d’accéder à la propriété à titre de résidence principale et de pouvoir également, bénéficier des nouvelles dispositions en matière de crédit d’impôts sur les intérêts d’emprunt. Toujours dans ce domaine, la possibilité de pouvoir bénéficier du prêt à taux zéro serait également perçu d’une manière très positive.

Je terminerai sur un récent incident au cours d’une session d’information préparatoire au prochain CSFM (Conseil Supérieur de la Fonction Militaire), au cours de laquelle les membres du CFMG (Conseil de la Fonction Militaire Gendarmerie) ont pris la décision collective de quitter la salle. Là encore à ce niveau de concertation, nos représentants se fourvoient par une attitude critiquable et en contradiction avec notre statut de militaire. En effet, les personnels participants à ces sessions agissent dans le cadre d’un service. Quels que soient les griefs qui doivent être exprimés, le fait de se priver d’un droit d’expression abouti à une auto-flagellation préjudiciable à l’intérêt collectif. Heureusement, l’esprit de responsabilité a fini par l’emporter et les débats ont ainsi pu reprendre.

Je rappelle que le choix d’adhérer au monde militaire est fondé sur le volontariat. Etre gendarme n’est pas un métier comme les autres. Chacun peut devenir un acteur de l’évolution de notre institution en devenant une force de proposition et non pas en s’enferrant dans une contestation stérile. L’exigence de la reconnaissance d’un droit est légitime, mais faut-il encore pour cela remplir ses devoirs.

À lire également