Militaires et libertés publiques

La loi 72-662 du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires prive les militaires de carrière, sous contrat ou appelés, d’un certain nombre de libertés. Certaines d’entre elles sont restreintes ou interdites.

La liberté d’expression est limitée : En activité de service les militaires doivent obtenir l’autorisation du ministre s’ils désirent évoquer publiquement des questions politiques ou mettant en cause une puissance étrangère ou une organisation internationale. L’instruction ministérielle n° 50475/DN/CC du 29 septembre 1972 et la note n° 12441/ DEF/ SD/CAB/K du 4 septembre 1981 déterminent dans quelles conditions les militaires peuvent sans autorisation préalable, traiter publiquement de problèmes militaires non couverts par les exigences du secret. Ces dispositions s’appliquent à tous les moyens d’expression, notamment aux écrits, conférences ou exposés.

La liberté d’information est également limitée : Le ministre de la Défense peut interdire la diffusion dans les enceintes militaires et établissements militaires ainsi qu’à bord des bâtiments de la flotte, de publications pouvant nuire au moral ou à la discipline. L’article 23 du règlement de discipline générale précise qu’il est également interdit de les détenir.

La liberté syndicale est refusée : les militaires ne peuvent pas créer un syndicat professionnel, ni adhérer à un syndicat : (article 10 du SGM). Dans un avis, en 1949, le Conseil d’Etat déclara incompatible la discipline militaire et l’adhésion à un syndicat ; la circulaire du 12 juin 1949 ne fit que transposer cet avis en termes réglementaires.

La liberté d’adhésion à des associations, même non professionnelles, est limitée : Une autorisation ministérielle préalable n’est pas nécessaire pour adhérer à une association. Mais le ministre peut obliger un militaire en activité à démissionner d’une association ou à abandonner les fonctions de responsabilité qu’il viendrait à occuper. La circulaire du 3 mai 1976, en s’appuyant sur l’article 10 du SGM, interdit aux militaires d’active d’adhérer à des associations ou groupements de retraités militaires ou d’anciens militaires.

Interdiction d’adhérer à un parti politique : Cette interdiction ne concerne pas les militaires candidats à une élection pour la durée de la campagne électorale. Quant aux appelés, ils doivent s’abstenir de toute activité politique pendant leur présence sous les drapeaux (pour mémoire).

Certains militaires doivent obtenir une autorisation du ministre pour se marier : Cette disposition concerne les militaires servant à titre étranger et les militaires dont le futur conjoint ne possède pas la nationalité française.

Un régime disciplinaire dérogatoire au droit commun : En ratifiant la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales le Gouvernement de la République française, conformément à l’article 64 (1) de la Convention, a émis une réserve concernant les articles 5 et 6 de cette Convention en ce sens que ces articles ne sauraient faire obstacle à l’application des dispositions de l’article 27 de la loi n° 72-662 du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires, relatives au régime disciplinaire dans les armées, ainsi qu’à celles de l’article 375 du code de justice militaire.

Néanmoins, par l’Arrêt Engel du 8 juillet 1976, la Cour européenne exige que les droits de la défense soient garantis en cas de sanction disciplinaire infligée à des militaires.

Par l’arrêt HARDOUIN du 17 mars 1995, le Conseil d’Etat a reconnu que les punitions ne peuvent être tenues pour des dispositions d’ordre interne échappant à tout contrôle du juge administratif. Depuis cet important arrêt, les sanctions d’arrêts sont susceptibles de recours pour excès de pouvoir. Il en a été jugé de même pour un blâme (CE du 12 juillet 1995, Maufroy) Par contre, conformément à l’article 30 du règlement de discipline général dans les armées, l’avertissement ne fait pas l’objet d’une inscription motivée au dossier du militaire ni à son livret matricule. Il ne constitue donc pas, en l’absence de toute répercussion d’ordre statutaire, une décision faisant grief susceptible de faire l’objet d’un recours contentieux (C.E. 8 février 1999, Etienne).

Un régime pénal aligné sur le droit commun mais encore dérogatoire pour les militaires en service à l’étranger.

Depuis la loi du 21 juillet 1982, les militaires ayant commis des infractions pénales sont désormais justiciables, en temps de paix, sur le territoire de la République, des chambres spécialisées dans les affaires militaires auprès des juridictions de droit commun. Pour les infractions commises en dehors du territoire français, les militaires continuent à être jugés par le Tribunal militaire aux Armées de PARIS, juridiction d’exception.

Pour celles et ceux qui voudraient approfondir leurs connaissances sur l’historique de l’évolution de certaines des libertés individuelles mentionnées dans le statut général des militaires, je ne saurais trop leur recommander l’excellent Essai du contrôleur général des armées Eugène-Jean DUVAL intitulé : Etapes de la citoyenneté des militaires 1789-1999 aux Editions des Ecrivains 147-149, rue Saint-Honoré 75001 PARIS.

(2) Article 64 : « Tout Etat peut, au moment de la signature de la présente Convention ou du dépôt de son instrument de ratification, formuler une réserve au sujet d’une disposition particulière de la Convention, dans la mesure où une loi alors en vigueur sur son territoire, n’est pas conforme à cette disposition. Les réserves de caractère général ne sont pas autorisées aux termes du présent article. »

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