Après avoir lu attentivement le cri du coeur de « la vieille vertèbre » je tiens à apporter mon soutien … et ma sympathie à « la colonne vertébrale ».
Cette histoire, qui m’aurait assez surpris il y a quelques années m’apparaît aujourd’hui assez banale et me suggère un commentaire, une analyse et quelques souvenirs …
Mon commentaire :
L’incident de départ concerne un évènement du « service intérieur » : il y a des vides sur les rangs, il faut les combler ! … et après tout l’arme de dotation du sous officier n’est-elle pas le Famas ? Il n’y a pas de honte à être sur les rangs, pas plus que de marcher au pas. Le capitaine, jeune commandant d’unité, victime de la déflation galopante a un service à fournir : il décide ! Il y a trente ans il aurait sans doute agit différemment, de nos jours les choses ont évolué, il « vit avec son temps » et qui pourrait le lui reprocher ?
Mais que fait « la hiérarchie » ? Où est le Chef de Corps ? Etait-ce le rôle du Major d’intervenir pour régler, même intelligemment ce litige ? Pendant combien de temps devra-t-on continuer à exercer l’autorité et assumer les responsabilités par « fusibles » interposés, en Côte d’ivoire, en Métropole … ou ailleurs ?
Mon analyse :
Il est bien connu, et le constat se confirme au fil des ans : les sous officiers sont les grands perdants de la Professionnalisation. Avec l’augmentation du taux d’encadrement, les officiers ont pris des responsabilités qui n’étaient jadis pas de leur niveau. Avec l’expérience et l’acquisition des techniques, les EV sont appelés à étendre les leurs. Entre les deux, les sous officiers et plus particulièrement les plus anciens éprouvent de plus en plus de difficultés à trouver leur place … ils rejoignent « les rangs ». C’est ainsi … le phénomène ne cessera qu’avec le départ des intéressés, et on s’évertue d’ailleurs à le leur faire comprendre.
Cette « condescendance » de certains cadres vis à vis des sous officiers n’est pas nouvelle. Il y a quarante ans déjà le Commandement était amené à lutter contre les excès de langage de quelques jeunes officiers à la mentalité de hobereau et je me souviens d’avoir vu passer quelques notes du Général LAGARDE (encore lui … !) qui intervenait fermement pour rappeler la correction dans ce domaine … lui qui avait toujours su être d’une rectitude parfaite et n’avait jamais profité de « sa hauteur » pour se montrer méprisant envers quiconque : « Mon capitaine … mon lieutenant… mon adjudant … » .
Il n’y a pas si longtemps encore, dans une de nos prestigieuses Ecole de formation, les élèves appelaient leurs sous-officiers : « les bas-offs » et le Commandement ne s’en montrait pas autrement ému …
Les souvenirs enfin :
Les premiers à l’Ecole militaire de Strasbourg avec des sous-officiers chefs de section dont la rigueur dans le service et la disponibilité frisaient la perfection. Cette image est toujours restée pour moi comme un modèle du genre. Mon premier Chef de Corps (un « vrai soldat » à l’époque …), intervenant pour remettre à sa place un Lieutenant qui apostrophait vigoureusement un Adjudant-chef par son nom : « attendez, avant de le traiter en larbin, d’être passé par là où il a mis les pieds ! ». Un peu plus tard, en tant qu’instructeur à la formation des ESOA j’avais moi-même fermement exprimé ma pensée au fils d’un Général « bien en vue » que j’avais en stage durant une semaine. Le Lieutenant De … … … ne voulait pas, sur le terrain, partager notre popote avec mes trois sous officiers. Je l’ai envoyé manger sa ration tout seul en lui expliquant que s’il faisait une allergie au « petit personnel », dans l’Infanterie … il allait beaucoup souffrir. … et beaucoup d’autres enfin à travers des contacts que j’ai pu garder au fil des ans avec d’anciens subordonnés de ces époques révolues, qui me renforcent dans ma conviction que la véritable autorité ne peut s’exercer que dans l’harmonie et la cohésion , que le grade n’est pas fait pour « marquer une différence » mais plutôt pour fixer une échelle de responsabilités . (Ceux qui me liront me prendront sans doute pour « un fossile » …)
J’exprime par conséquent toute ma sympathie à « la vieille vertèbre » qui vient nous raconter sa désillusion avec beaucoup de correction et de retenue. « Vivement la fin » nous dit-il … qu’il se rassure ! Les choses maintenant vont aller très vite. Je l’invite à venir me rejoindre dans les tribunes lorsqu’il sera « relevé » … on y voit mieux la fin du match !
Mustapha BIDOCHON
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