La fanfare de la gendarmerie assignée à résidence

(Le Parisien n°19588 du jeudi 30 août 2007)

Vingt jours d’arrêt. C’est la sanction que purgent actuellement des musiciens de la gendarmerie mobile, basée à Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine). Leur faute : ils refusent l’ordre qui leur impose de déménager à Maisons-Alfort (Val de Marne). L’affaire traîne depuis des mois mais, cette fois, le ton monte vraiment entre ces frondeurs et la hiérarchie militaire. Les musiciens qui assurent les grandes cérémonies militaires de la capitale, sont sommés de laisser la place libre pour la construction de la future Direction générale de la gendarmerie, qui doit justement s’installer à Issy.

Priés de déguerpir, quarante-deux gendarmes, soutenus par leurs épouses, ont décidé de désobéir. Ils n’ont pas hésité à porter leur colère devant la justice, collectivement, pour dénoncer cet ordre. « Un véritable évènement », selon Michel Bavoil, président de l’Association de défense des droits des militaires. C’est après avoir visité les appartements qui leur étaient destinés que les familles ont vu rouge. « Leur état est déplorable. Plafonds et sols dégradés, plinthes arrachées, fuites d’eau, manque d’hygiène et même présence d’amiante », affirme une femme de gendarme.« En plus, on devait payer nous-mêmes le déménagement ! ». En première instance, le 30 juillet devant le tribunal administratif de Melun (Seine-et-Marne), les gendarmes ont perdu une bataille. Les juges n’ont pas estimé qu’il y avait un caractère d’urgence à refuser ce déménagement.

« Ils doivent signer un cahier de présence matin et soir »

« Depuis, les pressions de la hiérarchie se multiplient, précise Me Renaud Rialland, l’avocat des gendarmes. On les a menacés d’annuler leurs permissions d’été, de leur faire payer une indemnité pour l’occupation de leurs locaux à Issy, dans l’enceinte de la caserne, comme si ils étaient des squatters. Certains ont même été mis aux arrêts pour vingt jours ! » «Ils doivent signer un cahier de présence le matin à 8 heures et le soir à 18 heures, explique Pascale, la femme d’un des gendarmes sanctionnés. Et s’ils ont besoin de sortir dans la journée pour un impératif familial, ou tout simplement faire les courses, il faut aussi signer au poste de garde. »

Sous la pression hiérarchique, certains ont craqué. Pour les « motiver », la direction a fait quelques concessions comme donner un coup de peinture dans les nouveaux logements (pour un coût de 145 000€ selon le ministère) et proposer une indemnité pour le coût du déménagement. Des 42 frondeurs du début, il n’en reste plus que 22 qui refusent encore de déménager et ont décidé de faire appel. « Le recours sera déposé, d’ici à mi-septembre », affirme l’avocat. On imagine l’ambiance dans le fort. « Mais le service est assuré, souligne Pascale. Les hommes sont prêts à jouer. » Pas question non plus, de donner un argument au ministère pour les prendre en faute. Hier, le Sirpa gendarmerie résumait l’affaire : « Les familles ont été prévenues depuis septembre 2006. Elles n’ont pas été mises au pied du mur. Quand on est gendarme et qu’on refuse un ordre, on s’expose à des sanctions. »

Olivier Debruyne

Point de vue de l’Adefdromil

Afin de lever toute ambiguïté sur ce dossier, Il est important de rappeler que les musiciens de la gendarmerie mobile ne contestent pas le fait qu’ils peuvent être appelés à servir en tout temps et en tout lieu (article L4121-5 du Code de la Défense), qu’ils doivent obéissance aux ordres de leurs supérieurs (article L 4122-1 du Code de la défense), qu’ils sont logés par nécessité absolue de service.

Mais en contrepartie de ces sujétions propres à l’état de militaire, ils sont conscients qu’ils ont, comme tous les fonctionnaires de l’état, des droits et notamment :

Le droit à un minimum d’informations et de considération : de nombreuses épouses ont un emploi et leurs enfants sont scolarisés à Issy-les-Moulineaux; Le droit à des logements décents répondant aux normes de sécurité : certains logements visités sont insalubres et comportent une présence d’amiante de l’aveu même de la DGGN; Le droit à des conditions de travail décentes et à des locaux professionnels adaptés : ces locaux font actuellement cruellement défaut pour les répétitions sauf à recourir à ceux de la municipalité; Le droit à ce que le chef, à tous les échelons, veille à leurs intérêts (article L4121-4 du Code de la Défense) .

La Direction de la gendarmerie justifie ce déménagement hâtif par le fait qu’il s’inscrit dans le cadre du schéma directeur immobilier d’Ile-de-France de la gendarmerie avec pour but de regrouper les personnels au plus près de la formation à laquelle ils appartiennent.

Pour louable qu’il soit, cet argument ne résiste pas à l’examen.

En effet, en 1999 l’orchestre a été déplacé d’Ivry à Issy Les Moulineaux dans le but de rapprocher les musiciens des lieux où ils sont appelés à fournir leurs prestations, c’est-à-dire les bâtiments officiels de la République. L’intérêt du service ayant prévalu à l’époque on ne peut que s’étonner de l’éloignement préconisé aujourd’hui de ces mêmes lieux de travail.

Inquiétantes aussi les pressions exercées sur les musiciens pour les convaincre de quitter très rapidement les casernements d’Issy les Moulineaux pour Maisons Alfort alors que le marché public (le troisième du genre !) est toujours en cours et rencontre semble-t-il quelques difficultés.

Incompréhensible également le libellé plus que douteux du motif de punition retenu qui a donné lieu à une sanction de 20 jours d’arrêts.

L’Adefdromil constate que ce déménagement fort mal préparé et présenté aux musiciens touche leur vie professionnelle et celle de leur famille.

Cette gestion déplorable des hommes se passe dans le groupement de gendarmerie où il y a quelques semaines un gendarme déséquilibré a tué son supérieur et ses enfants notamment en raison de la mauvaise gestion de ce conflit professionnel par ce même commandement. Simples coïncidences ou graves lacunes dans le management des hommes ? la question reste posée.

Michel Bavoil, Président de l’Adefdromil

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