Livre blanc et idées noires

« Ce sont les hommes et non les pierres qui forment le rempart de la Cité. » PLATON

Le 23 août dernier, M. Nicolas SARKOZY, Président de la République et Chef des Armées, a installé la commission ad hoc, chargée sous la présidence de M. Jean Claude MALLET, Conseiller d’Etat et ancien SGDN de rédiger un livre blanc sur la défense de la France.

L’ADEFDROMIL se réjouit de cette initiative qui devrait permettre, en théorie, une mise à plat des missions, de l’organisation et des moyens du ministère de la défense. Elle note que ce livre blanc devrait aboutir à : « une réforme en profondeur du ministère de la défense et de l’Etat » et que « la réflexion sera conduite sans préjugé » selon les termes mêmes de la lettre de mission du Président de la République.

Toutefois, notre association entend juger sur pièces et non selon les discours et les promesses qui n’engagent que ceux qui les écoutent.

Sans se livrer à un procès d’intention, il faut bien constater que la composition de la commission est pour le moins classique, pour ne pas dire conservatrice. En dehors des fonctionnaires, des militaires et des personnes dont l’activité a un lien avec la défense, il ne reste que trois avocats marqués politiquement et qui sont tous issus de l’ENA et dont la qualification dans le domaine de la défense n’est pas évidente.

Et puis, et surtout, alors que l’ADEFDROMIL écrit, au quotidien, le livre noir sur la défense, la lettre de mission du Chef des Armées semble limiter l’objet du livre blanc à la stratégie, aux missions, à l’organisation et aux capacités matérielles des forces armées.

Une fois de plus, on semble oublier que « la guerre » se fait avec le sang des soldats professionnels, citoyens à part entière de la République, souvent chargés de famille. Ils ont droit à la considération de la nation et de ses représentants. Après les désillusions relatives à leurs rémunérations, lors de la fin de règne du prédécesseur du ministre actuel, ils attendent beaucoup de ce livre blanc.

La condition militaire fait partie intégrante de la politique de défense. Si la condition faite aux hommes en uniforme n’est pas bonne, le recrutement sera de mauvaise qualité et peut-être insuffisant. Si la condition concédée aux militaires est en fort décalage avec le reste de la société, il faut craindre que le moral des troupes tombe au plus bas. Et c’est avec le moral de la troupe que « l’on gagne les guerres » ou qu’on réussit les missions.

Par ailleurs, le moment n’est-il pas venu de faire avancer la condition des soldats professionnels, figée dans des principes surannés depuis 1945. Selon nous, ils doivent disposer de représentants élus dans les instances de concertation rénovées. Ils doivent aussi pouvoir s’associer pour défendre leurs droits. Et une structure de médiation doit être mise en place pour résoudre les conflits professionnels du monde militaire.

L’ADEFDROMIL ne peut donc s’empêcher d’avoir quelques idées noires.

Mais, fidèle à son combat, elle entend faire connaître son point de vue.

Et à cet effet, elle va adresser ses propositions au Chef des Armées et demander au président de la commission d’être entendue afin que le sujet de la condition militaire ne soit pas occulté dans le livre blanc.

Dès à présent, elle émet de vives réserves sur les réductions d’effectifs annoncés, alors que beaucoup de clignotants allumés démontrent la surchauffe de certaines armées au regard de leurs missions et du rythme imposé par la participation de la France aux opérations extérieures.

C’est dans la suppression des postes de généraux et dans la réduction des postes ouverts aux concours des grandes écoles militaires que se mesurera le courage politique de ceux qui affirment vouloir dégraisser le mammouth pour reprendre une expression appliquée, en son temps, à l’éducation nationale.

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