Le patron de la grande muette prié de la boucler

(Extrait du journal satirique Le Canard enchaîné du 8 août 2007)

Verra-t-on bientôt les choeurs de l’armée française entonner « Le chant du départ » pour leur chef d’état-major, le général Jean-Louis Georgelin ? Ce cinq-étoile pourrait quitter la galaxie plus vite que prévu. Primo, c’était un proche de Chirac. Deusio, il a des rapports détestables avec la plupart de ses adjoints. Tertio, il se prend pour le ministre de la Défense. Avec MAM faisant de la figuration aux ordres de Chichi, il n’y avait pas de problème. Mais avec Sarko chef des armées, la donne a changé. Et le général met du temps à le comprendre.

D’abord, à peine le nouveau ministre de la Défense, Hervé Morin, installé, le voilà qui balance un communiqué triomphal sur l’aide apportée par « ses » troupes aux populations de l’est du Tchad dans le cadre de la crise du Darfour. La riposte ne se fait pas attendre. Le malheureux Kouchner, qui a déjà tant de mal à exister, se fend d’une note au Château : c’est au pouvoir « politique » d’annoncer ce genre de décision, pleurniche-t-il à bon droit. Aussitôt, le tir est rectifié avec, le 16 juin, un communiqué commun sur le Darfour d’Hervé Morin et du French transfuge.

Mais Georgelin ne s’arrête pas là. Le 5 juillet, il donne une interview, à « l’Express », dans laquelle il se pique de géopolitique en insistant sur les gros besoins budgétaires des armées.

Quatre jours plus tard, le ministre de la Défense contre-attaque et rédige une « directive pour les déclarations publiques », datée du 9 juillet. Elle ne vise pas officiellement le seul Georgelin, mais c’est pire, puisque, adressée à « tous les grands subordonnés », elle le ravale à ce rang.

Dans cette « feuille de route », les chefaillons sont donc avisés qu’ « il importe que leurs déclarations publiques soient conformes en tout point à la politique du gouvernement ». Le ministre ne voit « dans ce cadre » que « des avantages » à ce qu’ils communiquent « librement ».

Toutefois, de façon que « l’avantage » ne se mue en inconvénient, dans un louable souci de « bonne cohérence d’ensemble des différents propos », tout bavard est prié de demander, via la Direction de la communication du ministère, « un accord de principe avant toute expression publique ».

Pour soutenir le moral des étoilés, « Le Canard » suggère deux ou trois formules aux officiers qui auraient du mal à exprimer les subtilités de cette rupture tranquille : « L’armée française est pour le bien contre le mal », « Le colonel Kadhafi gagne à être connu. » A éviter absolument : « Les restrictions budgétaires vont frapper la Défense de plein fouet ».

À lire également