On n’aime pas le PACS au ministère de la défense. Est-ce parce que l’acronyme ressemble trop à PAX – la paix en latin- qui n’est pas la finalité première du ministère qui fut autrefois celui de la guerre ? Ou bien y a-t-il derrière cette défiance une pointe d’homophobie ou simplement la crainte que les militaires se pacsent à tour de bras pour tirer quelques avantages de la situation ? Nul ne le sait. Il faudrait sans doute psychanalyser ceux qui conçoivent les textes à caractère statutaire.
Toujours est-il que faisant suite à nos alertes sur la situation ubuesque, abracadrabrantesque, inadmissible, insupportable et révoltante dans un état prétendu de droit, qui consistait à ignorer purement et simplement le PACS dans les textes relevant de la défense, le ministère a daigné enfin prendre en compte cette situation de famille instaurée en 1999.
C’est ainsi que trois décrets publiés en mai 2007 ont ouvert des droits sur la base du PACS. Il s’agit des décrets sur le remboursement des frais liés à la mobilité des militaires (les déménagements), et ceux relatifs aux fonds de prévoyance militaire et de l’aéronautique qui prévoient l’indemnisation des ayants droit en cas de décès en service.
Dans ces trois textes, le PACS ouvre bien des droits, mais sous réserve qu’il ait une durée de trois ans.
Cette condition est tout à fait contraire à l’ordre juridique existant et surtout elle est en totale contradiction avec la réalité familiale du monde militaire.
L’ADEFDROMIL est la seule association, dont l’objet lui permet d’agir en justice pour soumettre les textes réglementaires concernant les personnels d’active au contrôle de légalité du Conseil d’Etat.
C’est ainsi qu’elle a demandé l’annulation de la disposition des décrets fixant une durée de trois ans au PACS pour qu’il produise des effets, en développant les arguments suivants :
Considérant que le PACS destiné initialement a formalisé une union entre personnes de même sexe, a été, dès son instauration, largement utilisé par les couples susceptibles de contracter mariage ;
Considérant que dans une société moderne, ce type d’union correspond d’évidence au mode de vie résultant des principes de la mobilité et de la disponibilité en tout lieu et en tout temps qui caractérisent l’état militaire en application de l’article L 4121-5 du code de la défense;
Considérant que le recours au pacte civil de solidarité doit être considéré dans les armées comme un moyen plus souple d’union soit entre un militaire soumis à une exigence particulière de mobilité et une personne de la société civile, soit entre deux militaires qui peuvent être soumis chacun à des exigences particulières de mobilité et de disponibilité susceptibles de déstabiliser leur union ;
Que l’usage du PACS est donc de nature à éviter les situations conflictuelles résultant fréquemment des divorces ;
Considérant que le taux de divorce est plus élevé chez les militaires que dans le reste de la population française et que le taux d’emploi des épouses est inférieur à la moyenne nationale, tandis que le nombre d’enfants des militaires est supérieur à la moyenne des ménages, ainsi qu’a pu le dire le ministre de la défense devant le conseil supérieur de la fonction militaire le 26 juin 2007 : « J’y ai découvert (dans le rapport du HCECM) par exemple que, au regard des moyennes nationales, on divorce davantage dans le monde militaire et on y est beaucoup moins propriétaire de son logement. J’y ai retrouvé aussi que les militaires ont davantage d’enfants, mais également que le taux d’emploi des épouses de militaires est inférieur au taux national, et par conséquent les ressources des ménages reposent essentiellement sur votre solde.»
Considérant qu’il est du devoir de l’Etat de protéger ses militaires qui risque fréquemment leur vie au service de la France ;
Considérant que le code de la défense dispose dans son article L 4121-4 qu’ « il appartient au chef, à tous les échelons, de veiller aux intérêts de ses subordonnés.. » ;
Considérant que le maintien de cette condition de durée d’un PACS constituerait ainsi une forfaiture qu’il convient d’épargner aux chefs à tous les échelons ;
Considérant que l’exigence de cette durée de 3 ans d’un PACS est contraire aux intérêts des militaires ; qu’elle ne peut se justifier par l’intérêt général ;
Considérant que le décret n° 2007-888 du 15 mai 2007 modifiant le décret n°73-934 du 25 septembre 1973 relatif au fonds de prévoyance militaire différencie les droits des bénéficiaires des allocations versées par le dit fonds selon qu’ils sont mariés ou pacsés ;
Considérant que la durée exigée de trois ans du pacte civil de solidarité liant deux personnes pour qu’elles bénéficient des avantages fiscaux a été abrogée par la loi n°2004-1484 du 30 décembre 2004 portant loi de finances pour 2005 dans son article 8 qui vient modifier l’article 6 du code général des impôts (CGI) en supprimant à compter du 1er janvier 2005 la mention initiale « à compter de l’imposition des revenus de l’année du troisième anniversaire de l’enregistrement du pacs », laquelle mention avait été introduite dans cet article 6 CGI par l’article 4 § 1 de la loi n°99-944 du 15 novembre 1999 créant le PACS.
Considérant que la discrimination ainsi opérée tombe sous le coup de la définition de l’article 225-1 du code pénal qui définit la discrimination comme « la distinction opérée entre les personnes physiques… à raison de leur situation de famille » ; et est susceptible d’être sanctionnée par les peines de l’article 225-2 du même code ;
Considérant, de plus, que la discrimination opérée est contraire à l’article 14 de la convention européenne des droits de l’homme dûment signée et ratifiée par la France ;
Qu’en effet, la jurisprudence de la Cour de Strasbourg exige que la différence de traitement s’appuye sur une justification objective et raisonnable, ce qui n’est bien évidemment pas le cas en l’espèce ;
Considérant à titre très subsidiaire, que si le principe d’égalité ne fait pas obstacle à ce qu’un traitement différencié en fonction des situations puisse être appliqué ;
Considérant que si le ministre de la défense, dans un but supposé de bonne de gestion ou pour éviter tout risque de fraude, peut fixer une durée minimum au pacte civil de solidarité liant deux militaires ou un(e) militaire et une autre personne, le décret déféré à votre censure ne peut sans commettre d’excès de pouvoir exiger que cette durée soit largement supérieure à la durée même de beaucoup d’affectations de militaires qui est compris entre 6 mois et deux ans ;
Considérant que cette durée de trois ans est manifestement excessive par rapport à l’intérêt général et aux buts supposés poursuivis ;
Considérant que cette durée de trois ans est de nature à pénaliser gravement des familles de militaires, dont l’un des membres affilié au fonds de prévoyance en raison de son état viendrait à décéder en service ;
Considérant que la discrimination des ayants droit des militaires pacsés en ce qu’elle exige une durée de trois ans du dit PACS est contraire à l’intérêt même du bon fonctionnement et de la bonne gestion des militaires, nécessaire à l’efficacité de l’outil de défense ;
Que dès lors, le maintien de l’exigence d’une durée de trois ans d’un pacte civil de solidarité pour bénéficier des allocations du fonds de prévoyance militaire doit être regardé comme limitant de manière excessive le droit des ayants droit des militaires pacsés.
Il est regrettable que le CSFM ait donné un avis favorable à ces textes en juin 2006. Cela ne met pas en cause la bonne volonté de ses membres, mais démontre une fois de plus qu’il s’agit d’une chambre d’enregistrement incapable de déceler les pièges des textes soumis par l’administration militaire.
Souhaitons que le Conseil d’Etat suive les arguments de l’ADEFDROMIL et que des familles de militaires pacsés n’aient pas à souffrir de ces dispositions discriminatoires avant l’annulation des décrets.