Un projet de restructuration de la Poste Interarmées risque de porter atteinte à la condition des militaires en opex

Dès sa prise de fonction en 2006 le directeur de la Poste interarmées s’est appliqué à mettre en oeuvre les décisions prises en janvier 2005. Impuissants face à des restrictions budgétaires imposées par l’Etat-major des armées, les fonctionnaires détachés à la Poste interarmées sont inquiets du sort qui leur est réservé après plusieurs décennies au service de la Défense. Cette inquiétude gagne peu à peu l’ensemble des militaires qui craignent de voir disparaître un service public à leur disposition notamment en opérations extérieures.

Préparation psychologique à une réduction des effectifs

Le 1er juillet 2006, le directeur du service de la poste interarmées a diffusé la note de service n°21613/DEF/DCSPI/RH précisant les conditions du renouvellement du détachement des fonctionnaires de La Poste. Sombre présage.

« Le climat d’incertitudes que nous connaissons actuellement – réduction des effectifs de fonctionnaires de la Défense, révision de la convention Poste Défense – m’oblige à prendre les mesures suivantes pour les renouvellements de détachement.

Il ne sera plus attribué désormais de détachements de cinq ans ; seuls les détachements maximum de deux ans et d’un an pour les personnels accédant à un grade d’assimilation supérieur seront accordés. »

Des sous-officiers révoltés

Le 13 septembre 2006, 1 major et une vingtaine de sous-officiers ont eu la désagréable surprise de recevoir la lettre suivante :

« Votre détachement auprès du ministère de la Défense prend fin à la date du 31 mars 2007 (Ndlr : les dates s’étalent de mars 2007 à septembre 2007).

Conformément à la directive du 26 juillet 2006 émanant du ministère de la Défense, les mesures d’économies prévues pour la Poste interarmées au budget 2007 sont de l’ordre de moins 44 emplois avec ajustement du gage de masse salariale correspondant.

En conséquence, je vous informe que je ne suis pas en mesure de renouveler votre détachement et notifie, ce jour, à La Poste, Direction de la réglementation des ressources humaines, département « Gestion du personnel détaché », votre réintégration à compter du 1er avril 2007.

Afin de faciliter votre réintégration dans les services de La Poste (formations, stages…), je vous invite à prendre contact avec le capitaine B. (DCSPI/RH) qui pourra vous aider dans cette démarche. »

Les présidents de sous-officiers ont été tenus semble-t-il à l’écart de ce qui se tramait. Aucune concertation n’a eu lieu, aucune information n’a été diffusée. Parmi les sous-officiers remerciés, plusieurs d’entre eux apprendront le terme de leur détachement, en Opex, après avoir servi l’Institution durant plus de trente ans : bien triste reconnaissance des services rendus !

Dans le civil, lorsqu’une entreprise licencie 40 ouvriers, les syndicats montent au créneau. Dans l’armée, la hiérarchie compatit, les chefs se taisent et se donnent bonne conscience : Surtout pas de vague on a réussi à faire en sorte que seuls, 40 sous-officiers soient sacrifiés ! Et puis, ces fonctionnaires déguisés en militaire n’ont pas de droits acquis à voir leur détachement renouvelé…Ils ne possèdent même pas de tenue interarmées !

Vous avez dit contraintes budgétaires ?

Pour 247 personnels, la poste Interarmées compte dans ses rangs 1 colonel, 2 lieutenants-colonels, un directeur « civil », 5 commandants et 6 capitaines. Il semblerait qu’au département central personne ne soit touché par la déflation et contrairement à l’annonce faite, des détachements pour une durée de 5 ans ont été signés. C’est ainsi par exemple que l’adjoint au directeur a vu son contrat renouvelé à la stupéfaction générale. En effet, le relevé de décisions N°276 du 26 janvier 2005 précisait :

« En accord avec les autorités militaires, les principaux responsables du service (le directeur, son adjoint et le chef du centre de tri de Paris tri interarmées) qui sont en position de détachement depuis de très nombreuses années seront réintégrés à La Poste à l’échéance de leur mandat actuel »

Les contraintes budgétaires concerneraient elles que les postes de sous-officier ?

Infoposte calmera-t-il la rumeur d’une nouvelle déflation des effectifs pour 2007 ?

Le département central de la Poste interarmées dément l’existence d’une nouvelle vague de non renouvellements de détachements en 2007. Elle écrit notamment dans Infoposte interarmées du 27 septembre 2006 :

« Cette rumeur n’est pas fondée pour la raison suivante :

Le ministère de la Défense a décidé de supprimer 44 emplois à la Poste interarmées en 2007 par rapport à un effectif théorique actuel de 291.

Au 1er janvier 2007, l’effectif réel réalisé de La Poste interarmées sera de 275 et le nouvel effectif cible de 247 personnes.

Donc l’effectif réel de 275 début 2007 nous conduit à ne pas renouveler le contrat de 28 personnes de La Poste interarmées durant cette même année.

Aucune autre mesure n’est envisagée au budget 2007.

…. »

Si nous sommes rassurés pour 2007, le problème reste entier pour 2008 car l’Etat Major des Armées mène des études pour pallier la disparition prochaine des services financiers de La Poste interarmées.

Vers une modulation de la fraction solde Opex et une atteinte à la condition militaire ?

La première conséquence de la disparition programmée des services de la Poste interarmées concerne le paiement de la fraction de solde Opex d’environ 600 euros que perçoit tout militaire désigné pour partir en opération. Cette avance de solde permet au militaire de financer ses menus achats sur place, ses sorties ou bien encore l’achat de souvenirs. Traditionnellement le soldat ou le cadre dépose une grande partie de cette avance de solde sur le livret de La Poste de façon à éviter les vols.

Selon un projet de l’EMA inspiré des errements de la Marine, cette avance de solde pourrait être payée en plusieurs fois au cours du mois en fonction du besoin et dans la limite du montant de l’avance de solde décidé pour l’opération. La partie non utilisée de l’avance de solde pourrait être réintégrée par l’administré et le montant définitif de l’avance perçue arrêtée par le trésorier chargé de régulariser les écritures.

Il est évident qu’une telle mesure alourdira considérablement la charge de travail du trésorier du détachement, nécessitera une détention de fonds considérable et une mise en sécurité de ceux-ci. On imagine mal le trésorier du détachement entrain de trimballer un coffre fort dans le désert tchadien ! Pour éviter d’être confronté à ces difficultés, très rapidement le commandant de formation décidera de minorer le montant des avances de solde ! Et tout commissaire sait qu’il est rigoureusement interdit de mélanger des fonds privés et des fonds publics. Lorsqu’un militaire a perçu sa solde, celle-ci devient un fond privé.

La deuxième conséquence, c’est que le montant des retraits ne pourra se limiter qu’au montant de l’avance. Le militaire en opération ne pourra plus avoir cette facilité d’émettre ou de recevoir des virements postaux. Le commandement sera dans l’obligation de faire appel aux services d’un prestataire privé de type Western Union s’il veut conserver ce type de prestation au bénéfice du militaire.

Il n’est pas inutile de rappeler :

1) que les postiers militaires sont des fonctionnaires de l’exploitant public « La Poste, assermentés auprès du tribunal et soumis au secret professionnel.

2) que les trésoriers des formations, toujours présumés coupables en cas d’erreur numéraire, perçoivent une prime de responsabilité misérable, non revalorisée depuis sa création et exclusive du bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire.

Dans ces conditions, l’Adefdromil s’interroge sur les raisons réelles qui poussent le Ministère de la défense à porter atteinte à la condition militaire en supprimant les services gratuits et confidentiels de la Poste en Opex. Dans tous les cas, si une telle décision devait être prise, la surcharge de travail causée aux officiers trésoriers devra être compensée par une revalorisation substantielle de leur prime de responsabilité et la prise en compte de celle-ci dans le calcul de la retraite au même titre que la NBI dont ils sont exclus.

Lire également :
Le service de la Poste Interarmées

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