Qui manipule qui ?

Depuis plusieurs mois déjà, l’Association de DEFense des DROits des MILitaires informe les autorités que de nombreux feux rouges sont allumés au sein des armées en général, de la gendarmerie plus particulièrement. En faisant ce travail, l’ADEFDROMIL se distingue de ceux et celles qui tentent de prendre les trains en marche et ils sont nombreux aujourd’hui. Elle se distingue également de ceux qui, pour complaire à la France d’en haut et en usant de la méthode Coué, proclament que tout va très bien madame la marquise et qu’il ne faut pas s’affoler.

Depuis quelques semaines déjà, la fièvre des gendarmes semble se généraliser et plusieurs forums se font l’écho de cette effervescence. La presse écrite et audiovisuelle commence à s’y intéresser.

L’Adefdromil comme à son habitude essaye d’y voir plus clair et de comprendre qui manipule qui.

Reprenons le fil des évènements :

1 – L’Adefdromil s’est fait l’écho d’un mécontentement grandissant au sein de la gendarmerie départementale depuis l’automne 2006 : temps de travail considérable, problèmes générés par les communautés de brigade, insatisfaction du système de la prime au mérite et de la politique de résultats, etc.

2 – Dans le cadre de la mise en application du nouveau statut général adopté en 2005, on a proposé aux armées, fin2006, une grille indiciaire faisant la part belle aux officiers (jusqu’à 180 points d’indice selon les grades), mais pratiquement inchangée pour les non-officiers, y compris ceux de la gendarmerie. Cette annonce a été faite avant que le Haut Comité d’Evaluation de la Condition Militaire (HCECM) rende, en février 2007, son rapport qui, comme par hasard, n’a fait que confirmer ce qu’avait anticipé la direction des ressources humaines du ministère.

3 – Le comité d’entente des associations de la gendarmerie (CEAG) –qui regroupe notamment l’association des officiers baptisée le Trèfle (à 4 feuilles ?) et l’Union Nationale des Personnels en Retraite de la Gendarmerie (UNPRG) sentant monter le mécontentement de la base adresse alors, le 16 février 2007, un courrier aux candidats à l’élection présidentielle demandant à la fois le maintien du statut militaire des gendarmes et plus de moyens : des effectifs et une grille indiciaire calquée sur celle des policiers. Mais ce courrier ne présente aucune proposition sur la rénovation du système de concertation, sur le droit d’association, etc.

4 – Entre temps, las des discours et promesses, des intervenants du forum des Gendarmes en Colère (GEC) annoncent qu’ils iront déposer leurs doléances aux sièges des groupements et régions le 26 mars prochain, deux jours avant l’intervention de leur ministre devant le CFMG. Un courrier a été rédigé à cet effet qui reprend des questions essentielles restées sans réponse depuis les manifestations de 2001. http://www.forum-en-colere.fr.st/

5 – Dans un post intitulé « ne pas faire n’importe quoi », un gendarme courageux propose quant à lui une réunion informelle le 5 avril prochain, visant à faire le point à l’issue de l’intervention de la ministre devant le CFMG le 28 mars prochain.

http://www.lessor.org/SiteEssor/Visitor/forum/read.php?f=1&i=64846&t=64846

6 – Dans une ligne, on ne peut plus légaliste, des militaires, parfois retraités, suggèrent également de faire confiance au commandement de la gendarmerie pour faire remonter au gouvernement, en bonne et due forme (en bon uniforme, dirait Coluche ?) et au moment opportun, les problèmes soulevés.

7 – Enfin, last but not least, le rédacteur en chef du journal L’Essor adresse un communiqué de presse à l’AFP le 15 mars 2007 résumant un certain nombre de doléances des gendarmes et visant à discréditer le mot d’ordre du 26 mars qui serait l’oeuvre de manipulateurs.

http://www.lessor.org/SiteEssor/Visitor/forum/read.php?f=1&i=65096&t=65096

Mais qui l’Essor manipule-t-il ?

Mais quelle est cette armée dans laquelle un journaliste, rédacteur en chef d’un mensuel corporatiste qui est avant tout une entreprise commerciale, tente de calmer le jeu auprès de ses confrères ? Sans doute, a-t-il raison de poser la question de savoir qui est à l’origine des mots d’ordre du forum GEC, mais aussi qui se cache derrière les propos racistes et grossiers, les images scatologiques, etc. S’agit-il de vrais intervenants ou de personnes qui veulent discréditer le site pour de multiples raisons ? Il est difficile de le savoir. La prudence s’impose donc. En retour, on est en droit de s’interroger sur ce qui s’écrit sur le forum de l’Essor. Le contenu, pour le moins travaillé, pesé, orienté est tout aussi sujet à caution que celui du GEC. On ne compte plus les internautes qui ont vu leur intervention censurée par la modératrice Sophie (de Sophia : la sagesse ?) pour cause de propos « politiquement » incorrects. Et il vaut mieux arriver sur ce forum avec des idées plutôt conformistes sous peine d’être l’objet d’une chasse aux sorcières en règle animée par des vieux de la vieille ( et pas de la veille !). Le forum de l’Essor est donc lui-même un bel outil de manipulation. Mais pour qui roule l’Essor et son faux rhum ? Est-ce au profit de l’UNPRG, dont il s’affirme être l’organe de presse ?

Eh bien pas tout à fait, car qu’est ce que l’Essor de la Gendarmerie ? Avant d’être un organe d’expression, c’est avant tout une entreprise commerciale de presse qui doit gagner de l’argent avec des abonnements, des publicités, des services, etc. Alors quel est l’intérêt économique de l’Essor ? C’est de conserver son quasi monopole de journal corporatiste de la gendarmerie. Pour ce faire, il ne faut pas trop faire bouger le bateau. Il faut conserver de bons contacts avec la direction générale, ne pas lui faire de la peine en la critiquant. Le style doit être relativement neutre, le ton plus positif qu’amer. Le jeu est difficile, mais il en vaut la chandelle. Et surtout pas d’associations professionnelles qui concurrenceraient l’UNPRG et qui pourraient produire des périodiques au ton plus attractif.

De plus, si dans les grands journaux, la ligne éditoriale est généralement indépendante de l’actionnariat principal de l’entreprise de presse, on peut craindre qu’il n’en soit pas de même à l’Essor. En effet, son propriétaire est depuis 2002, M. Bernard Méaulle, ancien patron du groupe de presse régionale Méaulle cédé en 2001 pour plus de 300 millions de francs au groupe Ouest France et dont l’associé dans la société Axe Media Services, domiciliée au 34 Avenue des Champs Elysées (même adresse que l’Essor) est membre du bureau politique de l’UMP. Cet élément factuel donne un éclairage particulier aux prises de position de l’Essor.

La fin de la manipulation ?

Si les messages postés sur le forum des GEC étaient totalement manipulateurs et surtout infondés, on n’aurait pas pris la peine de tenter de faire peur à ceux qui y écrivent en leur affirmant que le site est « sous surveillance judiciaire ». Le directeur général de la gendarmerie en personne, dans un message adressé dès le 13 mars aux membres du conseil de la fonction militaire de la gendarmerie, n’aurait pas pris la peine de faire référence au mot d’ordre du site et d’en appeler – de manière un peu fébrile – à la responsabilité individuelle des militaires de la gendarmerie (sic).

Il est certain que tout mouvement social en période électorale a un caractère politique marqué. Mais dans le cas présent, le mouvement social ou l’étalage de la grogne des gendarmes au grand jour risque de toucher plus particulièrement un candidat, responsable de la politique de sécurité depuis 2002. Il est donc logique que ses amis ou ses soutiens s’efforcent de lui épargner ce déboire.

Le nouveau mouvement de grogne gendarmique est réel et fondé. Il suffit de lire l’avis rendu par le Conseil de la Fonction Militaire de la Gendarmerie lors de sa 35ème session pour s’en assurer.

Ainsi, les gouvernants manipulent la haute hiérarchie militaire, laquelle manipule à son tour les différentes catégories subordonnées. Des gendarmes en colère hébergés à l’étranger manipulent une base fragilisée. D’autres installés en France manipulent les indécis. Des anciens de tous rangs s’essayent aux expertises. Des policiers, parfois syndiqués, manipulent la manipulation. Des civils s’y invitent.

En définitive, seule une représentation professionnelle des militaires fondée sur l’élection et bénéficiant de disponibilité et d’un statut pourrait laisser espérer un peu moins de manipulation et un peu plus de véritable concertation. Cette proposition juste, constructive, réaliste et réalisable est recommandée par les instances européennes. Elle se trouve au coeur du plan d’action adressé par l’ADEFDROMIL à l’ensemble des candidats à l’élection présidentielle.

Programme d’action 2007 – 2012 de l’Adefdromil

On ne peut que répéter que sa mise en oeuvre est indispensable et urgente.

« Evoluer c’est grandir, ce n’est pas mourir »

Lire aussi :

Le profond mécontentement des gendarmes Le statut des militaires de la gendarmerie en question Faut-il démilitariser la gendarmerie ? La Gendarmerie survivra-t-elle en 2012 ? (1e partie) La Gendarmerie survivra-t-elle en 2012 ? (2e partie et fin) Militarité et Gendarmerie… Synthèse. Antithèse ou Foutaise Vers un statut civil de la gendarmerie française : les réactions La Gendarmerie Gendarmerie : les limites du système Risques d’une dévaluation des fonctions dans la gendarmerie Difficultés rencontrées par la gendarmerie nationale Gendarmerie : le ministre au pied du mur Par Saint Pandore, le directeur général nouveau est arrivé Réforme du statut de la gendarmerie Un Président de catégorie sanctionné abusivement au sein d’une unité d’élite de la Gendarmerie Nationale

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