Vives tensions chez les militaires espagnols

Nos esprits cartésiens ont toujours eu du mal à comprendre que la « Guardia Civil » espagnole soit un corps militaire.

Créée sous Isabel II en 1844, cette vénérable institution compte 72.000 hommes et femmes, et 8.000 réservistes, répartis en 3.200 postes. Officiellement rattachée au ministère de la Défense, elle est en fait affectée à des tâches de police, pour l’essentiel le contrôle routier. 99 % de ses actes quotidiens n’ont rien de militaire. C’est ni plus ni moins que la gendarmerie espagnole. Le parti de M. Zapatero avait assuré que le corps serait démilitarisé. Mais les choses tardant, les gardes civils ont pris les devants.

Las d’être corvéables à merci, payés des clopinettes, de vivre souvent dans des casernes insalubres, de recevoir une paire de godillots tous les cinq ans, de porter le même uniforme hiver comme été, d’utiliser des véhicules fatigués, les gardes civils ont formé légalement l’AUGC, l’association unifiée de la garde civile –qui n’est pas, cela va de soi, une association de retraités. Leurs mauvaises conditions de travail seraient à l’origine de nombreuses tentatives de suicide, une tous les dix jours, et de 300 démissions annuelles.

Une manifestation monstre a été organisée le samedi 20 janvier dernier sur la plaza Mayor de Madrid. Elle a réuni 12.000 gardes civils, dont 3.000 en uniforme. Elle a reçu l’appui de divers syndicats ou associations tels que le syndicat unifié de la police ou celui de l’AUME, Association Unifiée des Militaires Espagnols. Les gardes civils demandent notamment leur « démilitarisation » et l’assouplissement du régime disciplinaire en décalage avec celui des autres forces de police.

La première réaction du gouvernement de M. Zapatero a consisté à ouvrir une procédure à l’encontre des représentants de l’une des associations professionnelles des gardes, pour faute grave, accompagnée d’une mise à pied de 90 jours, ce que le corps prend excessivement mal. Il n’est pas le seul, puisque le Syndicat Unifié de la Police vient de prévenir qu’en cas de sanction, ses affiliés descendront à leur tour, et en uniforme dans la rue. Et les 130.000 militaires espagnols suivent l’affaire avec attention, comptant sur les gardes pour ouvrir une brèche et obtenir de meilleures conditions de travail, et une solde supérieure.

Simultanément, le président de l’AUME, Jorge BRAVO, qui avait participé à la manifestation, a été mis aux arrêts sur une base militaire, officiellement pour s’être exprimé dans les médias sur un accident d’hélicoptère.

L’Adefdromil apporte son entier soutien aux deux associations professionnelles que sont l’AUGC et l’AUME. Elle demande la libération de Jorge BRAVO.

Mais honni soit qui mal y pense ! Pour éviter toute comparaison avec notre situation franchouillarde et empêcher que l’incendie gagne au nord par le Perthus ou le Somport, on peut toujours ressortir la célèbre formule de Blaise Pascal : vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà ! Sans oublier que quelques années plus tard, Louis XIV aurait affirmé qu’ « il n’y a plus de Pyrénées ! ». Et il avait peut-être raison le sire.

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