« Militarité » et Gendarmerie (suite et fin)

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Mais bien avant et à un an d’intervalle, en 1999 et en 2000, deux « colloques s’étaient penchés sur la légitimité de la gendarmerie.

Sous la présidence du garde des sceaux et du ministre de la défense, trois tables rondes « avaient planché » sur trois thèmes fondamentaux soumis à examen :

la « continuité » d’abord … et le colonel COEURDEROY justifie la militarité par la disponibilité statutaire de l’Arme. la « dualité » ensuite, et Jean Pierre DINTILHAC souligne la « saine émulation » née de la coexistence Police – Gendarmerie (et on vient nous parler de « guerre des polices » … !) la « proximité » enfin, le conseiller d’état Hubert BLANC explique et justifie la gendarmerie par « sa présence ». Le gendarme a besoin qu’on le voit.

Le second colloque insistait sur les rapports qu’entretient la gendarmerie avec la démocratie.

Pour le Général PHILIPOT, ancien Directeur du SHGN, le gendarme est le « soldat de la loi ». Il affirme que ses vertus militaires et sa « culture » sont les meilleures garanties pour la survie de la démocratie. Nous disposons avec elle d’un des systèmes de police les plus perfectionnés au monde … il faut en prendre soin et surtout ne pas abandonner par une dangereuse ignorance ce précieux patrimoine.

Le gendarme, dit-il, est « un produit exclusivement militaire » …un soldat.

Le rapporteur du colloque enfin, Olivier GOHIN, professeur de droit, évoque une fois de plus la thématique de la démocratie, enjeu de l’action, et de la survie de « l’état de droit ».

Finalement, et contrairement à « la base », les officiers de gendarmerie pensent donc que « la militarité » est une valeur existentielle fondamentale et qu’en douter est « institutionnellement impossible ».

Si la réponse est « oui », l’institution se coupe de sa finalité judiciaire pour ne rester qu’une « police aux armées »

Si la réponse est « non », elle disparaît et fusionne avec la police.

La gendarmerie vit donc dans le flou, pire … elle « survit de ce flou » !

Enfin, il y a quelques semaines, Jacques BESSY, vice président de l’Adefdromil et ancien cadre de l’Arme nous propose un avis autorisé et global sur l’ensemble du débat …

Cette dualité n’est pas contemporaine .Elle n’avait pas échappée à NAPOLEON lui-même et resurgira fatalement dans le cadre de la campagne électorale pour l’élection à la présidence … qui vient de s’amorcer !

Il constate que la concertation est un échec et c’est regrettable. Le « droit à l’expression » totalement jugulé a prohibé toute manifestation et fait du même coup obstacle au progrès. On pensait que le mouvement de 1989 était annonciateur d’un changement … les « manifs » de 2001, démontrent l’échec de la concertation dans la gendarmerie.

La rigidité du statut militaire apparaît totalement déphasée de nos jours. Il est évident qu’avec la loi des 35 heures, le gendarme est amené à comparer son sort à celui de son « collègue » policier ; les aménagements de détail ou organisationnels n’y font rien … Le « fossé » se creuse ! La grille indiciaire s’acharne à souligner la différence entre les deux statuts. Le « militaire gendarme », « policier du terrain », est donc constamment tiraillé entre deux tendances : attachement et détachement.

« Attachement » au monde militaire, en ce qui concerne le prestige … et divers autres avantages,

« Détachement » des obligations qui imposent le « service sans limite » … et la discrétion.

Le choix est difficile, cornélien, mais il s’impose. Vieux conflit qui couve depuis des lustres mais que l’on ne peut plus occulter de nos jours.

Que dire du « mirage des compensations » ? … La possibilité de « faire valoir ses droits à la retraite » à 15 ans de service pour les sous-officiers et à 25 pour les officiers ? Il s’agit là « du leurre de la condition du gendarme ». Seuls quelques rares individualités en profitent chaque année. Et le logement de fonction en caserne ? … certes gratuit mais il constitue une contrainte à l’organisation de la vie personnelle et une entrave à l’accession à la propriété.

Que dire de la pseudo parité Police – Gendarmerie ? … Elle existe réellement pour les grades de gendarme et de gardien de la paix. Pour le reste, elle ne repose officiellement que sur les dispositions de l’article 10 du « statut général des militaires » qui prévoit l’automaticité et la simultanéité de l’application aux militaires des aménagements de « portée générale » concernant la rémunération des fonctionnaires civils. Autant dire qu’elle est à mettre au registre des mythes.

Et simultanément, jour après jour, l’ « interopérabilité » dans l’exécution des missions conduit inéluctablement au rapprochement statutaire avec la création des Offices Centraux, en matière de coopération internationale , dans le cadre des Groupes d’Intervention Régionaux … le mouvement parait irréversible !

Jacques BESSY a certainement raison d’appeler les gens et tout particulièrement les décideurs à être pragmatiques et réalistes. Il faut surmonter les craintes des officiers qui voient dans la démilitarisation de la gendarmerie une menace pour leur autorité et leur prestige et des retraités qui, trop souvent « ancrés dans le passé », verraient disparaître une occasion de s’affirmer en tant qu’ « ancien ». Je pense cependant qu’il exagère la réticence des français de base face à un fusionnement lorsqu’il déclare : « on imagine mal que les français, simples citoyens ou élus du peuple, acceptent un tel bouleversement qui touche directement à leur sécurité … ». Qu’il se rassure … il y a déjà quelques années que « l’image d’Epinal » du gendarme s’est actualisée au sein de la population. Celle-ci a appris à reconnaître la voix anonyme qui depuis un Centre Opérationnel au chef-lieu de département leur diligente, après 18 heures, la « patrouille de service ».

Reste bien entendu … « la facture ». Car le coût des réformes imposera un recrutement supplémentaire, une diminution de la rentabilité. Mais c’est le prix à payer pour une « relation apaisée » entre les gendarmes, les policiers et l’état.

Mais, nous dit Jacques BESSY, la sécurité des citoyens en « bénéficiera à terme ».

Voici donc comment on peut (et je l’espère, d’une manière objective) rédiger la synthèse de ce vieux débat, à quelques jours de 2007, en s’appuyant sur les interventions de gens concernés et compétents sur les sites de l’Adefdromil et de la Saint-Cyrienne. J’ai personnellement beaucoup appris.

En conclusion, au-delà d’une position passéiste et ringarde, c’est la réalité de la société française qui doit servir de référence. Jadis, la disponibilité des gendarmes était totale, comme celle des militaires … en dehors des heures de repos. Aujourd’hui il faut prendre en compte, dans la gestion des ressources humaines, la profession du conjoint et les congés de maternité. Le système actuel a atteint ses limites, il faut avoir le courage de le constater, en tirer les conséquences, comme est venue nous le dire la jeune, belle (et sympathique) Colonelle Isabelle GUION de MERITENS lors de son passage très remarqué « chez RUQUIER » lundi 18 décembre,… et les enseignements.

Car en 2006, à six mois des élections présidentielles, dix années après le début de « la Refondation », il n’était pas inutile de nous livrer à une réflexion approfondie et globale sur « la Militarité de cette Vieille Dame » (pas Isabelle … l’autre !) à un moment où l’Armée aborde peut-être elle-même … sa « Gendarmisation » !

Lire également :
Militarité et Gendarmerie… Synthèse.

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