Militarité et Gendarmerie… Synthèse.

Les écrans de l’Adefdromil s’en font largement l’écho : le « malaise » s’est installé depuis une vingtaine d’années au sein de notre Gendarmerie et périodiquement, tous les quatre ans environ, une « poussée de fièvre » vient placer la Maréchaussée au premier plan de l’actualité ; la dernière fois en 2001. Divers articles et plusieurs incidents attirent à nouveau notre attention … ça « chauffe » dans les brigades !

Récapitulons …

Dans une intervention datée du 24 Octobre 2006 , « Roro 34 » , qui se présente lui-même comme un acteur du mouvement déclenchant au sein de la légion de gendarmerie Languedoc Roussillon , nous fait la relation détaillée et vécue de « cette aventure » initiée par la compagnie de Lodève . Rien ne nous est épargné… le convoi des véhicules sirènes hurlantes, l’arrivée dans la cour de la légion et les quelques officiers qui se glissent subrepticement parmi les manifestants, pour « les soutenir » ! Pour Roro, la « maladie du gendarme » s’explique par le mépris des chefs, qui débouche fatalement sur une obligation de revendication. Les « racines » » du malaise lui paraissent évidentes :

un manque de concertation au sein de l’institution, les « rapports sur le moral » qui sont édulcorés de manière systématique, … et le facteur aggravant de « la loi sur les 35 heures ».

Les causes perdurent, depuis les mesures prises dans l’urgence il y a plus de 10 ans. Il les énumère bien sur mais notons , sans entrer dans les détails ; le poids d’une hiérarchie éloignée de la base , un maillage des unités inadapté , la fin du service national (!) et surtout le « fossé » qui existe et qui se creuse entre le « gendarme de base » et ses officiers.

En fond de tableau, présents mais évoqués pudiquement : les soldes, les conditions matérielles.

Les propositions ? Réorganiser, former les officiers aux pratiques de la police judiciaire et au commandement.

Lorsqu’on a fini de lire la prose de Roro 34, on ne peut plus en douter : Le « Gendarme » n’est plus attaché à son statut militaire … il lui tarde de rejoindre la Police Nationale !

Mais à travers le « Casoar », la Saint Cyrienne s’est également penchée sur le problème et a ouvert son forum au débat :

C’est « Derrick » qui ouvre le feu le 28 Mai dernier et pose d’emblée la problématique : « La Gendarmerie, militaire ou non ? ». Jeune officier de l’Arme, il avoue avoir été troublé lorsque, élève à l’ESM, il avait suivi comme tout le monde le psychodrame du Languedoc qui s’était si vite étendu à la France entière. Sa vocation en avait été ébranlée … mais il s’était fort opportunément « repris ».

Il replace d’emblée les gendarmes dans leur cadre militaire en évoquant les théâtres opérationnels de l’Indochine, de l’Algérie et plus récemment de la Côte d’Ivoire …

Mais Derrick puise plutôt ses arguments dans les modes d’action de son Arme : les comptes rendus , les dispositifs opérationnels sur le terrain, l’ordre initial et la pratique de la MRT sont pour lui des facteurs qui ne trompent pas … la disponibilité et la volonté « de Servir » non plus. Il n’éprouve donc aucune réticence à évoquer la vocation du Gendarme, pas plus que sa « Militarité ».

… et le « grand mot » est lâché ! Il va falloir maintenant analyser cette notion nouvelle et définir ce vocabulaire inconnu du Larousse.

Pour lui le Gendarme, même s’il aime à juste titre sa vie de famille, se tient disponible pour l’action … Cette disponibilité lui apparaît tout à fait satisfaisante, surtout lorsqu’il la compare à celle de la Police. S’il reconnaît certains problèmes et parfois même des manquements dans la vie quotidienne, pour lui la troupe « a la qualité de ses Chefs et il leur appartient d’en tenir compte … » Car avec un peu de pédagogie et une dose d’exemplarité, les choses reprennent leur place.

Ainsi, le Gendarme est un Soldat, il est interdit d’en douter et nous devons cesser de nous déchirer … entre Militaires !

Le 10 Septembre, « batf » qui s’identifie visiblement à « la base », le remet vertement à sa place et recadre de façon énergique sa problématique. Après « trente ans de présence dans l’institution », il prétend la connaître et se félicite d’avoir participé « aux manifs » de 2001 … : « ce qu’il vous manque à vous autres officiers de la GN, c’est la réalité du quotidien vécu par vos hommes, que les officiers des autres armées assimilent beaucoup plus facilement, se trouvant souvent dans la même situation » (campagnes, manoeuvres …).

Le même jour, « citoyen de France » resitue en deux lignes le niveau du débat … la « qualité des locaux » au cours des déplacements, le confort de l’hébergement.

Je n’ai toujours pas assimilé le terme « Militarité », mais j’y vois déjà un peu plus clair … et je comprends où on veut en venir !

Officier de gendarmerie également, mais plus jeune en service, « Gcharles » reprend le flambeau le 14 Septembre pour prolonger l’argumentation de son ancien. Son choix de la gendarmerie à la sortie de Saint Cyr lui parait relever du même idéal au service de la disponibilité et du sacrifice et il rappelle fort opportunément ce qui vient de se passer en Côte d’Ivoire… personne n’est à l’abri d’une bavure ou d’une erreur de commandement. Le manque de communication n’est pas une exclusivité prévôtale mais un manquement d’ordre humain et aucune communauté n’y échappe (en français : il y a la même proportion de c..s partout, … comment ne pas souscrire !).

Mais c’est le 27 Septembre que l’on arrive véritablement dans le « vif du sujet » et au coeur de l’analyse avec l’intervention de « Jean Yves Fontaine » qui reconnait que la question de la militarité ou de la non-militarité de la gendarmerie est au centre des préoccupations de l’ensemble des officiers de cette arme et « qu’elle constitue une valeur institutionnelle fondamentale qui a des conséquences structurelles … ». Deux articles donnent à ses yeux la mesure de l’ampleur du discours interne qui touche à l’ensemble de l’Institution :

Le premier a pour auteur le Lieutenant colonel MECHAIN, est daté de 1994 et est intitulé : « Identité et Modernité ». Cet officier a pour objectif d’affirmer l’impérieuse exigence du caractère militaire de la gendarmerie. Pour lui, cette « nécessité institutionnelle » correspond à un acte de foi. Son opportunité est donc une non question … car la question ne se pose pas ! La militarité, c’est le « mythe fondateur » (si on se pose le problème de Dieu, l’édifice de l’Eglise s’effondre !) Pour cet officier de gendarmerie le choix relève de la nation et échappe donc par nature à l’institution elle-même … la militarité est intangible ! En 2001, le Général WATIN AUGOUARD, en activité, s’est livré à une étude déontologique qui eut beaucoup d’écho au sein de l’Arme sous le titre : « la Militarité de la Gendarmerie ». Il pousse l’analyse, il étudie, mieux encore … il prospecte ! Pour lui, cette récente révolte correspond à un « mouvement social ». Elle porte témoignage de la profondeur d’un malaise qui s’affronte au silence de l’éthique militaire. Dans ces conditions, la suppression de cette militarité aurait des effets ravageurs, désastreux car elle a un caractère utilitaire … et même fondamental.
Pour le Général WATIN AUGOUARD, la révolte des gendarmes en 2001, exprimée certes dans des formes inédites, n’annonce pas la fin de l’institution … Elle doit au contraire être « transcendée » pour donner un sens à son caractère militaire.

Les gendarmes sont-ils « des militaires » ? Il peut effectivement y avoir ambiguïté quant à cette identité : ils travaillent avec la police sous les ordres d’un directeur civil (à cette époque…), sont à la disposition d’un magistrat et échappent à leur hiérarchie. Autant d’éléments organisationnels qui soulignent une interrogation récurrente au moment où, à une gendarmerie du commandement et des hommes s’est substituée une gendarmerie bureaucratique et fonctionnaire. L’uniforme ? Les grades ? … la police s’est « alignée » !

Le temps a passé ! notre gendarmerie présente des caractères étrangement « surannés » : Le colonel, à la tête de « sa région » , continue à exercer son Commandement en patriarche tandis que la maréchal des logis chef spécialisé et expert en analyse criminelle … est correspondant du FBI et donne des conférences ! Doit-on s’étonner qu’il n’ait plus « les petits doigts sur la couture du pantalon ». De quoi sera fait l’avenir ?

(à suivre)

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